Mathieu, Des Colonies et des voies romaines en Auvergne
Présentation de l'œuvre
L'étude de Pierre-Pardoux Mathieu, Des Colonies et des voies romaines en Auvergne (1857) a d'abord paru en 1855, sous formes d'une série d'articles, dans les Annales scientifiques, litteraires et industrielles de l'Auvergne. Le texte n'offrant guère de variantes, nous ne présentons en détail que la version définitive.
Citation
Bien qu'il porte, comme son titre l'indique, sur les traces laissées en Auvergne par l'occupation romaine, ce travail historique et archéologique cite à plusieurs reprises Delille, célébrité locale dont seul Vercingétorix égale le renom1. Mathieu, qui juge que le poète a été influencé par les paysages de son enfance jusque dans ses traductions de Virgile, estime notamment qu'un passage en apparence vague de L'Homme des champs doit être associé à un lieu bien déterminé, proche de Clermont-Ferrand : le lac d'Aydat, dont les eaux sont retenues par une coulée de basalte.
Elevé à Chanonat, où l'on montre encore sa petite chambre voûtée, [Delille] se rappelait trop bien [des lieux de son enfance] pour ne pas puiser dans Virgile une réminiscence des sites ravissants qu'il avait vus dans sa jeunesse, et dont l'aspect étonne d'autres yeux que les siens, lui, qui reproche à Buffon d'avoir jugé le monde des bosquets de Montbard2 :
Oh ! s'il eût parcouru cette belle Limagne,
Qu'il eût joui de voir, dans la même campagne,
Trois âges de volcans que distinguent entre eux
Leurs aspects, leurs courants, leurs foyers sulfureux !
La mer couvrit les uns par des couches profondes ;
D'autres ont recouvert le vieux séjour des ondes ;
L'un d'une côte à l'autre étendit ses torrents ;
L'autre eu fleuve de feu versa ses flots errants3 !
Voilà le tableau de la coulée de lave qui, en barrant le passage au ruisseau, a fait naître la belle nappe d'eau qui nous occupe. Mais laissons parler un des premiers et des plus éloquents interprètes de la science géologique, le comte de Montlosier :
“Le lac d'Aidat, dit-il, si chéri des gourmands par son excellent poisson, des antiquaires par la fameuse habitation de Sidoine Apollinaire, des curieux de toute espèce par sa forme pittoresque et variée, n'est pas moins précieux aux naturalistes par son origine. Il est évident que la lave, arrivant des puys de la Vache et de las Solas, après avoir fait une lieue de chemin, s'est versée par sa pente dans le vallon d'Aidat, s'est emparée du lit du ruisseau, qu'elle a rempli, en s'élevant à une hauteur considérable le long d'une montagne granitique qui domine le village du Leau ; elle a formé dès-lors, comme à l'étang de Fung, une digue qui, en empêchant les eaux de s'écouler, les a forcées de s'accumuler sur elles-mêmes à la hauteur de plus de cinquante pieds4 […] 5.”
Vers concernés : chant 3, vers 180 et 187-194.
Il est difficile de savoir si Mathieu pense réellement qu'Aydat a inspiré l'extrait choisi, ou si cette thèse a pour utilité première de permettre l'insertion d'un passage poétique au sein de son traité savant. L'intérêt du passage tient surtout à la manière dont les vers de Delille sont traités comme une description adéquate du phénomène géologique évoqué, au même titre que la prose de l'Essai sur la théorie des volcans d'Auvergne (1789), ouvrage à l'origine de la renommée d'un autre notable auvergnat, le politicien et naturaliste François Dominique de Reynaud de Montlosier.