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Graffenauer, Histoire naturelle, chimique et technique du succin ou ambre jaune

L'Histoire naturelle, chimique et technique du succin ou ambre jaune de Jean-Philippe Graffenauer est une monographie scientifique, publiée en 1821 1. Elle fut reproduite deux ans plus tard, sous le titre de "Mémoire sur le succin ou ambre jaune, présentant l'histoire naturelle, chimique et technique de cette substance", dans les Mémoires de la Société des sciences, agriculture et arts de Strasbourg. Le texte est en effet issu d'une communication que Graffenauer avait donnée en 1812 devant la société savante alsacienne2. Malgré le changement d'intitulé, les deux versions imprimées paraissent identiques.

Graffenauer réfute l'idée d'une origine tellurique de l'ambre. À ses yeux, il ne fait aucun doute que la substance provient de la résine de plantes. Si l'on n'assiste plus à de telles formations, à l'époque contemporaine, dans les régions où la substance est pourtant extraite, c'est qu'il faut supposer que la mer Baltique est venue recouvrir des terres autrefois émergées, qui abritaient des arbres capables de produire cette résine, hypothèse que conforte, selon Graffenauer, le fait que les insectes qu'on y trouve emprisonnés dans les fragments d'ambre ne correspondent pas davantage à des espèces actuelles. C'est dans le cadre de ce développement qu'il convoque un extrait du chant 3 de L'Homme des champs. Après avoir noté que l'ambre ne pourrait guère contenir des restes organiques aussi bien conservés si sa formation avait impliqué des températures élevées, il explique :

     Il est plus naturel de croire que les contrées qui nous offrent le succin, et notamment la place où existe aujourd'hui la mer Baltique, autrefois toutes couvertes de vastes et épaisses forêts résineuses, ont été bouleversées et englouties par des tremblemens de terre et des inondations générales dont les traces se manifestent encore. Tout semble prouver, et le déluge de Moïse atteste le fait, que la plupart des pays habités maintenant étaient autrefois recouverts par la mer, et qu'à la place où est aujourd'hui la mer il y avait jadis de la terre ferme.

     Ainsi l'ancre s'attache où paissaient les troupeaux,
     Ainsi roulent dès chars où voguaient des vaisseaux,
     Et le monde vieilli par la mer qui voyage,
     Dans l'abyme des temps s'en va cacher son âge.
                    Delille, Homme des Champs.

     D'après ce que nous venons de dire, il est facile de voir que la formation du succin ne peut plus avoir lieu de nos jours. Les hypothèses sur l'origine minérale du succin sont insuffisantes pour expliquer sa formation dans l'intérieur de la terre […]. [Cette formation, végétale,] a cessé avec l'existence des arbres qui le produisaient et par suite des révolutions physiques dont nous avons parlé plus haut3.

Les alexandrins de Delille sont ainsi convoqués pour leur portée générale : ils sont traités comme l'énoncé d'une évidence commune, qui renforce l'hypothèse locale du naturaliste.


Vers concerné : chant 3, vers 265-268.

  • Accès à la numérisation du texte : Gallica.

Auteur de la page — Hugues Marchal 2018/09/09 15:55


1 Jean-Philippe Graffenauer, Histoire naturelle, chimique et technique du succin ou ambre jaune, Paris, F.-G. Levrault, 1821.
2 Voir id., p. 8.
3 Id., p. 52-54.