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Compte rendu de //L'Homme des champs// et critique de la traduction de Müller (Neue Bibliothek der schönen Wissenschaften und der freyen Künste)

En 1801, les lecteurs allemands du périodique Neue Bibliothek der schönen Wissenschaften und der freyen Künste prennent connaissance d'un compte rendu virulent de L'Homme des champs. L'auteur inconnu, signé «Za», s'acharne avant tout à un manque de cohérence et d'intégralité. À cela s'ajoute une vanité présumée de Delille qui semble être trop manifeste pour ce frondeur littéraire. S'il découvre des lacunes avant tout dans les chants 1, 2 et 4, il arrive malgré tout à constater qu'il y a des passages réussis dans le chant 3.

Une critique mitigée de la traduction de Müller, Der Landmann, s'enchaîne au compte rendu. Même si l'auteur avoue que Müller fait preuve d'esprit, il dénonce la perte de la signification par sa traduction malheureuse et une versification maladroite.

Tous les extraits des vers de Delille sont présentés en français sans traduction en allemand, ce qui indique que les lecteurs allemands maîtrisent certainement le français à un haut niveau. Dans ce sens, la critique de la traduction de Müller s'adresse à un public érudit qui sait comparer l'original et son équivalent allemand signé par Müller.

En guise d'introduction, l'auteur relève le contexte de publication extraordinaire dû au fait que le célèbre poète français n'est pas dans sa patrie lorsque tout le monde attend son nouvel chef d'œuvre1. Cette situation contribue à augmenter l'impatience du public de pouvoir lire – enfin – son poème.

L'auteur présente principalement deux points contestés. Tout d'abord, le poème manque d'unité. Il compare le poème de Delille à un corps incomplet dont les membres en soi sont beaux. Il résume: « Nie hat der Verfasser einen bestimmten Plan entworfen »2.

Dans ce sens, l'auteur indique que cette faiblesse est également présente dans le chant 3:

Mit Recht sagt der Dicher, dass der Gegenstand dieses Gesanges von allem der fruchtbarste sey, und dass nie der Dichtkunst eine weitere und neuere Laufbahn eröffnet worden. Aber wie schwach hängt der Gegenstand mit dem Zwecke des Dichters zusammen ! Er schildert die Erde und ihre Wunder, nicht das Land mit seinen Annehmlichkeiten : er spricht nicht mit dem gefühlvollen Menschen überhaupt, sondern mit dem Naturforscher, dem Gelehrten, dem Sammler3.

Ce reproche à Delille de s'adresser plutôt à un public scientifique qu'à un être humain sensible, semble intéressant, surtout dans le contexte de la poésie scientifique (HM).

Le deuxième pôle de critique tourne autour de Delille et sa tendance à se manifester dans ses vers. Ainsi, l'auteur part du principe que le lecteur et le poète aimeraient s'oublier4. Cependant, Delille ne semble pas pouvoir s'oublier soi-même en tant qu'artiste par trop d'amour de soi et de vanité:

Vieles in diesem Gedichte scheint nur dazu bestimmt, das Publikum mit den Neigungen und Bestimmungen seines Verfassers bekannt zu machen. Unaufhörlich erinnert er an sich5.

Néanmoins, l'auteur identifie des qualités poétiques dans le troisième chant qui fait valoir le passage dans les Alpes ainsi que la force destructive des avalanches:

In einem anderen Charakter ist folgende treffliche Beschreibung einer Alpengegend, im dritten Gesange, gedichtet :

     Ici, modeste encore au fortir du berceau,
     Glisse en mince filets un timide ruisseau ;
     Là s'élance en grondant la cascade écumante ;
     Là le Sephyr caresse, ou l'aquilon tourmente.
     Vous y voyez unis des volcans, des vergers,
     Et l'echo du tonnere, et l'echo des bergers ;
     Ici des frais vallons, une terre féconde
     Là, des rocs décharnés, vieux ossemens du monde ;
     à [sic] leur pied le printems, sur leurs fornts les hivers.
     Salut, pompeux Jura ! terrible Montanvers !
     De neiges, de glaçons, entassemens énormes ;
     Du temps des frimats colonnades informe
     Prismes éblouissans, sont les pans azirés,
     Défiant le soleil, dont ils sont colorés,
     Peignent de pourpre et d'or leur Lclatante masse ;
     Tandis que triomphant sur son trône de glace,
     L'hiver s'enorguillit de voir l'astre du jour
     Embellir son palais et décorer sa cour6.

Gleich darauf beschreibt der Dicher die furchtbare Wirkung der Lavinen. Wir setzen nur den geistreichen, rührenden Schluss dieser Stelle hierher :

     Les hameaux sont detruits, et les bois emportés ;
     On cherche en vain la place où furent les cités,
     Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
     Avant d'être frappés, les voyageurs succombent.
     Ainsi quand des excès suivis d'excès nouveaux
     D'un état par dégrè ont préparé les maux,
     De malheur en malheur sa chûte se consomme :
     Tyr n'est plus, Thèbes meurt, et les yeux cherchent Rome !
     O France, ô ma patrie : ô séjour de douleurs
     Mes yeux à ces pensers se sont mouillés de pleurs7.

Auch hier ist der letze Vers der vorhergehenden keineswegs würdig8.

