carpentiergradus

Louis Carpentier, Le Gradus français

Voir la synthèse thématique sur les Usages lexicographiques.

Le Gradus français, ou dictionnaire de la langue poétique (1822) de Louis Carpentier est un recueil de morceaux choisis de poésie. Chaque extrait est rattaché à un motif récurrent dans la poésie ou à une figure mythologique. Depuis le 17e siècle, le Gradus ad Parnassum est un ouvrage pédagogique qui porte sur la poésie latine ou grecque, puis sur la musique. En 1822, c'est à la poésie française que Carpentier consacre son Gradus. Le dictionnaire est précédé d'un traité de versification et suivi d'un dictionnaire des rimes ; il est réédité en 1825.

Les poèmes de Delille occupent une place considérable dans l'ouvrage de Carpentier, à côté des œuvres de Racine, Boileau, Voltaire et bien d'autres. Écrit par un ancien professeur de rhétorique, le Gradus atteste que Delille a acquis, neuf ans après sa mort, le statut d'un “classique”, au sens d'un auteur qu'on lit dans les classes des écoles. Cependant, l'ouvrage n'est pas prioritairement destiné aux étudiants, mais “aux littérateurs, et principalement aux poètes”1 pour les aider dans leurs compositions. Ayant une forte visée prescriptive, il constitue un manuel de poésie classique insensible à l'émergence d'une nouvelle poésie romantique. Delille y apparaît comme un modèle consacré quoique, à l'instar des autres poètes mentionnés, les défauts de sa versification soient parfois relevés2.

Comme les citations rassemblées ci-après le suggèrent, Carpentier “classicise” Delille en omettant ses audaces poétiques. Dès les années 1770, Delille est félicité d'avoir su approprier à la poésie française des expressions et des notions réputées jusqu'alors trop basses pour pénétrer sur le terrain du vers. Dans le “Discours préliminaire” de sa traduction des Géorgiques, Delille s'appuie sur Virgile pour détruire le préjugé contre les “expressions populaires”3 et pour annuler la distinction entre les “termes nobles” et les “termes roturiers”4 qui a eu l'effet d'appauvrir et d'affadir la langue de la poésie : “De-là la nécessité d'employer des circonlocutions timides, d'avoir recours à la lenteur des périphrases, enfin d'être long de peur d'être bas ; […]”5. Ce faisant, le poète ouvre une brèche dans l'esthétique classique régie par l'impératif de la bienséance. Loin de rappeler ces conquêtes, Carpentier présente Delille comme un champion de la périphrase, de la métonymie et, plus généralement, des expressions figurées qui évitent aux poètes de recourir à certains termes : dans les vers de Delille, agaric remplace opportunément amadou, l'hôte léger des fleurs ennoblit papillon et les disciples de Flore permet d'écarter le mot botanistes.

À l'égard des citations trouvées chez Delille, le Gradus sera copié par des lexicographes ultérieurs comme Louis-Nicolas Bescherelle, l'auteur du Dictionnaire national (1845-1847). Souvent, on retrouvera encore les mêmes citations dans le Grand Dictionnaire de Pierre Larousse.

Dans le “Traité de versification” qui ouvre son Gradus, Carpentier cite Delille parmi les poètes “du premier ordre” qui négligent leurs rimes, à côté de Boileau, Jean Racine, Louis Racine, Voltaire et Thomas.

     TRAITÉ
     DES RIMES QU'IL FAUT ÉVITER.

     Io. Une voyelle longue ne rime pas bien avec sa brève.
     Déjà, au milieu du seizième siècle, J. du Bellay, dans son Illustration de la langue française6, condamnait ces sortes de rimes, et défendait d'accoupler passe à trace, maître à mettre, un bât à il bat.
     Depuis Richelet, Demandre, Domergue7 et tous les autres grammairiens ont répété cette défense, dont un maître de qui l'autorité en fait de poésie n'a pas moins de force, je veux dire l'oreille, fait une loi expresse : on voit avec peine qu'elle ait été souvent violée par nos poètes, même par ceux du premier ordre.

     Un auteur à genoux, dans une humble préface,
     Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grâce.
               Boileau.

     Des grains dont il s'accroît se joint le poids nouveau ;
     La neige autour de lui rapidement s'amasse ;
     De moment en moment il augmente sa masse.
               Delille.

     […]

     Ces rimes, ajoute M. Demandre, sont moins des licences que des fautes qu'on est en droit de leur reprocher8.

Vers concernés : chant 3, vers 362-364

Traitant plus loin de l'alternance des rimes, le grammairien choisit Delille et Boileau pour illustrer le cas de figure le plus commun dans la poésie classique : la rime plate. De Delille comme de Boileau, le théoricien retient douze alexandrins, soit trois rimes masculines et trois rimes féminines, qui forment respectivement le début du chant 3 de L'Homme des champs et le début de la dixième Épître adressée “À mes vers”.

