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Vidal, "Examen impartial de L'Homme des champs…"

L'“Examen impartial de L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises de Jacques Delille, & des principales critiques qui en ont été faites” paraît en deux livraisons, en avril et mai 1801, dans l'Esprit des journaux français et étrangers. Ce texte, signé par Vidal, est un article original, bien que le périodique bruxellois qui l'accueille soit spécialisé dans la compilation des textes de presse, et il y tranche en outre par sa longueur, puisqu'il se déploie sur près de soixante-dix pages1. C'est que Vidal ne se contente pas d'émettre un avis sur le poème de Delille\; il entend proposer une synthèse d'envergure sur le texte et sa réception.

Vidal motive ce choix en expliquant dès sa première phrase que l'œuvre a connu un retentissement tel que tous ses lecteurs en auront déjà pris connaissance, sinon directement, du moins par la presse, via des critiques aux compétences incertaines. Or Vidal revendique une sorte de droit d'inventaire élitiste, appliqué aux comptes rendus du meilleur niveau\ :

Il est peu de personnes en France qui n'aient lu les Géorgiques françaises, ou qui n'aient voulu en avoir quelque idée par les journaux. La plupart de ceux-ci ont fait, chacun à leur manière, l'analyse d'un ouvrage qui ne peut pas être analysé par tout le monde\ : car, dit fort bien Delille, “ce genre de composition, qui demande des auteurs de grand talent, veut aussi des lecteurs au goût exquis2 […].” Mais comme tous les journalistes ne sont pas des Horace […], on devait s'attendre à des jugements sur les Géorgiques françaises qui ne seraient pas tout à fait les oracles du bon goût. Le suns croyant que louer n'est pas du bel esprit, ont descendu dans les plus petites minuties pour trouver quelque chose à critiquer dans ce poème, tandis que d'autres l'ont exalté au-dessus de tous els ouvrages de ce genre. Nous ne parlerons donc point de la foule des journaux. mais parmi ceux qui défendent avec dignité l'honneur des letters françaises, le Mercure de France, la Décade philosophique & le Moniteur universel ont donné des extraits de cet ouvrage de manière très-différente & plus ou moins judicieuse. j'ai donc adopté ou réfuté leurs observations, suivant qu'elles m'ont paru justes ou injustes3.

Autre effort de distinction, Vidal annonce que son plan luis era “entièrement propre”, et, rompant avec les analyses linéaires du poème, il organise son article en “questions” qui, selon lui, “peuvent, en général, s'adapter à l'examen de toute espèce de poëme4”. Ce sont ses questions, qu'il numérote, qui structurent la suite de l'article.

Dans un premier temps, Vidal demande : “Quel est l'objet de ce poëme ? – Le titre & l'exposition l'annoncent-ils suffisamment5\ ?”. Il prend donc à bras le corps un des reproches les plus fréquemment adressés à Delille, l'idée d'un titre inadéquat.

Vidal commence par montrer que l'œuvre, même si elle fait ponctuellement mine de s'en défendre, est bien didactique, et qu'elle entend donner de “véritables préceptes” pour “faire aimer tout ce qui est relatif à la campagne”. Mais il admet “avec le Mercure” que l'exposition ne donne pas une idée assez claire du contenu des quatre chants qui ont chacun “son objet particulier6”. Et il adopte les réserves formulées contre le titre, mal adapté. Puisque, “par l'Homme des champs, on a toujours entendu le simple habitant des campagnes; & par les Géorgiques, le travail de la terre”, et puisqu'ici “le poëte ne s'adresse qu'au riche propriétaire, […] assez puissant & assez éclairé pou faire usage de ses leçons”, Delille force le sens de ces mots, en procédant à un “néologisme” mal venu7.

Vidal, continuant à suivre nombre de ses prédécesseurs, déplore ensuite des “défectuosités du côté de l'ordre et du plan8”. Il entame alors un long examen du poème, au fil des pages, en faisant “l'anatomie de [chaque] chant par le moyen de l'analyse, & en rapprochant chacune de ses parties dépouillée du charme de la verification”, pour mieux montrer “combien peu l'auteur s'y est asservi à un plan régulier9.

Dans sa revue du chant 1, Vidal s'agace de voir Delille revenir ici et là à sa propre activité, pour “se montrer la plume à la main10\ ; il signale des transitions forcées et il regrette que certains morceaux, comme la chasse au cerf, s'apparentent à de longs hors-d'œuvre. Mais il concède alors\ : “je serais bien caché que l'auteur en retranchât un seul vers11” et il note que certaines brusques oppositions déplorées par la critique lui ont paru apporter plutôt “un contraste fort heureux, & très-propre à répandre de la variété12”.

