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Michel, Vichy et ses environs

Vichy et ses environs (1839) appartient à la “littérature thermale” qui se développe au dix-neuvième siècle en même temps que les stations thermales elles-mêmes. Bien que l'auteur de ce petit texte de quelque quatre-vingt pages, l'érudit local Adolphe Michel, ait souvent recours au mot de topographie pour qualifier sa démarche, le ton n'est pas réellement scientifique ou géographique. Il s'agit simplement de présenter, par brefs chapitres accompagnés de gravures, les principales zones accessibles à un curiste, en y mêlant un commentaire badin, dénué de réelles prétentions littéraires ou didactiques, qui vise à délasser le lecteur par une sorte de causerie de bonne compagnie.

Les vers de L'Homme des champs consacrés aux hautes montagnes sont convoqués pour clore une description du point de vue offert “au sommet de la Côte de Saint-Amand, qui s'élève au sud et à une petite demi-lieue de Vichy”, et d'où l'on peut apercevoir la Limagne, “fortuné séjour, qui a vu naître le poète Delille1”.

      En plongeant vos regards dans le lointain, un point noir qu'on pourrait prendre à sa forme et à sa position pour la tour de quelque phare, contemporain du grand lac qui s'est tari, et des volcans qui se sont éteints, se détache sur le fond grisâtre des montagnes : c'est la cathédrale de Clermont, qui a remplacé le temple du Wasso-Galatha des Arvernes. Derrière, cette majestueuse pyramide, dont la masse domine le tableau, c'est le Puy-de-Dôme : plus loin encore, sont les monts Dore, qui cachent aussi dans leurs âpres vallées des eaux bienfaisantes et célèbres ; enfin, à l'extrémité de l'horizon, les crêtes chenues du Cantal, où la neige résiste encore au souffle de l'été.
      A gauche, voici la chaîne moins imposante du Forez, dont les points les plus rapprochés de vous présentent un aspect si aride et si désolé, mais qui a pourtant sa délicieuse vallée du Lignon. Vous distinguez le roc St-Vincent, qui portait autrefois un château féodal sur sa croupe de granit, et qui se dresse encore aujourd'hui comme une vedette plongeant sur la vallée du Sichon. Un peu plus loin, le sombre Montoncel, ce roi des monts foréziens, arrête les nuages à la cime aiguë de ses sapins. On dirait un sanglier géant, au poil noir et toujours hérissé, qui dort accroupi sur les confins de l'horizon.
      A droite, vous avez le riant paysage de Vichy : le vieux donjon de la vieille cité, le pont suspendu qui projette hardiment ses lignes qu'on voudrait plus légères d'une rive du fleuve à l'autre ; une infinité de villas encadrées dans des touffes de verdure, l'établissement thermal dont un rideau de peupliers vous dérobe la blanche façade. Plus loin les riches coteaux des Creuziers s'offrent à vos regards, parés de vignes, de pêchers et de larges noyers ; puis votre vue, en suivant cette direction, peut s'ouvrir une perspective indéfinie dans la plaine bourbonnaise, car il n'y a plus de montagnes pour limiter l'horizon.
      N'est-ce pas que ce tableau méritait d'être vu, et qu'il réunit dans une mesure parfaite la grâce au grandiose ?

      Vous y voyez empreints Dieu, l'homme et la nature :
      La nature, tantôt riante en tous ses traits,
      De verdure et de fleurs égayant ses attraits ;
      Tantôt mâle, âpre et forte et dédaignant les grâces,
      Fière, et du vieux chaos gardant encor les traces. (Delille2.)

Vers concernés : chant 3, vers 328-332.

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Auteur de la page — Hugues Marchal 2018/09/08 17:25


1 Adolphe Michel, Vichy et ses environs, Moulins, P.-A. Desrosiers, 1839, p. 60. L'expression “fortuné séjour” figure dans l'évocation de la Limagne présente dans le chant 4 de L'Homme des champs.
2 Id., p. 61.