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Carol Ercolani (trad.), L’Uomo de’ campi

Publiée en 1805 à Venise, cette traduction italienne de L’Homme des champs suit le texte de 1800.

Son auteur, le chanoine Carlo Ercolani, opte pour le vers blanc, c’est-à-dire sans rimes. La préface originale est remplacée par un texte inédit et les notes sont considérablement réduites.

Ce texte, non signé, n'est aucunement celui de Delille, même s’il lui emprunte une partie de sa matière.

Une poétique de modération

Selon son traducteur, Delille montre que la poésie peut rompre avec le goût littéraire dominant, qui privilégie la légèreté et la raillerie, ou qui, de manière plus préoccupante, habitue le public à des émotions violentes. L’Homme des champs apparaît ainsi comme une tentative, louable et vertueuse, pour explorer une poésie à la fois sérieuse et apaisante.

     Fra i diversi generi della poetica composizione quei, che sogliono andar più in voga, sono le poesie spiritose e leggere, e le opere romanzesche et teatrali. Il gusto predominante per le prime dee nudrire nel popolo quello spirito di soverchia vivacità e leggerezza, che si conserva anche in mezzo ai più serj affari e alle più terribili circostanze, e giugne a spargere il ridicolo sullo stesso delitto. L’amore esclusivo per le seconde riesce ancor più dannoso. Esse accostumato l’anima alle sensazioni violenti, sì opposte a quella felice abitudine di sentimenti dolci e moderati, da cui risultano le pacifiche commozioni, necessarie egualmente alla felicità, e alla virtù. Assuefatta l’anima alle impressioni smodate e forti non sà più aretarsi, e conosce solo gli eccessi per sotrarsi alla noja.
     Giova dunque promovere altri generi di poesia, e di non rigetare con ingiusto disprezzo coloro, che senza quest’apparato e tutti questi passionati movimenti, procurano d’abbellire di colori poetici gli oggetti della natura e le produzioni dell’arte, i prectti della morale, o dolci occupazioni della vita campestre. Tali furono le Georgiche di Virgilio, tali sono le Georciche Francesi, o sia l’uomo de’ campi, di ciui vi presento la prima poetica traduzione italiana in verso sciolto1.

Sur le concept de “géorgiques”

La préface poursuit en vantant la longue expérience de traducteur déjà acquise par Ercolani et son habileté métrique, deux qualités qui doivent lui permettre de respecter la “niditezza2”, la netteté du style de Delille. Puis le texte revient sur la parenté avec Virgile que le sous-titre de L’Homme des champs revendique\ : “Queste nuove Georgiche non hanho niente di comune con quelle che sono finora uscite alla luce\ ; e il nome di Georgiche s’impiega in un senso molto più esteso dell’ordinario significato3”, remarque l’auteur, juste avant de résumer le contenu de chaque section du poème.

Présentation du chant 3

Comme chez de nombreux critiques, le chant 3 fait alors l’objet d’un éloge marqué. Pour le préfacier, cette section de l’œuvre est la plus innovante\ :

     Il terzo canto è consacrato all’osservatore naturalista. Circondato questi dalle opere e dalle maraviglie della natura si applica tutto a conoscerle ; e così procaccia maggior interesse alle sue passeggiate, maggiori attrattive al suo domicilio, e più occupazione ai suoi ozj : si forma un gabinetto di storia naturale, ornato non di maraviglie straniere, ma di quelle che lo circondano, e che nate nel proprio suolo gli divengono vieppiù interessanti. Il soggetto di questo canto è il più fecondo di tutti, e non fù aperta mai alla poésia una carriera più vasta e più nuova4.

Comme l’indique encore la préface, Ercolani cherche à traduire scrupuleusement les alexandrins de Delille, “colla massima fedeltà ed esattezza5” (avec la plus grande fidélité et exactitude). Mais son approche privilégie le signifié sur le signifiant. On peut en juger dans ce passage, transposition des vers très admirés de Delille sur le grain de sable (chant 3, vers 201-220)\ :

Ma senza abbandonar le vostre valli,
I monti vostri, d’un consunto marmo
Sul più minuto avanzo il gurado affiso.
Qual ricco monumento\ ! e qual non leggo
Gran storia scritta in tante sue vicende\ !
Già questo marmo dalle spoglie surse
Dell’animato impero, e fu formato
Dalle distruzion\ ; gli atomi varj
Onde crear, di che il costrusser l’acque,
Qual nuero infinito non perio
Di generazion\ ! quanti anni e quanti
Sovr’esso il mar non corse\ ! e quanto tempo
Nel seno lor nol strascinaron l’onde\ !
Dagli alti monti ne’ suoi cupi abissi
Scendendo, l’oceàn lanciollo un tempo
Sulle lor cime\ ; la tempesta ai mari
Lo ricondusse\ ; il rigettò nel lido
Poi’l mare ancor, lo ripigliò, lo rese.
Cosi dagli anni consumato e roso
Sostenne i venti, i flutti e la procella.
Alfin coetaneo umil di quel gran monti
Fu questo marmo un sasso\ ; or questo sasso
Rimasso è un grano\ ; ma del tempo figlio
Della terra e dell’onda in sulla storia
Di questo gran, quella del mondo è scrita6.

