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Antoine Charma, Essai sur le langage

En 1846, la seconde édition de l'Essai sur la langage de Charma offre l'exemple rare d'un texte désignant une note de L'Homme des champs comme une des sources de son savoir, en l'occurence philologique.

Dans la première édition de son ouvrage, tiré en 1831 d'une thèse, Charma avait écrit, contestant les théories de Court de Gébelin sur la valeur imitative du langage : “selon l'auteur du Monde primitif, la parole est partout et toujours la peinture de nos idées : mais, d'une part, il est des idées telles que celles d'abstraction, de généralisation, qui ne sauraient se peindre ; et d'une autre part, parmi celles qui comporteraient ce genre d'expression, n'en remarquons-nous pas auxquelles nous avons attaché des signes qui ne les peignent point ? Le taratan tara d'Ennius, le tire-tiran-lire de je ne sais quel poëte, n'auraient-ils pas mieux nommé , sous ce rapport , la trompette et l'alouette, que ne le font les noms qui leur sont restés1 ?”

Dans la seconde édition, révisée, Charma ajoute un correctif : le tire-tiran-lire qu'il attribuait, sans le nommer, à Du Bartas, était une citation erronée, reprise de la version fautive proposée dans L'Homme des champs. Charma restitue le texte correct de Du Bartas, en suivant son évolution dans les différentes éditions successives de sa Sepmaine ; puis il explique, en prenant soin d'incriminer les seuls éditeurs du poème :

Malheureusement ce n'est pas dans le poëme lui-même que j'avais primitivement fait connaissance avec ce passage ; je l'avais trouvé dans une note sur le livre III de L'homme des champs, par Delille (édit. de Paris, an XIII-1805, p. 176), note, il faut le dire, qui n'est pas de Delille, mais de son éditeur anonyme ; cette note m'avait donné ces vers tels que je les transcris :

La gentile alouette crie son tire lire,
Tire lire a liré , et tire tiran lire
Vers la voute du ciel ; puis son vol vers ce lieu
Vire, et desire dire, adieu Dieu , adieu Dieu.

C'est de là que le tire tiran lire est passé dans mon texte. Mes lecteurs sont priés de substituer à cette locution, qui n'est très vraisemblablement qu'une faute grossière de l'éditeur ou de l'imprimeur, le tire-lire qui appartient bien à Dubartas2.

Note concernée : chant 3, note 50


Auteur de la page — Hugues Marchal 2019/03/05 14:55


1 Antoine Charma, Essai sur le langage (2e éd.), Paris, Librairie classique et élémentaire de L. Hachette, 1846, p. 70.
2 Id., p. 211.