Le chant 2, sur l'agriculture, lui semble “le seul auquel le titre de Géorgique puisse en quelque sorte convenir”. Il est également clairement didactique et autrement mieux lié que le premier\ : “Quant à l'enchaînement de ses parties, il a infiniment plus d'ordre que [le précédent], ce qui fait croire que l'auteur l'a composé sans interruption\ ; avantage que l'autre n'a pas eu apparemment13”. Vidal qualifie sa “brillante exposition” de “sublime” et reproche à la Décade d'en avoir fait “une critique politique”, puisqu'il tient pour sa part que\ : “Lorsqu'on lit un orme, il faut en examiner le mérite littéraire sans y mêler des opinions politiques14.” Le reste du chant est commenté avec éloge, et fait notable, Vidal défend l'épisode final contre les condamnations de nombreux critiques, notamment le Moniteur, dont il juge les observations ici “spécieuses15”. Sans être enthousiaste, Vidal juge que l'épisode n'est pas en soi disproportionné, pour lui les “îles flottantes” font bien partie des “phénomènes [de l']agriculture merveilleuse” que Delille a choisi de chanter, et loin de regretter que Delille n'ai pas mis en scène des divinités nordiques, comme Ossian, plutôt qu'un personnel antique, il regrette que le poète ne soit pas passé de ces personnages surnaturels, dont la convocation n'était pas exigée, selon lui, par le caractère “naturel” de l'événement peint16.

En abordant le chant 3, Vidal balaye l'argument selon lequel ces vers auraient mieux été à leur place dans un poème sur l'histoire naturelle, et il ajoute au contraire qu'à ses yeux, un lien particulier l'unit à la section précédente\ : “ce chant & celui qui précède sont plus particulièrement liés entre eux, & dépendent plus l'un de l'autre que du premier & du quatrième17”. Puis il livre un inventaire détaillé du chant, qui entre combien son propos va-et-vient entre l'œuvre et les jugements dont elle a déjà fait l'objet.

  • Ouverture

On n'accusera jamais de stérilité un génie aussi fécond que celui de Delille. Mais ce chant n'est-il pas lié au sujet du poëme par le même moyen que le précédent\ ? Dans le début de l'un, je lis\ :

Heureux qui, dans le sein de ses dieux domestiques,
Se dérobe au fracas des tempêtes publiques,
Et dans un doux abri trompant tous les regards,
Cultive ses jardins, les vertus & les arts 18\ !

Et dans celui de l'autre :

Que j'aime le mortel, noble dans ses penchans, Qui cultive à la fois son esprit & ses champs\ ! Lui seul jouit de tout.

Il me semble que Delille auroit pu éviter cette redite.

Vers concernés : chant 3, vers 149-174

  • L'exposé du “système” de Buffon

Le début de ce chant n'est pas aussi majestueux que celui du second, mais il n'est pas sans mérite. Le poëte y invite l'homme des champs à l'étude la nature.

Dans ces aspects divers, que de variétés\ !

Les beautés & les horreurs de la nature ont des causes & des effets qu'on n'expliquera point par le systême des deux génies,

Dont l'un veut le désordre & l'autre l'harmonie.
Pour vous développer ces mystères profonds,
Venez, le vrai génie est celui des Buffons.

Débrouillement du cahos & formation des montagnes suivant le systême de Buffon.

Autrefois , disent-ils (les Buffons), un terrible déluge,
Laissant l'onde sans frein & l'homme sans réfuge,
Répandit, confondit en une vaste mer
Et les eaux de la terre & les torrens de l'air. \\ ……

“C'est une exposition éloquente, dit la Décade, mais une simple exposition de systême. On l'écoute , on n'observe pas soi-même, on n'a rien à voir, on n'est pas sur les lieux.”
Je pense aussi que si l'auteur nous eût montré ce qu'il ne fait que nous expliquer, cela eût été bien plus animé, & par conséquent bien plus poétique. Expliquer un systême appartient à un traité en prose, au lieu que peindre les objets à nos yeux, est du ressort de la poésie. Or, puisqu'un poème didactique ne diffère d'un traité en prose que par la forme, j'aime bien qu'on observe cette forme.

  • Les catastrophes

“Tout à coup (poursuit la Décade) la scène change\ ; on est sur les lieux mêmes, théâtres des grands bouleversemens qui tantôt ont produit des montagnes, & tantôt les ont fait disparoître.”

