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Jacquin, Le Voyage du poëte à Plombières

Signé Jacquin, de Sancy, ce petit poème appartient à la littérature “thermale” qui se développe, au fil du 19e siècle, en même temps que la vogue pour la médecine des eaux. De tels textes sont principalement des ouvrages commerciaux et des pièces de commande : ils visent la clientèle des curistes, qui passaient des séjours plus ou moins longs dans les stations et devaient y tromper l'ennui.

En tant que créations alimentaires, voire réclames déguisées pour les stations thermales qu'elles vantent, ces œuvres n'ont guère de prétentions esthétiques. Toutefois, elles peuvent jouer avec les codes de la haute poésie, en s'appuyant sur le précédent d'auteurs célèbres. Voltaire n'a-t-il pas composé une épître sur Plombières en 1729, et Delille évoqué les cures thermales dans le chant 3 de L'Homme des champs ? Jacquin lorgne vers ce modèle élevé en découpant son texte en sept chants, malgré sa brièveté (son Voyage se limite en effet à 16 pages). Mais il fait plus. Clin-d'œil pour connaisseur, tentative de se rattacher à la poésie “scientifique”, ou plus probablement cuistrerie de rimailleur pariant sur l'inculture de ses lecteurs, Jacquin pille allègrement le texte de Delille, offrant un cas transparent de plagiat.

Dans cet extrait du chant 5, “Promenade du poète au Val d'Ajol”, nous soulignons par des italiques les vers que Jacquin reproduit à l'identique ou adapte à peu de frais1.

Le besoin me commande, un champêtre repas
Va ranimer ma force et suspendre mes pas,
C'est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades

Des superbes rochers, des vertes colonnades.
Ces arbres pour lambris, pour tableau l'horizon,
Ces oiseaux pour concert, pour table le gazon ;
Le laitage, les œufs, l'abricot, la cerise,
La fraise du vallon que mes mains ont conquise,
Voilà mes simples mets,
bien nés dans les hameaux
Prêtons l'oreille aux sons des simples chalumeaux2.

Vers concernés : chant 3, vers 445-447 et 449-453

  • Accès à la numérisation du texte : Gallica.

Auteur de la page — Hugues Marchal 2017/02/23 14:31
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/18 14:00


1 Ces emprunts abondent au fil du texte : ailleurs, Jacquin vole à Colardeau des vers sur le saule et sa “mourante écorce” (Épître à Duhamel) ; il tire presque un chant entier d'un célèbre recueil de conseils médicaux en vers (L'Art de conserver sa santé, de Bruzen de La Martinière), etc. Lui-même s'auto-plagie d'ailleurs sans scrupule, puisque de vastes pans de ce Voyage du poëte à Plombières (mais non, toutefois, les vers puisés dans L'Homme des champs) se retrouvent, la même année, dans un poème similaire que Jacquin consacre… à Luxeuil.
2 Jacquin, Le Voyage du poëte à Plombières, Briey, Bancias, 1842, p. 12.