martinhermite

Martin, L'Hermite en Suisse

Publié anonymement, L'Hermite en Suisse, ou observations sur les mœurs et les usages suisses au commencement du XIXe siècle (1829-1830) est une suite de tableaux de mœurs inspirés par le succès d'un ouvrage d'Étienne de Jouy, dont cette imitation démarque étroitement le titre : L'Hermite de la Chaussée d'Antin, ou observations sur les mœurs et les usages français au commencement du XIXe siècle (1812-1814).

En raison de cette proximité et des suites que Jouy donna à son propre ouvrage, comme L'Hermite de la Guyane (1816) ou L'Hermite en province (1818), cette déclinaison suisse lui a parfois été attribuée. Mais le dramaturge et homme de lettres Alexandre Martin a publié en 1835 un autre ouvrage panoramique, La Suisse pittoresque et ses environs, dont la page de couverture le présente comme l'“auteur de l'Ermite en Suisse1”, revendication que nous suivrons, comme plusieurs bibliothèques2.

Comme son modèle, L'Hermite en Suisse se présente sous forme de lettres, censées avoir été composées par le fameux ermite. Mais alors que l'observateur parisien de Jouy ne quitte guère la ville, son homologue suisse produit un texte proche du guide de voyage, où les principales villes et curiosités du pays sont explorées.

L'Homme des champs de Delille fournit l'épigraphe de la lettre 109, consacrée au Rigi et au mont Pilate, deux sommets proches de Lucerne.

          LE MONT PILATE - LE RIGHI

Qui n'a pas rêvé à l'aspect de cette sauvage nature, ne pourra jamais comprendre la puissante influence des hautes régions. Le monde, qu'on n'aperçoit plus qu'en perspective, se montre dans son vrai point de vue ; à mesure qu'on s'en éloigne, il diminue d'importance comme de grandeur.
               Lettres sur la Suisse.

Là, le tems a tracé les annales du monde;
Vous distinguez ces monts, lents ouvrages de l'onde
Ceux que des feux soudains ont lancé dans les airs,
Et les monts primitifs, nés avec l'univers.
               Delille.

L'origine, la cause du nom de Pilate, donné à l'une des plus hautes montagnes de la Suisse, est encore un problème. Les Allemands la nomment Frackmont (fractus mons), et montrent, à l'appui de cette dénomination, les flancs déchirés et comme brisés de la montagne. Nos étymologistes à nous se rejettent à la fois sur deux mots latins, pila, qui signifie défilé de montagnes, et pileus, chapeau, et l'on veut que le chapeau du Pilate soit cette masse de nuages qui couvre fréquemment son sommet. Il est vrai que les habitans du pays citent encore un vieux proverbe qui, s'il était traduit du latin, confirmerait cette opinion:

     Quand Pilate a mis son chapeau,
     Le tems sera serein et beau.

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons que regretter de n'avoir pas rencontré au pied de la montagne un de ces savans qui souvent nous ont été si utiles dans nos voyages, et nous abandonnerons la question comme si elle était parfaitement éclaircie.
C'est environ à une demi-lieue de Lucerne que l'on commence à gravir la montagne, dont le front est élevé de cinq mille sept cent soixante pieds au dessus de cette ville. Le chemin est d'abord fort agréable entre des forêts, des vallons cultivés, des prairies ceintes de rians coteaux3. […]

Vers concernés : chant 3, vers 315-318

Accès à la numérisation du texte : Bayerische Staatsbibliothek.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2017/11/11 19:31


1 Voir Alexandre Martin, La Suisse pittoresque et ses environs. Tableau général, descriptif, historique et statistique des 22 cantons, de la Savoie, d'une partie du Piémont et du pays de Bade, Paris, H. Souverain, 1835; texte accessible sur Gallica.
2 Notamment la Médiathèque Valais.
3 L'Hermite en Suisse, ou observations sur les mœurs et les usages suisses au commencement du XIXe siècle, Paris, Pillet aîné, t. III, 1830, p. 196-197.