Guillaume, La Station préhistorique de Panacelle et les peuples anciens du bassin de Guillestre
Présentation de l'œuvre
Comme l'indique son titre complet, La Station préhistorique de Panacelle et les peuples anciens du bassin de Guillestre : souvenir des Alpes1, ce texte publié en 1878 tient à la fois de la monographie scientifique et de la littérature touristique (il pourra constituer un “souvenir” ou une incitation à venir sur place pour les visiteurs des régions décrites). Le fait que Guillaume vise deux types de lecteurs, savants et voyageurs “alpinistes”, est encore confirmé par un bref préambule :
Depuis bientôt trente ans, et chaque année. l'on découvre à Panacelle, non loin de Guillestre (Hautes-Alpes), de nombreux et rares objets de l'époque très-reculée que les archéologue appellent préhistorique ; objets qui vont bientôt enrichir les musées des grandes villes ou les collections particulières de quelques amateurs fortunés.
Aucun journal, aucune revue n'a parlé jusqu'à ce jour — du moins à ma connaissance — de ces fouilles si intéressantes… Il est temps d'en dire quelques mots et, sans attendre l'effet de promesses qui tardent trop à se réaliser, d'attirer, dès ce moment, l'attention du public, surtout des savants et des nombreux touristes, membres du Club Alpin ou non, qui, à chaque saison nouvelle, se rendent dans les Alpes françaises et passent presque tous à quelques pas de l'antique Station de Panacelle, sans même soupçonner son existence2.
Citation
Guillaume partage une des idées centrales du chant 3 de L'Homme des champs : il incite ses lecteurs amateurs de sciences à se pencher sur la région qu'ils habitent, en faisant mine de s'interroger :
Ne serait-il pas temps que chacun s'intéressât personnellement aux trésors archéologiques et scientifiques de son pays, et s'occupât, selon son pouvoir, de retenir, près du lieu qui les a vu naître, tant d'objets qui vont faire l'admiration des grands centres ? Près du sol qui les a produits, ces objets auraient un plus grand charme et contribueraient puissamment aussi à attirer dans les belles vallées du Dauphiné3 […].
Il déplore alors que ces vallées demeurent encore trop ignorées et entreprend, dans une note, de faire l'éloge de leur paysage, occasion de convoquer les vers de Delille :
[Ces chaînes, dites de Muscius,] sont loin d'égaler la grandeur sauvage du Pelvoux et de ses gigantesques satellites. Rien de plus agréable, au contraire, durant la saison d'été, surtout en juillet, août et septembre, que les montagnes et les vallées des Alpes de Muscius, particulièrement celles de Vars […]. — C'est bien à elles que l'on peut appliquer ces vers de Delille :
Non jamais, au milieu de ces grands phénomènes,
De ces tableaux touchants, de ces terribles scènes,
L'imagination ne laisse dans ces lieux,
Ou languir la pensée ou reposer les yeux.
Aussi j'ose appeler sur ce point de l'Embrunais l'attention des Alpinistes qui redoutent les ascensions périlleuses, et des directeurs des caravanes scolaires qui veulent procurer à leurs jeunes touristes les douces jouissances de la montagne. Jamais, sur les pelouses du col de Vars, du Vallon, du Mélézet ou de Valbelle, les dangers ne seront sérieux ; toujours les agréments seront variés et salutaires4.
Les vers de Delille ne sont donc pas intégrés à un développement scientifique ; ils servent l'apologie d'une contrée présentée comme un lieu idyllique, le mieux à même de justifier leur “application”.
Vers concerné : chant 3, vers 351-354.