Catel, frontispice du chant 3 dans l'édition de 1807
Présentation de l’œuvre
À une date incertaine, Catel a réalisé un second jeu de frontispices pour L'Homme des champs.
Si cette série, gravée sous la direction de Bouquet, est distincte de l'ensemble utilisé dans notre édition, elle ne peut guère avoir été créée beaucoup plus tard, car certaines de ses secondes planches apparaissent dès 1804 dans des exemplaires mis en vente par Levrault. Sauf erreur de notre part, c'est toutefois seulement en 1807, à l'occasion d'une édition du poème menée par Levrault, Michaud et d'autres libraires, et dont l'impression à été confiée à l'imprimerie Stéréotype d'Erhan, que le jeu alternatif complet fut employé. Il remplace alors l'ensemble des treize frontispices et bandeaux de 1805, de sorte que le texte seul des arguments est conservé1.
Dans les éditions ultérieures procurées par Michaud, les deux jeux de frontispices de Catel ont continué à être utilisés. On retrouve ainsi le premier ensemble (mais non les bandeaux) dans des tirages de 18202, tandis que le second jeu illustre la version de L'Homme des champs formant, en 1822, le tome\ X des Œuvres de Jacques Delille mises en vente, après la mort du poète, par l'éditeur parisien3. C'est cette édition que nous utilisons ici :
Vers concernés : chant 3, vers 423-426.
On le voit, la scène choisie diffère radicalement du frontispice de Catel choisi par la maison Levrault en 1805. Ce n'est plus une catastrophe géologique qui est évoquée, mais la course botanique associée à la figure de Jussieu. D'où une très grande proximité entre cette gravure et le frontispice déjà composé sur le même sujet par Guérin, pour l'in-4° de 1802, au point que la planche de Catel peut être abordée comme une imitation ou une variation sur ce modèle (à moins qu'il ne s'agisse de l'inverse).
Une interprétation moins complexe
Comme dans la planche de l'in-4°, la gravure transpose plus d'éléments du texte que ne le suggèrent les quatre vers qui l'accompagnent. La planche de Catel conjoint elle aussi le moment de l'épreuve soumise à Jussieu, le souvenir de Rousseau et la peinture du bivouac durant lesquelles les eaux sont chargées de rafraîchir le vin. Mais, alors que le travail mené par Guérin offre au quarto de 1802 une iconographie très élaborée, conforme aux standards les plus élevés de l'édition du temps, la version de Catel paraît par contraste plus grossière – ce qui s'explique toutefois au moins en partie par le moindre format de l'image.
Catel produit un effet de cadre serré. Délimitée par des troncs ou des branches à gauche, à droite et en haut, la scène offre une vue réduite sur un paysage tout en profondeur, où l'horizon se réduit à une trouée. La frontalité de l'image est renforcée par le tracé du ruisseau, qui suggère une pente. Or un tel accent porté sur le sol efface largement la tripartition entre ciel, terre et eau qui régit la composition de 1802. Enfin, aucun personnel animal n'apparaît.
Quant aux six personnages figurés, Jussieu figure désormais au tout premier plan, assis. D'une certaine manière, il remplace ainsi l'homme souriant de 1802, ce qui efface une large partie de l'hédonisme simple mis en scène par Guérin. Ici, le repas est de fait secondaire, car l'activité botanique mobilise tous les personnages. L'homme qui se dresse ou marche derrière le premier groupe observe la cueillette qu'il tient à la main. Au troisième plan, on retrouve les deux figures de Guérin qui donnent à la scène une teinte rousseauiste, sans qu'il soit possible de savoir si Catel a songé explicitement à l'épisode de la pervenche. Dans tous les cas, les regards convergent systématiquement vers des fragments de flore.
Le jeu sur les outils et instruments est pareillement réduit. Les botanistes de Catel n'ont pas des portefeuilles, comme chez Delille et Guérin, mais seulement des boîtes (terme absent des vers). L'une apparaît dans la main droite du personnage isolé ; l'autre, plus imposante, est posée à côté de la nappe, où elle voisine avec un livre ou manuscrit plus qu'avec un herbier.
Des exemplaires hybrides
Signalons enfin que les éditeurs de Delille ont proposé des exemplaires imprimés par la Librairie stéréotype dont l'iconographie complique encore un peu plus la distinction entre les premier et second jeux d'images réalisés par Catel, puisque certains exemplaires de luxe, datés cette fois de 1808, combinent les bandeaux utilisés en 1805, donnés en noir et blanc selon le même dispositif que celui déjà décrit, et les frontispices de 1807, donnés à la fois en noir et blanc et dans une version colorée par un procédé identique à celui employé dans les mêmes in-8 de luxe de 1805 (le frontispice inaugural étant en revanche absent). Dans ces exemplaires in-8° à douze images, où seuls les frontispices varient, notre image devient4 :