Louis-Guillaume-Gustave Belèze, Exercices de mémoire et de style mis à la portée des enfants
Voir la synthèse thématique sur les usages pédagogiques.
Présentation de l’œuvre
Les Exercices de mémoire et de style mis à la portée des enfants, préparés par Guillaume-Louis-Gustave Belèze, comptent parmi les ouvrages pédagogiques qui attestent la présence durable de Delille dans les écoles. L'ouvrage est approuvé en 1846 par décision ministérielle, puis réédité des dizaines de fois dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il est utilisé dans les écoles publiques de Bordeaux, Clermont (région natale de Delille), Lyon et Monpellier.
Dans un court avant-propos, le compilateur d'extraits insiste sur ses destinataires : les enfants des écoles. C'est un ouvrage pour les débutants, voué à l'apprentissage par cœur de morceaux littéraires à leur portée. Des notes explicitent en termes simples les allusions mythologiques et autres notions compliquées. Dans cette perspective pédagogique, les fables et les allégories ont la part belle des textes retenus.
Citation
Après beaucoup d'autres pédagogues, Belèze retient le morceau de L'Homme des champs sur l'herborisation dans une section de l'ouvrage intitulée “Sujets divers”, qui regroupe toutes sortes de poésies qui ne sont ni des morceaux religieux ni des apologues. Delille y côtoie les tragédies de Jean Racine et les comédies de Molière comme les pièces lyriques de Nicolas Gilbert ou d'André Chénier. Dans le passage sur l'herborisation, conformément à l'impératif d'éduquer à la fois la mémoire, le goût et la morale des enfants, Belèze supprime les vers sensuels qui font référence à la pervenche de Jean-Jacques Rousseau et à la “maîtresse” que le philosophe “adore”.
15. L'Herborisation.
Le jour vient, et la troupe arrive au rendez-vous.
Ce ne sont point ici de ces guerres barbares
Où les accents du cor et le bruit des fanfares
Épouvantent de loin les hôtes des forêts.
Paissez, jeunes chevreuils ; sous vos ombrages frais,
Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes
Ont pour objet les fleurs, les arbres et les plantes ;
Et des prés et des bois, et des champs et des monts,
Le portefeuille avide attend déjà les dons.
On part : l'air du matin, la fraicheur de l'aurore,
Appellent à l'envi les disciples de Flore1.
Jussieu2 marche à leur tête ; il parcourt avec eux
Du règne végétal les nourrissons nombreux.
Pour tenter son savoir, quelquefois leur malice
De plusieurs végétaux compose un tout factice :
Le sage l'aperçoit, sourit avec bonté,
Et rend à chaque plant son débris emprunté.
Chacun dans sa recherche à l'envi se signale :
Étamine, pistil, et corolle, et pétale,
On interroge tout. Parmi ces végétaux,
Les uns vous sont connus, d'autres vous sont nouveaux ;
Vous voyez les premiers avec reconnaissance,
Vous voyez les seconds des yeux de l'espérance :
L'un est un vieil ami qu'on aime à retrouver,
L'autre est un inconnu que l'on doit éprouver.
. . . . . . . . . . . . . .
Mais le besoin commande : un champêtre repas,
Pour ranimer leur force, a suspendu leurs pas ;
C'est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades ;
Bacchus3 se rafraîchit dans les eaux des Naïades4 ;
Des arbres pour lambris, pour tableau l'horizon ;
Les oiseaux pour concert, pour table le gazon ;
Le laitage, les œufs, l'abricot, la cerise,
Et la fraise des bois que leurs mains ont conquise ;
Voilà leurs simples mets ; grâce à leurs doux travaux,
Leur appétit insulte à tout l'art des Méots5.
On fête, on chante Flore, et l'antique Cybèle,
Éternellement jeune, éternellement belle.
Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés
Par la mode introduits, par la mode emportés ;
Mais la grandeur d'un Dieu, mais sa bonté féconde,
La nature immortelle, et les secrets du monde.
(Delille6.)
Vers concernés : chant 3, vers 410-434, 445-460
Lien externe
- Accès à la numérisation du texte : Google Books.
Auteur de la page — Timothée Léchot 2018/09/29 23:06
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/15 18:58