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Pagès de Vixouze, Cours d'études encyclopédiques

Comme l'indique son long titre complet, le Cours d'études encyclopédiques, rédigé sur un plan neuf, contenant : 1° l'histoire de l'origine et des progrès de toutes les sciences, belles-lettres, beaux-arts et arts mécaniques ; 2° l'analyse de leurs principes ; 3° tous ces mêmes objets traités en détail…, de François-Xavier Pagès de Vixouse, tient à la fois d'un compendium didactique et d'un long essai sur la marche des connaissances et des arts.

La première édition parut en 1800-an VIII, comme la seconde, que nous utilisons comme référence.

Pagès utilise le passage sur le grain de sable au sein d'un chapitre intitulé “Le voyageur universel”, qui doit donner aux lecteurs un “coup d'œil général […] sur toutes les parties du monde1”, en s'appuyant sur l'histoire naturelle.

Dans ce chapitre, Pagès commence par évoquer la genèse du globe, occasion d'une note qui souligne la difficulté de concilier les concepts potentiellement contraires de création et d'éternité. Pour Pagès en effet, si “tout atteste un être créateur et souverainement intelligent2”, les travaux des géologues forcent à remettre en cause la doctrine d'une création immuable, ainsi que la chronologie biblique. C'est dans ce cadre qu'intervient la citation de Delille, traitée comme une démonstration de la nécessité de penser l'histoire du globe dans un cadre chronologique considérablement élargi.

      […] la physique prouve qu'il [l'univers] est infiniment plus ancien que ne le supposent les chronologies même les plus fabuleuses. Que de milliards d'années n'a-t-il pas fallu pour la formation des mondes, pour celle d'une simple carrière de marbre ! Nous ne pouvons nous refuser au plaisir d'insérer ici le morceau suivant, extrait du poëme des Géorgiques françaises, que Delille fait imprimer maintenant à Bâle en Suisse. Le poète y exprime ce que nous venons d'avancer, et ses vers sont aussi profondément pensés, qu'ils sont harmonieux. II y a, dans ce poème, un chant entier consacré à l'histoire naturelle :

Voyez d'un marbre usé les plus mince [sic] débris :
Quel riche monument ! de quelle grande histoire
Ses révolutions conservent la mémoire !
Composé des débris de l'empire animé,
Parla destruction ce marbre fut formé.
Pour créer ces débris dont les eaux le pétrirent,
De générations quelles foules périrent !
Combien de tems sur lui l'ocean a coulé !
Que de tems dans leur sein les vagues l'ont roulé !
En descendant des monts dans les profonds abymes,
L'océan autrefois le laissa sur leurs cimes ;
L'orage dans les mers de nouveau le porta ;
De nouveau, sur ses bords la mer le rejeta,
Le reprit, le rendit. Ainsi rongé par l'âge,
Il endura les vents, et les flots, et l'orage.
Enfin de ces grands monts humble contemporain,
Ce marbre fut un roc ; ce roc n'est plus grain ;
Mais fils du tems, de l'air, de la terre, et de l'onde,
L'histoire de ce grain est l'histoire du monde3.

Non seulement les vers de Delille sont perçus comme un résumé efficace des traités de “physique”, mais Pagès souligne que ces alexandrins sont tirés d'un poème que Delille n'a pas encore publié. Cette occurence est donc aussi un bon exemple de la manière dont la pré-publication de certains extraits a pu déclencher des réactions et reprises, avant même la parution intégrale de L'Homme des champs.

Vers concernés : chant 3, vers 202-220.

  • Accès à la numérisation du texte : HathiTrust.

Auteur de la page — Hugues Marchal 2017/02/08 13:39


1 François Pagès, Cours d'études encyclopédiques, rédigé sur un plan neuf […], Paris, Artaud, 2e éd., t. 6, an VIII-1800, p. 422.
2 Id., p. 424
3 Id., p. 424-425.