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Walckenaer, Faune parisienne

Publiée en 1802, la Faune parisienne : Insectes ou Histoire abrégée des insectes des environs de Paris classés d'après le système de Fabricius, précédée d'un discours sur les insectes en général, pour servir d'introduction à l'étude de l'entomologie, tient autant de la vulgarisation que de la publication scientifique.

Son auteur, Charles-Athanase Walckenaer, s'imposera plus tard comme un naturaliste de renom. Pour l'heure, il explique s'être intéressé à son sujet à l'occasion d'un séjour à la campagne, mais il insiste aussi sur le fait qu'il n'existe pas encore d'inventaire tel que celui qu'il propose pour les animaux de la région parisienne, et dans sa préface, il fait état des échanges qu'il a pu avoir avec des savants de premier plan, comme Latreille ou Cuvier.

Sans indiquer sa source, qu'il juge probablement connue, Walckenaer reprend dans son discours préliminaire les vers de Delille sur les insectes, dans un contexte où le vulgarisateur entend à la fois souligner combien l'entomologie offre de plaisirs, mais aussi, sans doute, suspendre un moment le tissu serré de conseils et d'enseignements que constitue son propos. Ce passage forme la seule citation poétique de l'ouvrage.

     Lyonnet1 a trouvé 4041 muscles dans la chenille du saule, tandis qu'on n'en compte guère que 529 dans le corps humain. Les muscles, dans les insectes, se trouvent, par une conséquence nécessaire de leur conformation, attachés à l'enveloppe du corps, qui est presque toujours dure, écailleuse ; tandis qu'au contraire, dans les animaux plus parfaits, les parties osseuses, solides, qui servent d'attache aux muscles placés dans l'intérieur du corps , se trouvent recouvertes par les parties molles ; ce qui est précisément l'inverse.
Voilà ce que nous apprend l'anatomie sur la nature des insectes. Examinons actuellement leurs organes extérieurs. C'est ici, nouvel adepte, que votre travail va commencer et avec lui vos jouissances.

Insectes, paraissez ……….
Venez avec l'éclat de vos riches habits,
Vos aigrettes, vos fleurs, vos perles, vos rubis,
Et ces fourreaux brillans, et ces étuis fidèles
Dont l'écaille défend la gaze de vos ailes ;
Ces prismes, ces miroirs , savamment travaillés,
Ces yeux qu'avec tant d'art la nature a taillés,
Les uns semés sur vous en brillants microscopes,
D'autres se déployant en de longs télescopes.
Montrez-moi ces fuseaux, ces tarieres, ces dards,
Armes de vos combats, instrumens de vos arts,
Et les filets prudens de ces longues antennes
Qui sondent devant vous les routes incertaines.
Que j'observe de près ces clairons, ces tambours,
Signal de vos fureurs, signal de vos amours,
Qui guidaient vos héros dans les champs de la gloire,
Et sonnaient le danger, la charge et la victoire ;
Enfin, tous ces ressorts, organes merveilleux
Qui confondent des arts le savoir orgueilleux,
Chefs-d'œuvres d'une main en merveilles féconde,
Dont un seul prouve un Dieu, dont un seul vaut un monde.

Vous connaissez le scarabée stercoraire, cet insecte immonde et brillant, ou le carabe doré , qu'on voit courir dans les jardins ; la sauterelle, qui saute et vole dans les prés ; l'éphémère, qui voltige sur les eaux ; l'hémerobe aux ailes de gaze, que l'on trouve sur la surface des feuilles ou sur les vitres des fenêtres ; la redoutable guêpe, ou la diligente abeille […]; la mouche importune, ou le cousin avide de sang. Prenez tous ces insectes, ils vous présentent un modèle de chaque classe ; ils sont communs dans toutes les collections ; et si vous ne pouvez les attraper à l'instant, on se fera un plaisir de vous les sacrifier : leur race est nombreuse, et la nature n'en est point avare. N'espérez pas que la plume ni le burin puissent suppléer à ce que la vue de ces objets pourra vous apprendre. Sans sortir de votre cabinet, vous pourrez devenir métaphysicien avec Descartes, Leibnitz, Hume et Kant ; mathématicien avec Newton et Lagrange ; homme d'état peut-être avec Montesquieu et Machiavel ; mais vous ne deviendrez naturaliste qu'en admirant, observant et décrivant vous-même la nature2.


Vers concernés : chant 3, vers 556-576.

Accès à la numérisation du texte : HathiTrust.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2017/05/01 22:10


1 Naturaliste et artiste néerlandais, Pierre Lyonnet (1708-1789) est l'auteur d’un Traité anatomique de la chenille admiré pour la précision des observations et pour la qualité exceptionnelle de ses gravures. Delille lui rendra hommage en 1808, dans ses Trois Règnes de la nature.
2 Charles-Athanase Walckenaer, Faune parisienne…, Paris, Dentu, 1802, vol. 1, p. ix-xi.