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François Noël, Louis Carpentier, Philologie française ou dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique, littéraire

Voir la synthèse thématique sur les Usages lexicographiques.

Composée par deux philologues, François Noël et Louis Carpentier, la Philologie française ou dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique, littéraire est un dictionnaire en deux volumes, paru en 1831. Sur la page de titre, l'ouvrage se présente comme “Un choix d'Archaïsmes, de Néologismes, d'Euphémismes, d'expressions figurées ou poétiques, de tours hardis, d'heureuses alliances de mots, de solutions grammaticales”. Les deux auteurs sont en effet à l'affût des mots que les dictionnaires traditionnels n'ont pas encore enregistrés, et des usages particuliers des mots connus. Ils récupèrent néanmoins les matériaux d'un dictionnaire antérieur : Le Gradus français de Carpentier.

Écrite par Noël, qui se dit l'initiateur du projet, la préface insiste sur la portée conquérante d'une telle entreprise :

[…] j'avais eu souvent occasion de remarquer des termes et des locutions, dont la perte avait beaucoup trop appauvrie notre idiôme. […] je pris note des mots qu'il serait utile de reconquérir, les uns pour leur énergie, les autres pour leur précision, quelques uns pour leur gentillesse et leur naïveté1.

L'auteur parle ici des archaïsmes. Plus loin, il explique que les “néologismes ont fixé notre attention d'une manière spéciale”2, et notamment “les créations que nos contemporains ont vues naître sous d'heureux ou de malheureux auspices”3, faisant référence à la Révolution française.

Enfin, c'est auprès des écrivains célèbres que Noël a cherché des mots anciens, des mots nouveaux et des emplois hardis. Sur ce point, la Philologie française réaffirme l'exemplarité de Racine et de ses successeurs face aux auteurs de la nouvelle génération :

     Nous nous plaisons à reconnaître que quelques uns des chefs de la nouvelle école semblent appelés par un vrai talent à reculer les bornes de l'art ; seulement, nous faisons des vœux bien sincères pour que le goût et la raison n'aient jamais à rougir de leurs triomphes ; et pour qu'ils ne perdent pas de vue, que ce n'est pas atteindre le but, que de le dépasser, et qu'en littérature, comme en politique, ce n'est pas être libre que de traverser la liberté4.

Abondamment cité dans la Philologie française, Delille compte parmi ces novateurs classiques dont les hardiesses n'ont jamais outrepassé les bornes du raisonnable. Cependant, moins innovant sur un plan lexical que Les Trois Règnes de la nature et les traductions de Delille, L'Homme des champs n'occupe qu'une place discrète dans l'ouvrage de Noël et Carpentier.

Comme dans Le Gradus français, L'Homme des champs est cité au mot ALPES, s. f. pl. à propos d'un usage antonomastique. Après avoir cité des auteurs anciens, Noël et Carpentier écrivent :

Est-ce d'après ces autorités ou par une hardiesse poétique que Delille a pris le mot Alpes pour montagnes quelconques, et qu'il a dit, en parlant des avalanches :

Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
Avant d'être frappés les voyageurs succombent.
               L'Homme des Champs, ch. III5.

Vers concernés : chant 3, vers 371-372

Autre antonomase, le mot MÉOT, n. pr. m. entre dans le dictionnaire sous l'égide de Delille.

     MÉOT, n. pr. m. nom d'un restaurateur de Paris, très en vogue à la fin du dernier siècle. Nous ne le portons d'ailleurs, que parce que son nom est devenu appellatif par l'usage qu'en ont fait plusieurs écrivains contemporains, pour exprimer un homme consommé dans l'art culinaire.

Voilà leurs simples mets, grâce à leurs doux travaux,
Leur appétit insulte à tout l'art des Méots.
               Delille, l'Homme des Champs, IIIe chant6.

Vers concernés : chant 3, vers 453-454

Au mot NASAL,ALE, adj.7, Noël et Carpentier reproduisent le texte du Gradus français.

Vers concerné : chant 3, vers 528

Passablement dénaturés8, deux vers de Delille illustrent un emploi substantivé de l'adjectif PARVENU.

     Delille dit en parlant du papillon :

               Le fils de la chenille,
     Beau parvenu, honteux de sa famille9.

Vers concernés : chant 3, vers 539-540

Accès à la numérisation du texte : Google Books


Auteur de la page — Timothée Léchot 2017/05/16 17:12
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/07 14:34


1 Louis Carpentier, François Noël, Philologie française ou dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique, littéraire, contenant un choix d'Archaïsmes, de Néologismes, d'Euphémismes, d'expressions figurées ou poétiques, de tours hardis, d'heureuses alliances de mots, de solutions grammaticales, etc. Pour servir à l'histoire de la langue française. Par M. Fr. Noël, ancien membre du Conseil d'Instruction publique, inspecteur-général honoraire, chevalier de la Légion-d'Honneur, de plusieurs Sociétés savantes, auteur du Cours de Littérature comparée, etc. Et M. L. J. Carpentier, Membre de l'Université, auteur du Gradus français, etc., Paris, Le Normant père, 1831, t. 1, p. III.
2 Id., p. VII.
3 Id., p. VIII.
4 Id., p. IX.
5 Id., p. 50.
6 Id., t. 2, p. 290.
7 Voir Id., p. 405.
8 La même citation modifiée par Carpentier avait paru dans Le Gradus français, à l'article PAPILLON n. m.
9 Louis Carpentier, François Noël, op. cit., p. 558.