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Böttiger, "Ueber den Abbé Delille und die Prachtausgabe seiner Georgika in Basel" (Der Neue Teutsche Merkur)

En cours de rédaction.

L'article de Böttiger, publié dans le Neuer Teutscher Merkur en 17971, constitue une source privilégiée sur la genèse de l'Homme des champs et sur la réception en langue allemande. En effet, les lecteurs allemands ont le prérogative de prendre connaissance de ce texte qui va être publié que trois ans plus tard, en 18002. Böttiger a accès à des actualités de Delille dû par le fait que ce dernier se trouve en exile. En fait, entre 1796 et 1799, Delille voyage en Suisse et en Allemagne et lors de la publication de cet article, en 1797, Delille se trouve à Bâle. À ce moment-là, Böttiger semble être en contact avec un proche de Delille : “Es gehen über ihn so viele und so verschiedene Gerüchte, dass die Nachrichten, die ich hier aus dem Munde eines Mannes mittheilen kann, der ihn in der letzten Zeit fast täglich sah, und aufs genaueste kennen lernte, schon darum nicht ohne alles Interesse seyn können”3. Dans un contexte dans lequel tout le monde attend impatiemment la nouvelle publication d'un Delille célébrissime partout en Europe4, Böttiger offre alors aux lecteurs allemands des informations de première main. Un effet de cette situation particulière est que le public français, également asoiffé de lire des nouvelles de et sur Delille, apprend par le biais de cet article de Böttiger les dernières actualitées qui sont alors traduites et publiées dans la Décade philosophique5 et dans le Mercure français6.

Etalé sur une quizaine de pages, Böttiger offre aux lecteurs francophiles allemands un large panorama sur Delille et ses travaux. Ainsi, il présente d'abord les plus récentes actualités dans ce moment aventureux en indiquant les dernières stations de Delille (après avoir passé par les Vosges, il se trouve en 1997 à Bâle). Ensuite, l'auteur présente Delille en tant que poète et homme de caractère exceptionnel. Il livre aux lecteurs également un aperçu dans sa méthode de travail et il informe sur les éditions récentes. Seulement après cette longue introduction, Böttiger dévoile enfin des extraits de l'Homme des champs. Il choisit tout d'abord des vers tirés de la troisième partie car “Der dritte Gesang besonders ist sehr vollkommen, und der Erhabenheit des Gegenstandes, der Grösse der Natur, angemessen”7. À cela s'enchaîne des extraits de longueurs variées de chacune des quatre parties.

Au début de l'article, Böttiger souligne l'importance de ce nouvel chef d'œuvre à venir:

Eine teutsche Buchhandlung in Basel wird das neueste und vollendeste seiner Gedichte, les Georgiques Françaises, mit aller einem Meisterwerke zukommenden Pracht und Korrektheit drucken lassen8.

Pour que les lecteurs, et les futurs acheteurs, de cette publication luxueuse ne doivent pas trop s'impatienter ou pour atteindre également un public moins fortuné, une publication plus simple est prévue. Ce procédé de diversifier les différentes formats d'une même œuvre permet de mieux comprendre les stratégies de publication de l'époque.

Früher wird eine wohlfeilere Ausgabe die schon längst gespannte Neugierde, oder die durch äussere Umstände beschränkte Kauflust befriedigen, wobei die lobenswürdige Einrichtung getroffen ist, dass die Subskribenten zur Prachtausgabe diesen wohlfeilern, und nur als Vorläufern dienenden Abdruck, unentgeltlich erhalten9.

Par la suite, les lecteurs apprennent sur le caractère de Delille et ses convictions politiques. Selon Böttiger, “Delille ist nicht bloss ein geistvoller Dichter, ein Erzähler und Gesellschafter […], er ist auch ein vortrefflicher Mensch und von einer kindlichen Gutmüthigkeit”10. Par rapport à son opinion politique, Delille ne semble pas approuve la République en France (“aus der vollen Überzeugung, dass eine Republik für seine Nazion […] ein wahres Unding sey”11. En effet, il n'est pas un ami de la révolution (“kein Freund der Revoluzion”)12. Le fait d'être quasiment resté à l'abris des attaques de Robespierre malgré son attitude politique reste inouï.