Par rapport à la traduction anglaise de Maunde, par exemple, ces vers sont indéniablement fidèles au sens du texte source. En revanche, bien qu’il utilise 25 vers pour en rendre 20, et malgré les facilités que lui offre l’absence de rimes, Ercolani ne semble pas tenter de reproduire les jeux homophoniques de l’original.

De nombreuses notes sont réduites, voire totalement éliminées\ : c’est ainsi que le chant 1, qui compte 9 notes dans la version de 1800, n’en comporte plus que 7, tandis que pour le chant 4, elles passent de 13 à 1.

Le troisième chant fait cependant exception. D’une part, même s’il les condense au point de les réduire à une douzaine de pages, Ercolani conserve 47 des 52 notes de l’édition de 1800. D’autre part, le traducteur procède à un ajout important. Lorsqu’il transpose les vers 175-176, “Gloire, honneur à Buffon, qui, pour guider nos sages, / Éleva sept fanaux sur l’océan des âges”, objets dans la version française d’une note où Delille indiquait procéder à un emprunt, Ercolani élimine cette remarque et lui substitue un tableau des sept époques géologiques désignées par cette métaphore et exposées par Buffon – une précision entièrement absente de l’original7.

Les notes proprement scientifiques du poème apparaissent donc comme un ensemble moins aisément dispensable que les autres indications\ : en les réduisant, Ercoli diminue l’aspect didactique de cette partie du poème, mais il ne le gomme pas entièrement et peut même, ponctuellement, le renforcer.


Auteur de la page — Hugues Marchal 2017/05/01 01:06


1 “Parmi les genres de composition poétique usuellement les plus en vogue figurent les poésies spirituelles et légères, et les œuvres romanesques et théâtrales. Le goût prédominant pour les premières doit alimenter chez le peuple cet esprit d’extrême vivacité et de légèreté qui se conserve même au milieu des affaires les plus sérieuses et des plus terribles circonstances, et qui contribue à rendre risible le crime lui-même. L’amour exclusif pour les secondes a des résultats encore plus dangereux. Ayant pris l’habitude des sensations violentes, l’âme rejette l’heureux usage des sentiments doux et modérés, d’où résultent les commotions pacifiques également nécessaires au bonheur et à la vertu. Accoutumée aux impressions immodérées et fortes, l’âme ne sait plus s’arrêter et ne connaît plus que les excès pour se soustraire à l’ennui. / Il convient donc de promouvoir d’autres genres de poésie, et ne pas rejeter avec un injuste mépris ceux qui, sans cet appareil et tous ces mouvements passionnés, entreprennent d’embellir de couleurs poétiques les objets de la nature et les productions de l’art, les préceptes de la morale, ou les douces occupations de la vie champêtre. Telles furent les Géorgiques de Virgile, telles sont les Géorgiques Françaises, ou l’Homme des champs, dont je vous soumets la première traduction poétique italienne en vers blancs” (Carlo Ercolani, L'Uomo de' campi o sia le Georgiche francesi di Giacomo Delille trasportate in verso italiano, Venise, Domenico Fracasso, 1805, p.\ v-vi).
2 Id., p.\ vii.
3 “Ces nouvelles Géorgiques n’ont rien de commun avec celles qui ont vu le jour jusqu’ici\ ; et le nom de Géorgiques s’emploie dans un sens beaucoup plus étendu que d’ordinaire”, id., p.\ vii-viii.
4 “Le troisième chant est consacré à l’observateur naturaliste. Entouré des œuvres et des merveilles de la nature, il s’applique entièrement à les connaître ; il trouve un plus grand intérêt à ses promenades, plus d’attraits à son domicile et plus d’occasions d’occuper ses loisirs : il se constitue un cabinet d’histoire naturelle, orné non pas de merveilles étrangères, mais de celles qui l’entourent et qui, nées sur son propre sol, lui deviennent par là plus intéressantes. Le sujet de ce chant est le plus fécond de tous et jamais une carrière plus vaste ni plus neuve n’a été ouverte à la poésie”, id., p.\ x-xi.
5 Id., p. vii.
6 Id., p. 104-105.
7 Id., p.\ 131-132.