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Prosper Poitevin, Grammaire générale et historique de la langue française

Prosper Poitevin, auteur du Cours théorique et pratique de langue française, ambitionne d'établir une théorie de la grammaire française qui soit à la fois historique et philosophique, descriptive et normative, et qui se distingue ainsi des nombreuses “grammaires françaises” du 19e siècle, selon lui peu fécondes et répétitives. Comptant deux tomes de cinq cents pages, la Grammaire générale et historique de la langue française (1856) constitue donc moins un outil pour les maîtres et les élèves qu'un monument scientifique destiné à faire progresser la linguistique.

Au chapitre des participes passés, deux vers de L'Homme des champs sont cités pour illustrer des participes invariables conjugués avec l'auxiliaire avoir sans complément direct :

                    II.

               (Conjugué avec avoir, sans complément direct.)

     Ils ont vaincu pour lui. Les vers m'ont échappé.
          Voilà qu'elle a fini ; l'ouvrage aux yeux s'expose. (Molière.)
     Les superstitions ont duré un certain nombre d'années et tombé ensuite avec la puissance de leurs sectateurs.
          Dans ce désastre affreux quels fleuves ont tari !
          Quels sommets ont croulé ! quels peuples ont péri ! (Delille1.)

Vers concernés : chant 3, vers 153-154

Plus intéressante, une seconde citation est incluse dans la partie des “Observations complémentaires”, recueil alphabétique de remarques portant sur des mots ou des expressions. Delille est cité en compagnie de Jean-Jacques Rousseau et Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée pour distinguer deux mots clefs de l'histoire littéraire, romantique et romanesque :

                    Romantique, romanesque.

     Le premier se dit des lieux et des paysages bizarrement accidentés, et qui rappellent à l'imagination les descriptions des romans :

     Les rives du lac de Bienne sont plus sauvages et plus romantiques que celles du lac de Genève. (J.-J. Rousseau.)
          Quels sublimes aspects, quels tableaux romantiques !
          Sur ces vastes rochers, confusément épars,
          Je crois voir le génie appeler tous les arts. (Delille.)

     Il se dit aussi par extension d'un genre de poésie qui, jusqu'à ce moment, n'a pas été très-nettement défini.
     Le second, qui se prend toujours en mauvaise part, sert à qualifier les récits des aventures qui ont quelque chose du merveilleux des vieux romans, ou des personnes qui ont la ridicule exaltation des héros imaginés par les romanciers :

     Une aventure, une histoire romanesque.
          L'amour dans un jeune homme est toujours romanesque.
                    (La Chaussée2.)

Vers concernés : chant 3, vers 304-306

Accès à la numérisation du texte (Google Books)


Auteur de la page — Timothée Léchot 2019/06/19 02:02
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/17 12:09


1 Prosper Poitevin, Grammaire générale et historique de la langue française présentant l'étude et l'analyse de la formation, des développements et des variations de notre idiome national depuis son origine jusqu'à nos jours. Par M. P. Poitevin auteur du Cours théorique et pratique de langue française, adopté par l'Université ; du Dictionnaire classique de la langue écrite et parlée ; du Nouveau Dictionnaire universel de la langue française, rédigé d'après les travaux et les mémoires des cinq classes de l'Institut, etc., Paris, Bureaux du Magasin pittoresque, 1856, t. 2, p. [35].
2 Id., p. 454.