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Laurence de Savigny, Le Bonheur des enfants

En 1840, dans Le Bonheur des enfants1, l'abbé Laurence de Savigny exploite une recette pédagogique éprouvée : le jeune lecteur de ce roman éducatif est invité à suivre les activités de M. de Germini et de ses enfants, le père de famille ne manquant pas de délivrer, en toute occasion, des leçons sur des sujets divers. Au besoin, elles s'appuient sur des citations de textes poétiques, qui, de même que les illustrations nombreuses ponctuant l'ouvrage, étaient probablement perçues comme un moyen de rendre l'apprentissage encore plus attractif.

Delille est mis à contribution à deux reprises. Laurence de Savigny emprunte aux Trois Règnes de la nature des vers sur les armes à feu2, et lorsque ses petits personnages jouent à se lancer des boules de neige, leur père, qui évoque à cette occasion les avalanches, ne manque pas de citer L'Homme des champs :

Charles, dit M. de Germini, puisque nous sommes sur le chapitre de la neige, pourrais-tu me répéter ce que je t'ai dit sur les avalanches. Sais-tu ce que c'est qu'une avalanche ?
— Oui, mon papa. Les avalanches sont des masses de neige qui se précipitent, en se pelotonnant, du haut en bas des montagnes ; elles partent, accompagnées d'un bruit sourd. La rapidité avec laquelle elles roulent jusqu'au bas des vallées, fait courir les plus grands dangers aux voyageurs ; souvent elles les étouffent sans les toucher, par la seule pression de l'air qu'elles produisent, et qui coupe la respiration. Une petite pelote s'accroît tellement, en roulant, que la boule que j'ai en ce moment à la main, partant de la cime d'une montagne, pourrait acquérir la grosseur d'une maison avant d'arriver dans la vallée.
— C'est, reprit M. de Germini, ce que l'abbé Delille a très-bien décrit dans des vers que je vais vous citer.

Souvent un grand effet naît d'une faible cause,
Souvent sur ces hauteurs, l'oiseau qui se repose
Détache un grain de neige ; à ce léger fardeau,
Des grains dont il s'accroît, se joint le poids nouveau :
La neige autour de lui rapidement s'amasse ;
De moment en moment il augmente sa masse ;
L'air en tremble, et soudain s'écroulant à la fois,
Des hivers entassés l'épouvantable poids
Bondit de roc en roc, roule de cime en cime,
Et de sa chute immense ébranle au loin l'abîme.
Les hameaux sont détruits, et les bois emportés :
On cherche en vain la place où furent les cités,
Et sous le vent lointain de ces alpes qui tombent,
Avant d'être frappés, les voyageurs succombent3.

Vers concernés : chant 3, vers 359-372

Accès à la numérisation du texte : Gallica.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2019/04/03 19:12


1 Laurence de Savigny, Le Bonheur des enfants, illustré par 170 dessins gravés sur bois, Paris, Aubert et Cie. L'ouvrage, non daté, apparaît dans les catalogues de l'éditeur à partir de 1840.
2 Id., p. 42-43.
3 Id., p. 101.