"L'Homme des Champs ou les Géorgiques françaises. Par Jacques Delille, à Basle, chez Iaques Decker. De l'inprimerie[sic] de Levraut, à Strasbourg. 1800" (Neue Bibliothek der schönen Wissenschaften und der freyen Künste)
Présentation du texte
En 1801, les lecteurs allemands de la Neue Bibliothek der schönen Wissenschaften und der freyen Künste prennent connaissance d'un compte rendu virulent de L'Homme des champs, non signé1. L'auteur dénonce avant tout un manque de cohérence et d'unité. À cela s'ajoute une vanité présumée de Delille, qui semble être trop manifeste pour le critique. Toutefois, si ce dernier découvre des lacunes dans les chants 1, 2 et 4, il concède la présence de passages réussis dans le chant 3.
Évaluation d'ensemble
En guise d'introduction, l'auteur peint un contexte de publication extraordinaire : le célèbre poète français n'était pas dans sa patrie alors que le monde y attendait son nouveau chef-d'œuvre et cette situation a contribué à y augmenter l'impatience de lire – enfin – son poème.
L'auteur conteste ensuite deux points principaux.
Tout d'abord, le poème, qui manque d'unité, offre un corps incomplet, même si les membres en soi en sont beaux. D'où ce résumé\ : “Nie hat der Verfasser einen bestimmten Plan entworfen”2. Cette faiblesse est également présente dans le chant 3. Glosant la préface de Delille, le critique remarque :
Mit Recht sagt der Dichter, dass der Gegenstand dieses Gesanges von allem der fruchtbarste sey, und dass nie der Dichtkunst eine weitere und neuere Laufbahn eröffnet worden. Aber wie schwach hängt der Gegenstand mit dem Zwecke des Dichters zusammen ! Er schildert die Erde und ihre Wunder, nicht das Land mit seinen Annehmlichkeiten : er spricht nicht mit dem gefühlvollen Menschen überhaupt, sondern mit dem Naturforscher, dem Gelehrten, dem Sammler3.
Ce reproche est évidemment intéressant dans le contexte de la poésie scientifique, sentiment et sciences naturelles semblant ici incompatibles.
La deuxième réserve tourne autour de la personne de Delille et sa tendance à se manifester dans ses vers. Le journaliste part du principe que les lecteurs aimeraient “s'oublier eux-mêmes, ainsi que le poète4”. Cependant, Delille ne semble jamais manquer de se remémorer son propre être et il se désigne tant qu'artiste avec trop d'amour de soi et de vanité :
Vieles in diesem Gedichte scheint nur dazu bestimmt, das Publikum mit den Neigungen und Bestimmungen seines Verfassers bekannt zu machen. Unaufhörlich erinnert er an sich5.
Les réussites du chant 3
Malgré ce qui précède, le journaliste, qui reconnaît des qualités poétiques au troisième chant, y fait en particulier valoir les vers sur les Alpes et sur la force destructrice des avalanches :
In einem anderen Charakter ist folgende treffliche Beschreibung einer Alpengegend, im dritten Gesange, gedichtet6 :
Ici, modeste encore au fortir du berceau,
Glisse en mince filets un timide ruisseau ;
Là s'élance en grondant la cascade écumante ;
Là le Sephyr caresse, ou l'aquilon tourmente.
Vous y voyez unis des volcans, des vergers,
Et l'echo du tonnere, et l'echo des bergers ;
Ici des frais vallons, une terre féconde
Là, des rocs décharnés, vieux ossemens du monde ;
à [sic] leur pied le printems, sur leurs fornts les hivers.
Salut, pompeux Jura ! terrible Montanvers !
De neiges, de glaçons, entassemens énormes ;
Du temps des frimats colonnades informe
Prismes éblouissans, sont les pans azirés,
Défiant le soleil, dont ils sont colorés,
Peignent de pourpre et d'or leur éclatante masse ;
Tandis que triomphant sur son trône de glace,
L'hiver s'enorguillit de voir l'astre du jour
Embellir son palais et décorer sa cour.
Gleich darauf beschreibt der Dicher die furchtbare Wirkung der Lavinen. Wir setzen nur den geistreichen, rührenden Schluss dieser Stelle hierher7:
Les hameaux sont detruits, et les bois emportés ;
On cherche en vain la place où furent les cités,
Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
Avant d'être frappés, les voyageurs succombent.
Ainsi quand des excès suivis d'excès nouveaux
D'un état par dégrè ont préparé les maux,
De malheur en malheur sa chûte se consomme :
Tyr n'est plus, Thèbes meurt, et les yeux cherchent Rome !
O France, ô ma patrie : ô séjour de douleurs
Mes yeux à ces pensers se sont mouillés de pleurs.
Auch hier ist der letze Vers der vorhergehenden keineswegs würdig8.
L'auteur loue ces vers parce qu'ils sollicitent à la fois l'intelligence (“geistreich”) et la sensibilité (“rührend”). Par contre, son dernier commentaire laisse au lecteur un arrière-goût amer, en disqualifiant le dernier vers.
Vers concernés : chant 3, vers 333-350 et vers 369-378.
Fait notable, ce texte est immédiatement suivi par une analyse de la traduction du poème par Müller.
Lien externe
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—- Auteur de la page — Franziska Blaser 2017/05/29 16:17