Mais j'apperçois d'ici les débris d'un village , &c. \\ ……

“Ce sont des réservoirs qui ont filtré à travers les rochers, & dont les eaux amassées au sein des montagnes qui se sont êcroulées sur elles, ont entraîné les bois, les rocs, les hameaux & les cités. On en voit encore les débris, & l'hermite du lieu raconte aux voyageurs cette aventure.
“Nous voilà, comme on voit, loin de la simple exposition d'un systême.”
L'auteur a senti la nécessité de revenir à la forme poétique, il auroit mieux fait de ne pas l'abandonner.
Après avoir décrit avec le plus grand succès19.

C'est une légère inadvertance.”
Tout le monde s'accorde sur cette remarque\ ; elle est incontestable.
Apostrophe faite par l'auteur à sa patrie, la Limagne. C'est là surtout, dit-il, que Buffon eût admiré les sublimes horreurs de la nature.
Comparaison de l'histoire du monde avec l'histoire d'un marbre qui, rongé par l'âge, est devenu un grain.

* Refus du persiflage Vidal poursuit en abordant les vers sur les eaux, mais son propos s'ancre alors moins aux vers qu'à la critique qu'en a donnée Ginguené dans la Décade, pour reprocher à ce dernier un ton railleur, que Vidal juge inacceptable face à une figure telle que Delille.

Magnifique description de la mer.

Peindrai-je ces vieux caps, &c……

“Eh\ ! non (dit la Décade), il ne s'agit pas de vous, peintre, mais des tableaux que vous peignez. Vous m'ôtez mon illusion, vous m'avertissez mal à propos que vous êtes là derrière la toile.”
Cette observation est un peu sévère\ ; mais je n'aime pas le ton de mauvaise humeur avec lequel elle semble être exprimée. L'auteur de cette critique auroit-il donc eu l'intention de satyriser un poëte aussi estimable que Delille ? Après les mers on aimera à voir les fleuves, les ruisseaux,

Non point ceux qu'ont chantés tous ces rimeurs si fades, De qui les vers usés ont vieilli leurs Nayades,….

“A quoi bon (dit le même journal), & à qui s'adressent ces vers satyriques\ ? Il s'agit de voir des ruisseaux dans la nature, & non dans des vers fades ou non. Des rimeurs fades ont pu chanter des ruisseaux à effets nobles & grands, & les chanter mal. Trouvez-vous mauvais qu'ils aient mis des Nayades dans leurs vers\ ? vous en avez mis aussi dans les vôtres.

Et Pomone & Palès & Flore & les Dryades, Doivent leurs doux trésors à l'urne des Nayades.

Quoi qu'il en soit, ce trait rompt tout à coup la marche de votre phrase poétique.”
Il est vrai que ces vers satyriques ne font pas un bon effet au milieu de ces descriptions sublimes. Mais je le répète, je ne conçois pas comment le rédacteur de cet extrait a pu oublier plusieurs fois dans ses observations, les égards que doivent naturellement tous les hommes de lettres au traducteur des Géorgiques de Virgile, à l'auteur des Jardins, & de l'Homme des Champs.

Dirai-je ces ruisseaux, &c ……

Eh non\ ! encore une fois (poursuit le même journal), ne dites pas, peignez les objets, faites qu'on croie les voir, &c.”
Même observation que plus haut.

* Droit au badin Vidal rejette une nouvelle fois les positions de Ginguené, quand il aborde les vers sur les stations thermales.

La Décade trouve mauvais que le poëte, en parlant de l'usage souvent abusif qu'on fait des eaux minérales, ait baisse son ton jusqu'à celui de la gaîté, & nous ait montré

Des vieillards éclopés, un jeune essaim de fous.

Si l'on critique ce passage, il faut condamner aussi l'art des contrastes, l'art de varier ses couleurs, & de délasser, par un tableau riant, l'imagination trop long-temps occupée par des peintures terribles.
Je ne sais plus alors ce que deviendra le précepte de Boileau,

Voulez-vous du public mériter les amours\ ?
Sans cesse, en écrivant, variez vos discours\ ;
Un style trop égal et toujours uniforme,
En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme.
On lit peu ces auteurs nés pour nous ennuyer,
Qui toujours sur un ton semblent nous psalmodier.
               BOILEAU.

* Retour aux montagnes

Le poëte remonte à la source de ces ruisseaux, & gravit les montagnes. Deseription des montagnes.
La Décade appelle cette description une redite. Je ne me souviens pas pourtant que l'auteur nous ait déjà décrit les montagnes. Il nous a parlé de leur formation suivant le systême de Buffon\ ; & il vrai qu'il eût mieux fait de les décrire alors. Je dirai donc que ce morceau, sans être une redite, n'est pas à sa place naturelle.

