suitelivremelangesphilosophiques

“Suite du livre de l'Accord de la Genèse avec la géologie et les monuments humains. Par M. Gervais de la Prise” (Mélanges de philosophie, d'histoire, de morale et de littérature)

Ce compte rendu anonyme d'un ouvrage de Gervais de la Prise paraît en 1809 dans un organe catholique, les Mélanges de philosophie, d'histoire, de morale et de littérature1.

L'Homme des champs est cité en note, à l'occasion d'une pique contre les philosophes et savants du siècle précédent, qui reconduit toutefois un postulat clé des Lumières : la défiance envers les “systèmes” spéculatifs.

Depuis que le goût des sciences naturelles a prévalu, et qu'on s'est occupé avec tant d'ardeur de physique et de géologie, chaque année presque a vu éclore un systême que l'année suivante a vu mourir. Telliamed et les Epoques de la nature ont été d'un exemple contagieux. Chacun a voulu façonner à son gré la terre et l'eau, faire agir le soleil, composer et recomposer les diverses couches de notre globe, et en manipuler les élémens comme un chimiste dans son laboratoire. Cette manie de créer et de produire a eu plus d'un inconvénient, et la science, au lieu d'y gagner, y a perdu. Il falloit d'abord observer, observer pendant long-temps, observer sans prévention, recueillir beaucoup de données, examiner à loisir, voyager, interroger, comparer, faire enfin une ample provision de faits bien constatés. Mais on se lassoit bientôt de cette marche lente et pénible. On trouvent plus commode, après avoir acquis quelques connoissances superficielles, de se lancer dans la carrière des conjectures : observer, fatigue ; inventer, n'exige aucune peine, et satisfait l'amour propre. Des gens qui n'avoient vu que les carrières de Montmartre et de Ménilmontant, se croyoient en droit d'arranger tout le globe sur cet échantillon. De jeunes physiciens, qui avoient ramassé quelques cailloux, s'imaginoient avoir assez de matériaux pour bâtir un monde. On jugeoit des Alpes par le Mont-Valérien, et des entrailles de toute la terre par les fouilles de Mont-Rouge. C'est un reproche qu'on a fait à Buffon (1), et que mériteroient encore mieux quelques-uns de ceux qui ont créé, des théories, à son exemple.

(1) …. il quitta trop peu sa retraite profonde,
Des bosquets de Montbar, Buffon jugeoit le monde.
A des yeux étrangers se confiant en vain,
Il vit peu par lui-même, et tel qu'un souverain,
De loin et sur la foi d'une vaine peinture,
Par ses ambassadeurs courtisa la nature.
      Delille, Homme des Champs, chant III2.

Vers concernés : chant 3, vers 179-184.

Accès à la numérisation du texte : HathiTrust.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2019/06/02 12:10


1 Anonyme,“Suite du livre de l'Accord de la Genèse avec la géologie et les monuments humains. Par M. Gervais de la Prise”, Mélanges de philosophie, d'histoire, de morale et de littérature, 1809, vol. 7, p. 351-364.
2 Id., p. 351-352.