Or, le lecteur du Merkur allemand apprend également sur la méthode de travail que Delille applique. En effet, Delille semble être doté d'une capacité de mémorisation absolument exceptionnelle:

Er arbeitet alles in seinem Gedächtnis aus, und in ihm bewahrt er was vollendet ist fester und sicherer auf, als in einer Schreibtafel oder einem andern Hilfsmittel der Schreiberzunft. So trägt er alle seine Werke, sogar die 30'000 Verse seiner Aeneide, in seinem Kopfe herum.

Er ist […] auch äusserst empfindlich darüber, wenn Bruchstücke seiner noch ungedruckten Gedichte von lauschenden Horchern wider seinen Willen aufgefangen und in Druck gegeben wurden13.

Avant de présenter les extraits précieux de la publication à venir, Böttiger fait un tour d'horizon - et de louanges - des travaux antérieurs de Delille. Surtout par rapport aux Géorgiques de Virgile, il constate le suivant: “Es ist bekannt, mit welchem ungetheilten Beyfall dies Meisterwerk von allen Kennern aufgenommen worden ist”14. Et même Voltaire affirme qu'il s'agit “von einer der kühnsten Unternehmungen, und einem der ersten Produkte dieses Jahrhunderts15. En plus, l'œuvre a été publié dans toutes sortes de formats et il existe douze retirages. Ces informations illustrent davantage le succès phénoménal de Delille à son époque.

Seulement, après cette longue introduction, Böttiger annonce les nouveaux vers de Delille. Comme le critique présente des extraits d'un poème qui n'est pas encore publié, il avoue devoir se contenter d'indiquer le plan et de souligner quelques passages déjà connus16. Avant de présenter les vers du troisième chant - le passage clé de l'herborisation -, il souligne d'une part que Delille achève un travail qui s'étalait sur une vingtaine d'année et, d'autre part, il estime que les grandes troubles politiques de la fin du siècle confèrent au poème ses aspects si mélancoliques et sensibles.

An dem Gedicht hat der Verfasser seit 20 Jahren gearbeitet, grösstenheils aber im Jahr 1794, während der Schreckensepoche, und im Jahr 1795 in den Thälern des Wasgaues. In Basel wurde es vollendet. Die traurigen Gegebenheiten von 1794 habe vielen Einfluss auf das Gedicht gehabt, und an manchen Stellen herrscht eine tiefe Melancholie, und eine Empfindsamkeit, die vielleicht in den Jardins am meisten gefehlt hat. Die würzreichste Blume entspriesst über den gefährlichsten Abgründen. Hier einige Stellen zur Probe. Ich wähle aus dem 3ten Gesang die erhabene Stelle über die Epochen der Erde17 :

     Mais sans quitter vos monts et vos vallons chéris,
     Voyez d'un marbre usé le plus mince débri.
     Quel riche monument ! de quelle grande histoire
     Ses révolutions conservent la mémoire !
     Composé des débris de l'empire animé,
     Par la destruction ce marbre fut formé.
     Pour créer ces débris dont les eaux le pétrirent,
     De générations quelles foules périrent !
     Combien de temps sur lui l'océan a coulé !
     Que de temps dans leur sein les vagues l'ont roulé !
     En descendant des monts dans les profonds abimes,
     L'océan autrefois le laissa sur leur cimes.
     L'orage dans les mers de nouveau le porta,
     De nouveau sur ses bords la mer le rejetta,
     Le reprit, le rendit. Ainsi rongé par l'àge[sic],
     Il endura les vents, et les flots et l'orage.
     Enfin de ces grands monts humble contemporain,
     Ce marbre fut un roc, ce roc n'est plus qu'un grain ;
     Mais fils du temps, de l'air, de la terre et de l'onde,
     L'histoire de ce grain est l'histoire du monde,18

Böttiger choisit de dévoiler à ses lecteurs un extrait du troisième chant en tant que tout première lecture ce qui souligne l'importance qu'il accorde à cette partie du poème. Néanmoins, il enchaine en soumettant le début du deuxième chant, un extrait du premier chant ainsi qu'bref extrait du quatrième chant.

Vers concernés : chant 3, vers 201-220

Riche en nouvelles relatives à Delille et en vers inédits, l'article de Böttiger est largement repris. Le Mercure français en donne rapidement une traduction intégrale, reproduite notamment dans la Décade, Paris pendant l'année 1797 et le Magasin encyclopédique, tandis que des titres comme l'Almanach des muses et le Spectateur du Nord en extraient les seuls passages poétiques.

  • Accès à la numérisation du texte\ : HathiTrust.

