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Palassou, Mémoires pour servir à l'histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacens

Palassou a réuni ses communications scientifiques sur les Pyrénées dans une série de recueils intitulés

Les trois premiers recueils citent Delille1.

Les vers de L'Homme des champs apparaissent dès le premier mémoire du recueil, “Observations faites au Pic du Midi de la Vallée d'Ossau, et dans les montagnes adjacentes”, lorsque Palassou évoque sa découverte d'un bloc de marbre incluant des coquillages “fossilles”.

[…] je parvins avec le secours de mon guide, par des coups redoublés, à détacher un morceau de ce marbre, qui, frappé de champs [sic], s'ouvrit en deux portions, dont les faces intérieures présentent des coquilles bivalves de différentes grandeurs et striées. Jaloux de le présenter à la curiosité de ceux qui s'appliquent à l'étude de l'histoire naturelle, je m'empressai d'en faire don à l'administration des mines, qui le fit placer dans son cabinet. J'avais découvert en outre, quelques fragmens de coquilles fossilles, mais mon guide les brisa, voulant diminuer le volume de la pierre calcaire qui les contenait.

     Composé des dépôts de l'empire animé,
     Par la destruction, ce marbre fut formé.
     Pour créer les débris, dont les eaux le pétrirent.
     De générations quelle foule [sic] périrent !
                         Delille.

Les marbres coquilliers que j'ai découvert au quartier d'Abés sont un monument authentique, une espèce d'histoire écrite de la main de la nature, qui ne laisse aucun doute sur la formation des matières calcaires de cette partie des Pyrénées. Il est vraisemblable que l'on découvrirait moins rarement dans ces montagnes, des vestiges de corps marins, si les observateurs suivaient avec un peu de constance leurs recherches2 […].


Vers concernés : chant 3, vers 205-208.

Dans la suite du même mémoire, Palassou applique des vers de Delille au Pic du Midi, tout en prenant soin de signaler que ce site n'est pas leur référent direct :

Ici s'ouvre un assez grand espace, uniquement occupé par les blocs innombrables, aigus et tranchans dont je viens de parler, et qui présentent la fidèle image du chaos. Une chaîne montagneuse et sémi circulaire en forme la triste enceinte : on voit à droite et du coté du nord, des roches calcaires et blanchâtres, s'appuyant sur des couches de schiste argilleux, qui les sépare de la masse isolée du Pic du midi : au sud, se montrent d'autres montagnes, principalement formées de couches argilleuses et revêtues de gazon, ainsi qu'une partie des précédentes ; enfin, au fond de cette enceinte, s'élève la masse entière de ce mont noirci par le temps, et partout accompagné de marques certaines de son extrême décrépitude ; aspect hideux, qui n'inspire que la tristesse ; la nature se montre tellement avare de toutes les productions propres à soulager la vue, qu'elle offre le Pic du midi entièrement stérile et nu, depuis sa base jusqu'au sommet : il semble que M. Delille ait eu l'intention d'en présenter l'affreux tableau, dans les vers suivans :

     Voyez-vous ce mont chauve, dépouillé de terre,
     A qui fait l'aquilon une éternelle guerre :
     L'olimpe pluvieux de son front escarpé,
     Détachant le limon, par les eaux détrempé [,]
     L'emporta dans les champs et de sa cime nue,
     Laissa les noirs sommets, se perdre daus la nue.
     L'œil s'afflige à l'aspect de ces rochers hideux3.


Vers concernés : chant 3, vers 107-113.

L'accord entre le propos du géologue et celui de Delille est renforcé par le fait que Palassou “emprunte” par avance certains éléments clés de la citation, tels que les adjectifs “nu[e]” et “hideux”, ou le motif de la tristesse. En revanche, la ponctuation choisie par le savant et la transformation de l'hémistiche “par ses eaux détrempé” en “par les eaux détrempé” perturbent la clarté des vers cités.

L'Homme des champs figure aussi dans le second mémoire, portant “sur les atterrissemens formés des débris des Pyrénées”. Ici, la manière dont Delille dépeint l'érosion du marbre contraste fortement avec le ton du paragraphe que ces alexandrins prolongent, car dans ce passage, nettement scientifique, Palassou distingue en matière d'érosion un processus mécanique d'abrasion et une “décomposition” chimique. Mais les vers relayent une idée clé du mémoire : les plus petits grains de la “terre” viennent bien de vastes rocs.

Toutes ces différentes pierres roulées, qui font un agréable assemblage, sont intactes ; c'est-à-dire, qu'elles n'offrent aucune apparence de décomposition : la terre qui les environne et qui, dans quelques endroits, fait effervescence avec l'acide nitrique, est un mélange, qu'on doit attribuer principalement à la destruction des cailloux qui se sont brisés en roulant avec les eaux, du sommet des Pyrénées.

     De ces grands monts, l'humble contemporain,
     Ce marbre fut un roc, ce roc n'est plus qu'un grain ;
     Mais fils du temps, de l'air, de la terre et de l'onde
     L'histoire de ce grain est l'histoire du monde4.


Vers concernés : chant 3, vers 217-220.

Palassou convoque encore un vers du chant 3 dans un mémoire intitulé “De l'inclinaison des couches”. Intercalé entre des citations de Buffon et de Saussure, et souligné par des italiques, l'alexandrin n'est cette fois pas glosé, parce qu'il énonce une thèse que tout le mouvement antérieur du texte de Palassou cautionne : les couches sédimentaires ne résultent pas de catastrophes, mais d'une suite insensible et continu de petits dépôts.

Tout d’une cause lente annonce aux yeux l’ouvrage5.


Vers concerné : chant 3, vers 83.

Dans le reste du recueil, Palassou cite plusieurs passages des Trois règnes de la nature6.

Accès à la numérisation du texte : Gallica.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2018/09/08 18:07


1 Il arrive à Palassou de reproduire des vers d'autres poètes, comme Virgile, Lucrèce ou Mollevaut, mais Delille apparaît comme un interlocuteur privilégié pour le géologue. Le Supplément ne fait pas l'objet d'une fiche ici, bien que Palassou y reprenne des vers de L'Homme des champs, car il s'agit d'un passage extérieur au chant 3.
2 Pierre-Bernard Palassou, Mémoires pour servir à l'histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacens, Pau, impr. de A. Vignancour, 1815, p. 20-21.
3 Id., p. 32-33. – Ce passage sera repris et modifié par Palassou en 1825.
4 Id., p. 82.
5 Id., p. 422.
6 Par exemple p. 281.