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Johannes von Müller, Sämmtliche Werke

En 1811, deux ans après sa mort, la correspondance de Johannes von Müller est publiée, au sein d'une imposante édition de ses œuvres complètes. Or elle contient une lettre à son frère, où l'historien suisse exprime le ravissement qu'il a éprouvé face à L'Homme des champs.

Dans cette lettre envoyée de Trèves le 6 juin 1801, Müller évoque ses déplacements (il vient de quitter Nancy et se plaint du peu d'effet de ses activités de diplomate), puis ses lectures récentes, notamment celle du livre de Pierre Charron, De la sagesse (1601), dont la mention, élogieuse, le conduit à parler de Delille. Il avoue avoir dévoré d'un trait le poème, prêté par un officier français, et souligne combien l'attention donnée aux découvertes scientifiques récentes lui paraît renouveler les peintures de la nature, au point de permettre à Delille de rivaliser avec Virgile.

Es unterbrach mich in dieser Lectür ein französischer Offizier, der mir Delille's georgiques Françaises gab. Dieses Gedicht konnte ich nicht weglegen, ehe es ausgelesen war. Er ahmt Virgil'n so nach, wie dieser den mäonischen Sänger : es ist ein so sublimes als sanft schmeichelndes Product ; gleichwie jener, ohne größer als Homer zu seyn, durch die Einmischung der hohen platonischen Ideen ihn zuweilen übertrifft, so dieser den Mantuanischen durch die neuesten Entdeckungen der Physik, die vielen Stellen etwas von der Majestät der Natur geben, wie man sie jetzt kennt. Er ist rein moralisch, und wo er die Unfälle seines Vaterlandes beseufzt, äußerst rührend. Ich muß dieses Büchlein kaufen ; es ist von denen, die man sein Lebenlang lieset1.

Or Müller termine cette lettre en citant les derniers vers du chant 3 :

Endlich habe ich euerm Käzchen (das aber, der Poesie zu lieb, nun Raton heißen muß) ein schönes Lobgedicht zu addressiren, (du mußt aber nicht sagen, daß es von Delille ist2) !

     O toi, dont Lafontaine eût vanté les attraits,
     O ma chere Raton ! qui rare en ton espèce,
     Eus la grace du chat, et du chien la tendresse,
     Qui fière avec douceur, et fine avec bonté
     Ignoras l'égoisme, à ta race imputé ;
     Que je voudrois te voir telle que je t'ai vue,
     De ta molle fourrure élegamment vétue,
     Affectant l'air distrait, jouant l'air endormi,
     Epier une mouche ou le rat ennemi ;
     Ou telle que tu viens, minaudant avec art,
     De mon sobre diner sollicitant ta part ;
     Ou bien le dos en voute et la queue ondoyante
     Offrir ta douce hermine à ma main caressante,
     Ou déranger gaîment par mille bonds divers
     Et la plume et la main qui t'addresse ces vers3.

Vers concernés : chant 3, vers 634-642 et 645-650.

Accès à la numérisation du texte : HathiTrust.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2018/01/07 20:48


1 “Ce qui a interrompu cette lecture [celle de Charron], c'est un officier français, qui m'a donné les géorgiques Françaises de Delille. Je n'ai pas pu lâcher ce poème avant de l'avoir terminé. Il imite autant Virgile que ce dernier imite le chantre méonien [c'est-à-dire Homère] : le résultat est aussi sublime que doucement flatteur ; tout comme le premier, sans être aussi grand qu'Homère, a su parfois s'élever jusqu'à lui grâce à l'inclusion des plus hautes idées platoniciennes, celui-ci s'égale au Mantouan grâce aux plus récentes découvertes de la physique, qui apportent à beaucoup de pages une partie de la majesté de la nature telle qu'on la connaît à présent. Il est pur moralement, et lorsqu'il déplore les évènements qui affectent sa patrie, extrêmement touchant. Il faut que j'achète ce livre, il est de ceux qu'on lit sa vie durant” (nous traduisons). Johannes von Müller, Sämmtliche Werke, Johann Georg Müller (éd.), Tübingen, in der J. G. Cotta'schen Buchhandlung, t. VI, 1811, p. 454-455.
2 “Pour finir, j'ai à adresser à votre petit chat (qui toutefois, pour l'amour de la poésie, devra s'appeler maintenant Raton) un bel éloge en vers (mais ne va pas dire qu'il est de Delille !)”
3 Id., p. 455-456.