Salut\ ! pompeux Jura, terrible Montanverts\ !

L'observation que le même journal fait sur ce vers, me paroît plus juste. L'auteur a dit plus haut\ :

Reprenons notre course autour de vos domaines

“Et peu après il apostrophe le Jura, puis tout à coup le Montanverts, l'un des glaciers de la Suisse. On ne sait plus ou [sic] l'on est. «
Il me semble à la vérité qu'il est bien difficile de faire autant de chemin en si peu de temps. Au surplus, s'il y a là une faute d'inadvertance, elle ne provient que du mot Salut\ ! qui ne s'emploie que pour apostropher un objet présent.
Description des avalanches, dans laquelle j'admire un superbe exemple de gradation, qui est terminée par ces vers\ :

     Effets des volcans. Catastrophe d'Herculanum.

     C’est ici que la lave en longs torrens coula ;
     Voici le lit profond où le fleuve roula,
     Et plus loin à longs flots sa masse répandue
     Se refroidit soudain et resta suspendue.
     Dans ce désastre affreux quels fleuves ont tari !
     Quels sommets ont croulé, quels peuples ont péri !
     Les vieux âges l’ont su, l’âge présent l’ignore ;
     Mais de ce grand fléau la terreur dure encore.
     Un jour, peut-être, un jour, les peuples de ces lieux
     Que l’horrible volcan inonda de ses feux,
     Heurtant avec le soc des restes de murailles,
     Découvriront ce gouffre, et, creusant ses entrailles,
     Contempleront au loin avec étonnement
     Des hommes et des arts ce profond monument ;
     Cet aspect si nouveau des demeures antiques ;
     Ces cirques, ces palais, ces temples, ces portiques ;
     Ces gymnases du sage autrefois fréquentés,
     D’hommes qui semblent vivre encor tout habités :
     Simulacres légers, prêts à tomber en poudre,
     Tous gardant l’attitude où les surprit la foudre ;
     L’un enlevant son fils, l’autre emportant son or,
     Cet autre ses écrits, son plus riche trésor ;
     Celui-ci dans ses mains tient son dieu tutélaire ;
     L’autre, non moins pieux, s’est chargé de son père ;
     L’autre, paré de fleurs et la coupe à la main,
     A vu sa dernière heure et son dernier festin20.

Vers concernés : chant 3, vers 149-174 ===== Citation 2 ===== La deuxième citation suit immédiatement la précédente.

                    Eaux minérales.

     Dirai-je ces ruisseaux, ces sources, ces fontaines,
     Qui de nos corps souffrans adoucissent les peines ?
     Là, de votre canton doux et tristes tableaux,
     La joie et la douleur, les plaisirs et les maux,
     Vous font chaque printemps leur visite annuelle :
     Là, mêlant leur gaîté, leur plainte mutuelle,
     Viennent de tous côtés, exacts au rendez-vous,
     Des vieillards éclopés, un jeune essaim de foux.
     Dans le même salon là viennent se confondre
     La belle vaporeuse et le triste hypocondre :
     Lise y vient de son teint rafraîchir les couleurs ;
     Le guerrier, de sa plaie adoucir les douleurs ;
     Le gourmand, de sa table expier les délices.
     Au dieu de la santé tous font leurs sacrifices.
     Tous, lassant de leurs maux valets, amis, voisins,
     Veulent être guéris, mais surtout être plaints.
     Le matin voit errer l’essaim mélancolique ;
     Le soir, le jeu, le bal, les festins, la musique,
     Mêlent à mille maux mille plaisirs divers :
     On croit voir l’Elysée au milieu des enfers21.

Vers concernés : chant 3, vers 279-298 ===== Citation 3 ===== Cette troisième citation suit, à son tour, immédiatement la deuxième, mais Peltier signale une coquille et ajoute un commentaire ne manquant pas de souligner la référence à la Révolution.

          Description d'une Avalanche.

     Souvent un grand effet naît d’une faible cause.
     Souvent sur ces hauteurs l’oiseau qui se repose
     Détache un grain de neige. à ce léger fardeau
     Des grains dont il s’accroît se joint le poids nouveau ;
     La neige autour de lui rapidement s’amasse ;
     De moment en moment il augmente sa masse :
     L’air en tremble, et soudain, s’écroulant à la fois,
     Des hivers entassés l’épouvantable poids
     Bondit de roc en roc, roule de cime en cime,
     Et de sa chute immense ébranle au loin l’abyme.
     Les hameaux sont détruits, et les bois emportés ;
     On cherche en vain la place où furent les cités,
     Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
     Avant d’être frappés, les voyageurs succombent.
     Ainsi quand des excès, suivis d’excès nouveaux,
     D’un état par degré22 ont préparé les maux,
     De malheur en malheur sa chute se consomme ;
     Tyr n’est plus, Thèbes meurt, et les yeux cherchent Rome !
     O France, ô ma patrie ! ô séjour de douleurs !
     Mes yeux à ces pensers se sont mouillés de pleurs.

