"De Veldeling […] Het Buitenleven" (Algemeene vaderlandsche letter-oefeningen)
Présentation du texte
En 1803, les Algemeene vaderlandsche letter-oefeningen traitent en un seul article1 les deux traductions néerlandaises de L'Homme des champs, procurées par Brinkman et par Bilderdijk. Paradoxalement, si la première a les faveurs du journaliste, c'est à la seconde qu'il consacre la plus large part de l'article, tant elle lui semble contestable.
Fidélité et altération
Le recenseur, qui débute en soulignant la difficulté d'une telle tâche, salue la fidélité de la traduction de Brinkman et signale que, même s'il raille son titre, Bilderdijk lui rend également hommage sur ce point. Or, bien qu'il indique ce dernier a également fourni un texte de qualité, le critique recommande d'emblée de lire la première traduction (“Vertaling”), plutôt que l'adaptation (“Naarvolging”) de Bilderdijk, si du moins on désire prendre connaissance de l'œuvre de Delille, désir qu'il juge naturel, puisque l'original a été salué à sa sortie comme un chef-d'œuvre (“een meesterstuk”), voire, comme le dit Bilderdijk, un miracle (“een wonder”).
L'enthousiasme s'étant spécialement porté sur le chant\ 3, “description poétique de presque toutes les productions de la nature2”, le journaliste retranscrit la transposition des vers sur l'herborisation par Brinkman. Puis il donne en français le dernier distique du passage, “– avec moins de tendresse / L'Amant voit, reconnaît, adore sa maîtresse”, pour signaler que Bilderdijk a remplacé l'image par celle d'un chat : “Neen, minder is de vreugd van de afgerichte kat, / Wanneer zy 't muisjen grypt, daar ze op te loeren zat3”.
Vers concernés : chant 3, vers 443-444.
Un contre-Bilderdijk
L'exemple du chat marque le début d'une vive critique de Bilderdijk.
Le journaliste s'insurge contre le genre de moquerie (“spotterny4”) que Bilderdijk emploie envers le vieux poète. Il s'interroge sur les raisons qui ont poussé son compatriote à traduire l'œuvre s'il l'estimait si peu5 et il souligne avec perplexité sa haine des Français. Après avoir donné de nouveaux exemples illustrant ces différentes attitudes, tirés du texte de Bilderdijk, il insiste en outre sur la dimension religieuse que ce dernier donne à son commentaire, et sur la manière dont il défend l'utilité du christianisme (“den nood der Christenheid6”) jusque dans les vers de sa version de L'Homme des champs.
Toute cette section de l'article est donc extrêmement proche du texte français dans lequel Kraane, un an plus trad, reprendra mot pour mot l'exemple de l'amant remplacé par le chat. On pourrait ainsi penser que le journaliste anonyme et Kraane ne font qu'un.
Toutefois, l'article contient des réserves absentes du texte de 1804. Le journaliste, qui signale que Bilderdijk a souhaité insérer dans sa version du poème des scènes à la campagne hollandaise, regrette la confusion qui en résulte. On ne sait, déplore-t-il, jamais qui parle, s'il s'agit de Delille (puisque l'original comporte déjà des passages sur la Hollande), ou si c'est son traducteur – et cette hésitation est désagréable7.
La conclusion est cinglante : l'œuvre de Delille ne méritait pas ce traitement partisan8 et si Bilderdijk prétendait la dépasser, il ne tenait qu'à lui de composer directement, en néerlandais, un poème propre.