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Leschevin, Voyage à Genève et dans la vallée de Chamouni

Ce récit de voyage publié en 1812 a une ambition didactique rendue explicite par son titre complet, Voyage à Genève et dans la vallée de Chamouni, en Savoie ; ayant pour objet les sciences, les arts, l'histoire, le commerce, l'industrie, les mœurs des habitans, etc. etc.

Le chant 3 de L'Homme des champs est cité à l'occasion de la description de la Mer de glace de Chamonix. Les vers de Delille, sur les montagnes enneigées, viennent confirmer le propos de Leschevin, qui, après avoir donné la mesure exacte de certains sommets, évoque la pauvreté de la flore à l'époque hivernale de sa propre visite. Les vers apparaissent à l'issue d'un mouvement au cours duquel l'auteur passe de la parole experte du botaniste à celle du croyant, impressionné par la puissance du Créateur.

Leschevin, qui considère ces vers comme familiers à ses lecteurs, a par ailleurs soin d'en ôter l'allusion au Jura (qui rend le propos de Delille plus général), afin de renforcer le lien entre le site précis du Montanvert et la citation :

Quoiqu'il y eût encore quelque verdure sur le Montanvert, à l'époque où nous le visitâmes, nous étions cependant privés de la vue des superbes plantes alpines, qui, dans la belle saison, font l'ornement de ses rochers, et que les botanistes viennent y recueillir. L'hiver régnoit sans partage sur ce sol désolé, où l'on ne voyoit plus guères que le verd sombre et lugubre des sapins et des mélèzes, plus en harmonie avec l'aspérité des lieux et du climat. Mais pour nous, plus de ces belles Astrances, plus de Potentilles, d'Achillées, d'Astères. Il ne restoit plus rien de ces êtres innombrables qui, au milieu des merveilles d'une nature qui détruit, rappellent à l'homme cette main invisible qui sème de fleurs les abymes, et qui reproduit sans cesse, lors même qu'elle semble anéantir.
Qu'il me soit permis de terminer ce que j'avois à dire sur ces montagnes, par les vers suivans de M. Delille, que le lecteur me saura gré de lui rappeler.

     Salut,…… terrible Montanvert !
     De neige, de glaçons entassemens énormes ;
     Du temple des frimats colonnades informes !
     Prismes éblouissans dont les pans azurés,
     Défiant le soleil dont ils sont colorés,
     Peignent de pourpre et d'or leur éclatante masse ;
     Tandis que, triomphant sur son trôné de glace,
     L'hiver s'enorgueillit de voir l'astre du jour
     Embellir son palais et décorer sa cour1.

La tempête n'étoit pas calmée lorsque nous quittâmes la Mer de glace. Les nuages s'étoient amoncelés sur les hauteurs des environs. Déjà quelques flocons de neige arrivoient jusqu'à nous, et nous ne pouvions douter que bientôt elle ne tombât en abondance. Il ne nous restoit d'ailleurs rien de plus à observer sur la montagne. Nous quittâmes donc sa cime cinq heures après y être arrivés2 […].

Vers concernés : chant 3, vers 342-350.

Accès à la numérisation du texte : HathiTrust.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2018/09/12 18:13


1 NDA : “L'Homme des champs. Chant troisième”.
2 Philippe-Xavier Leschevin, Voyage à Genève et dans la vallée de Chamouni, en Savoie ; ayant pour objet les sciences, les arts, l'histoire, le commerce, l'industrie, les mœurs des habitans, etc. etc., Paris, Renouard, et Genève, Guers, 1812, p. 274-276.