Que cette finale est touchante! quels yeux ne se remplissent pas en la lisant des mêmes larmes que l'auteur a répandues en la composant!23

Vers concernés : chant 3, vers 359-378. ===== Citation 4 ===== Enfin, Peltier a soin d'écarter tout soupçon de philosophie chez Delille. Une ultime remarque sert à assurer les lecteurs qu'en dépit de ses lectures scientifiques, le poète n'a rien d'un hétérodoxe.

Nous ne quitterons pas ce chant sans disculper l'auteur d'un reproche que nous lui avons entendu faire par certains rigoristes, au sujet du systême qu'il y a exposé. Ils prétendent que M. l'Abbé Delille s'est trop livré à son enthousiasme pour M. de Buffon, & qu'il a adopté les idées développées par ce grand écrivain dans ses Epoques de la Nature\ ; idées condamnées autrefois par la Sorbonne\ ! Le vers qu'on lui reproche surtout est celui-ci\ :

Et des âges sans fin pesent sur la pensée.

M. l'Abbé Delille ne croyait certainement pas, en composant ce vers, attaquer la Génese. L'expression poétique des âges sans fin, qu'il lui aurait été si facile de remplacer par celle des siecles nombreux, signifie 20 siecles comme 60, comme 60024.

Vers concernés : chant 3, vers 200. ===== Liens externes ===== Accès à la numérisation du texte: GoogleBooks —- Auteur de la page — Sophie Christe 2017/04/11 19:19


1 Vidal, “Examen impartial de L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises de Jacques Delille, & des principales critiques qui en ont été faites”, Esprit des journaux français et étrangers, germinal an IX (avril 1801), p.\ 73-122 et floréal an IX (mai 1801), p.\ 73-110.
2 Citation de la préface du poème.
3 [Id., avril 1801, p. 73-74.
4 Id., p. 74.
5 Ibid.
6 Id., p. 74-75.
7 Id., p. 77.
8 Id., p. 78.
9 Id., p. 91.
10 Id., p. 86.
11 Id., p. 87.
12 Id., p. 89.
13 Id., p. 91.
14 Id., p. 92-93.
15 Id., p. 96.
16 Id., p. 97-98.
17 Id., p. 99.
18 Citation du début du chant 2
19 NDA\ : “Remarque du Mercure.”) les anciennes catastrophes du globe, gravées sur sa surface & dans ses entrailles, il imite de la manière la plus originale ce beau mouvement, par lequel Virgile rentre si bien dans son sujet, à la fin du premier chant de ses Géorgiques\ : Scilicet & tempus veniet, cùm finibus illis \\ Agricola, incurvo terram molitur aratro,
Exesa inveniet scabrâ rubigine pila\ :
Aut gravibus rastris galeas pulsabit inanes,
Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris.
Rapprochons l'imitation que Delille a faite\ : Un jour, peut être, un jour les peuples de ces lieux
Que l'horrible volcan inonda de ses feux,
Heurtant avec le soc des restes de murailles,
Découvriront ce gouffre, &, creusant ses entrailles,
Contempleront au loin, avec étonnement,
Des hommes & des arts ce profond monument, &c. …… </WRAP> * Évocation de Buffon et des reliefs

Ce morceau est suivi d'une tirade sur Buffon, qui n'est point, à beaucoup près, ce qu'elle devoit être. Voici ce qu'en dit le Mercure : \\ ”L'auteur a reproduit dans ce troisième chant les idées de Buffon sur la formation des montagnes & sur le déplacement successifs [sic] des mers\ ; il ne devait donc pas en parler comme d'un observateur inexact, puisqu'il adopte son systême. Après avoir dit qu'il

Eleva sept fanaux sur l'océan des âges,

en faisant allusion aux sept époques de la nature, il ajoute à l'instant :

Des bosquets de Montbard Buffon jugeait le monde[(Vidal coupe ici la citation donnée par Fontane dans le Mercure.

20 Id., p. 152.
21 Id., p. 153.
22 NDA : “Cette faute se trouve dans toutes les éditions. Lisez\ : degrés.”
23 Id., p. 153-154.
24 Id., p. 154.