L'auteur loue ses vers parce qu'ils font preuve d'esprit («geistreich») et d'émotion («rührend»). Par contre, son dernier commentaire laisse au lecteur un arrière-goût amer en qualifiant le dernier vers de mauvais. Enfin, l'auteur semble déchirer les vers de Delille à belles dents.

Dans un registre similaire au compte rendu de L'Homme des champs de Delille, l'auteur poursuit son regard critique. La traduction de Müller9 ne mérite pas d'«applaudissements inconditionnés»10, mais il reconnaît quand-même que Müller avait travaillé avec «esprit et amour».

Malgré cet effort, Müller n'arrive pas à rivaliser avec l'original. Les points faibles de la traductions se cristallisent d'une part par une perte de la significations dû à une expression maladroite11. D'autre part, Müller ne semble pas avoir réussi la versification.

Afin que le lecteur puisse juger lui-même de la qualité contestée des vers allemands de Müller, l'auteur choisit exactement les mêmes passages du poème se référant à la description des Alpes et aux effets néfastes des avalanches:

Die Beschreibung der Alpengegend, die wir oben im Original mitgetheilt haben, mag hier zur Probe stehn :      Hier, noch bescheiden aus der Wiege tretend,
     Schleicht furchtsam hin ein Bach in dünnen Fäden,
     Und dort stürzt schäumend sich mit wildem Toben
     herbab der Wasserfall. - hier scherzt der Zephyr,
     Dort tobt der Nordsturm : der erblicket ihr
     vereint Vulkan und Weinberg', un der Donner
     mischt sein Gebrüll zum Ton der Hirtenflöte.
     Hier dehnt ein muntres Thal sich fruchtbar hin,
     Und dort starr'n Felsen erdelos empor,
     Der alten Welt Gebeine ; ihren Fuss
     Bedeckt der Frühling und ihr Haupt der Winter.
     Dich grüsst mein Lied furchtbarer Montanverts,
     Prachtvoller Jura, ungeheure Schichten
     Von Schnee und Eis, formlose Säulenreihen
     Des Wintertempels ! schimmernde Prismaten,
     Die, spottend selbst der Sonne, die sie färbt,
     Durch Gold und Purpur ihren Glanz erhöhen !
     Indess, auf seinem Eisthron triumphirend,
     Der Winter stolz sich freut, wie das Gestirn
     Des Tag's verschönert seines Hofes Sitz12 !

Den ebenfalls oben angeführten Schluss der Beschreibung des Ruins, welchen die Lavinen bisweilen in Alpengegenden hervorbringen, hat der deutsche Übersetzer so nachgebildet :

     Es sinken Dörfer, Wälder stürzen nieder,
     Und grosser Städte Platz sucht man umsonst.
     Ja selbst der ferne Wind der sinkenden
     Gebirge stürzt den Wandrer ungetroffen
     Darnieder. So erzeugen Greuel immer
     Durch neue Greu'l gemehret stufenweis
     Des Staates Elend, bis von Unglück sinkend
     Zu Unglück nun sein Sturz vollendet ist !
     Wo sucht der Blick jetzt Thrus, Theben, Rom !
     O Frankreich ! Vaterland ; du Wohnplatz bittrer Schmerzen,
     Mein Auge weint dir zu aus gramerfüllten Herzen13.

Critique de la traduction de Müller : dans : Neue allgemeine deutsche Bibliothek, Band 71, Herausgeber : Friedich Nicolai, Berlin und Stettin, 1802, p.347-350, unterschrieben Za. https://books.google.ch/books?id=09BMAAAAcAAJ&pg=PA347&lpg=PA347&dq=müller+der+landmann+delille&source=bl&ots=wMEf49kg-W&sig=na7e38Q7IQvRxb6zr1YoBEwfvn4&hl=de&sa=X&ved=0ahUKEwjywbmb65TUAhVJKCYKHcpMCBcQ6AEIKDAC#v=onepage&q=müller%20der%20landmann%20delille&f=false

Commentaires…

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Auteur de la page — Franziska Blaser 2017/05/29 16:17


1 La France, la patrie de Delille, « das die Ehre (…) nur höchst ungern dem Auslande überlassen wollte », Za [auteur inconnu], Weisse, Christian Felix (éd.), « L'Homme des Champs ou les Géorgiques françaises. Par Jacques Delille, à Basle, chez Iacques Decker. De L'Inprimerie [sic] de Levrault, à Strasbourg. . 1800. . », Neue Bibliothek der schönen Wissenschaften und der freyen Künste, Volume 64, chapitre 14, 1801, p. 276.
2 Id., p. 277.
3 Id., p. 280.
4 « Wir wollen uns und den Dichter vergessen », Id., p. 282.
5 Id., pp. 282-283.
6 Ce passage correspond aux vers 333 à 350.
7 Ce passage correspond aux vers 369 à 378.
8 Id., pp. 290-291.
9 Der Landmann. Ein Gedicht in vier Gesängen nach Delille, von K.L.M. Müller. Leipzig bey Salomo Linke, 1801.
10 Traduction de la tournure «keinen unbedingten Beyfall», Id., p. 295
11 L'auteur s'exprime ainsi: «der Schein grösster Leichtigkeit bey der grössten Correktheit, wird hier vorzüglich vermisst»,Id., p. 296.
12 Ces vers correspondent aux vers 333 à 350.
13 Ces vers correspondent aux vers 369 à 378. Ib., pp. 296-297.