Auteur de la page — Franziska Blaser 2017/05/26 11:08


1 “Ueber den Abbé Delille und die Prachtausgabe seiner Georgika in Basel”, Der Neue Teutsche Merkur, Weimar und Leipzig, Juli 1797, p.\ 339-355.
2 Avant la première publication du l'Homme des champs en 1800, Delille récite des extraits devant son public. Mais cela entraîne certains problèmes comme l'indique Böttiger par la suite : “Er [Delille] ist daher auch äusserst empfindlich darüber, wenn Bruchstücke seiner noch ungedruckten Gedichte von lauschenden Horchern wider seinen Willen aufgefangen und in Druck gegeben wurden”, Id., p.\ 344.
3 Id., p.\ 340. La traduction en français est tiré du Mercure de France qui a repris l'article de Böttiger pour son public français: “Il [Delille] court ici à son compte, tant de bruits différens, que des renseignemens, recueillis de la bouche d'un homme qui, dans ces derniers tems, l'a vu presque tus le jours, et qui le connaissait d'ailleurs de longue main, ne peuvent être sans intérêt”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 99.
4 En ce qui concerne l'Allemagne, Böttiger observe le suivant: “Es sind gewiss nur wenig Leser des Merkurs, die nicht von dem ersten jetzt noch lebenden Dichter Frankreichs, dem Abbé Delille, etwas gelesen oder wenigstens gehört haben”, Id., p.\ 339.
5 Accès à la numérisation du texte\ : HathiTrust
6 Accès à la numérisation du texte\ : HathiTrust
7 Id., p.\ 349. “Le troisième chant est d'une perfection particuliere; il est digne de la sublimité du sujet, de la grandeur de la nature”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 108.
8 Id., p.\ 339. “Un libraire allemand établi à Bâle, va publier une Edition du dernier et du plus parfait de ses Poems, les Géorgiques françaises; et il s'efforce de lui donner toute la magnificence et toute la correction que mérite la beauté des vers”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 98.
9 Id., p.\ 339-340. “Une édition peu chere la précédera. Elle est destinée à satisfaire l'impatience du public, sur-tout des lecteurs à qui leur fortune ne permet pas de se procurer la grande édition: elle sera envoyée gratis aux souscripteurs de celle-ci, pour leur servir comme d'avant-goût”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 99.
10 Id., p.\ 342. “Mais Delille n'est pas seulement un poëte plein de talent, un conteur aimable en société […]; c'est aussi un excellent homme, d'une gaieté d'enfant”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 101.
11 Id., p.\ 342. “par la conviction intime que l'état de république de convient point à la nation française”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 101.
12 Id., p.\ 342-343.
13 Id., p.\ 344. “Il travaille toujours de mémoire, n'écrit jamais et n'oublie rien de ce qu'il a rendu digne de son goût. Ainsi, il porte tous ses ouvrages dans sa tête, même les trente mille vers de son Énéïde” “Quand des auditeurs attentifs, ayant saisi quelques-uns de ses morceaux non imprimés, se permettent de les réciter, ou de les rendre publics, il en est affecté sérieusement”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 103.
14 Id., p.\ 345. “On sait avec quelle approbation universelle ce chef-d'œuvre fut reçu des connaisseurs”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p.104.
15 Id., p.\ 345. “Voltaire en parlait comme de l'entreprise la plus hardie », ibid.
16 Id., p.\ 347.
17 “L'auteur travaille à cet ouvrage depuis vingt ans, mais il s'en est occupé sur-tout en 1794, pendant le tems de la terreur; et en 1795, dans les belles vallées des Vosges: c'est à Bâle qu'il l'a terminé. Les événements désastreux de 1794 ont eu une grande influence sur le poëme: Dans plusieurs endroits il règne une mélancolie, une sensibilité profonde, qui peut-être manque particulierement au Poeme des Jardins. Les malheurs de la France ont perfectionné son poëte: c'est sur le bord de l'abyme le plus dangereux que brillent les fleurs les plus odorantes”, Mercure de France, 1.10.-20.12.1797, p. 108.
18 Cet extrait (vers 201 à 220) montré aux lecteurs avant la première publication est quasiment identique aux vers de l'édition publiée en 1805. Les différences concernent avant tout la ponctuation et Delille a changé seulement un mot. En effet, au vers 205, le poète semble avoir voulu éviter d'utiliser deux fois le mot ‘débris’ et choisit donc pour la version définitive le mot ‘dépôt’”. Id., p.\ 349-350.