     Les rimes suivies ou plates, comme plusieurs les nomment, sont celles où deux rimes masculines sont alternativement suivies de deux rimes féminines, ou bien deux rimes féminines de deux rimes masculines, comme on le voit dans les vers suivans :


     Que j'aime le mortel, noble dans ses penchants,
     Qui cultive à la fois son esprit et ses champs !
     Lui seul jouit de tout. Dans sa triste ignorance,
     Le vulgaire voit tout avec indifférence.
     Des desseins du grand être atteignant la hauteur,
     Il ne sait point monter de l'ouvrage à l'auteur ;
     Mais ce n'est point pour lui qu'en ses tableaux si vastes,
     Le grand être forma d'harmonieux contrastes ;
     Il ne sait pas comment, dans ses secrets canaux,
     De la racine au tronc, du tronc jusqu'aux rameaux,
     Des rameaux au feuillage accourt la sève errante ;
     Comment naît des cristaux la masse transparente.
                Delille, l'Homme des champs, ch. III.


     J'ai beau vous arrêter, ma remontrance est vaine ;
     Allez, partez, mes vers, dernier fruit de ma veine ;
     C'est trop languir chez moi dans un obscur séjour.
     La prison vous déplaît, vous cherchez le grand jour ;
     Et déjà chez Barbin, ambitieux libelles,
     Vous brûlez d'étaler vos feuilles criminelles.
     Vains et faibles enfants dans ma vieillesse nés,
     Vous croyez, sur les pas de vos heureux aînés,
     Voir bientôt vos bons mots, passant du peuple aux princes,
     Charmer également la ville et les provinces ;
     Et, par le prompt effet d'un sel réjouissant,
     Devenir quelquefois proverbes en naissant.
               Boileau, Épître X9.

Vers concernés : chant 3, vers 1-12

Dans le Gradus proprement dit, les citations des poètes ne sont pas systématiquement commentées. Carpentier cite une première fois le chant 3 de L'Homme des champs à l'article ACCENT. n. m. Ce même passage illustre aussi les articles COR et FANFARE.

Ce ne sont point ici de ces guerres barbares,
Où les accents du cor et le bruit des fanfares
Epouvantaient au loin les hôtes des forêts.
               Delille, l'Homme des Champs10.

Vers concernés : chant 3, vers 411-413

Les trois vers de Delille constituent l'unique citation de l'article AGARIC. n. m., un champignon. Cependant, ces mêmes vers sont réemployés à deux autres reprises, aux articles AMADOU et CAILLOU.

Le puissant Agaric qui du sang épanché
Arrête les ruisseaux, et dont le sein fidele
Du caillou petillant recueille l'étincelle.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. 311.

Vers concernés : chant 3, vers 510-512

En citant Delille à l'article ALPES. n. pr. f. pl., Carpentier signale l'usage antonomastique que le poète fait de ce mot pour désigner les montagnes. Les mêmes vers sont repris par Carpentier à l'intérieur d'une citation plus longue : voir l'article AVALANCHE.

Delille a pris ce mot au figuré et comme synonyme de montagne, il a dit en parlant des avalanches :

Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
Avant d'être frappés les voyageurs succombent.
               L'Homme des Champs, ch. III12.

Vers concernés : chant 3, vers 371-372

Unique citation de l'article AMADOU. n. m., une synecdoque de Delille (agaric pour amadou) est présentée par Carpentier comme un utile détour pour éviter l'emploi d'une notion triviale. Voir aussi les articles AGARIC et CAILLOU.

     AMADOU. n. m. Mêche faite avec une espèce d'agaric. C'est un mot familier. Delille a heureusement substitué au nom de la chose celui de la matière dont elle est faite, métonymie fréquemment employée par les poètes :

Le puissant agaric qui du sang épanché
Arrête les ruisseaux, et dont le sein fidèle
Du caillou pétillant recueille l'étincelle.
               L'Homme des Champs, ch. III13.

Vers concernés : chant 3, vers 510-512

Deux brefs passages de L'Homme des champs (chants 3 et 4) sont cités au mot AMPHITHÉATRE. n. m. Le vers tiré du chant 3 est légèrement modifié par Carpentier (“Des” remplace “De leurs”).

…. Des rochers pendants l'informe amphithéâtre.
               Delille14.

Vers concerné : chant 3, vers 323

Dans l'article ANTIQUITÉ. n. f., l'expression “océan des âges” est associée au nom de Delille, alors que Delille lui-même indique que le vers qui la contient est une réminiscence : voir la note 8 du chant 3 de L'Homme des champs.

     ANTIQUITÉ. n. f. Priorité de temps très-reculée. Syn. Ancienneté, vieillesse. Epit. Haute -, reculée, obscure, fabuleuse, mensongère, docte -, savante, noble -, vénérable, glorieuse, recommandable, respectable, fidèle, barbare, bavarde (Voltaire), idolâtre, payenne, profane, aveugle. Périph. La nuit, le gouffre, l'abîme des temps, des siècles reculés, des âges passés ; l'antiquité des temps, les temps antiques, les siècles reculés, les fastes du temps, l'océan des âges (Delille), le lointain des âges15.

Vers concerné : chant 3, vers 176

Au mot ARBRE. n. m., Carpentier cite brièvement L'Homme des champs, mais il omet le second hémistiche du second vers (“la greffe et ses prodiges”). Plus loin dans l'article, le grammairien cite plus abondamment Les Jardins de Delille et plusieurs poèmes d'autres auteurs. Voir aussi l'article HYMEN et HYMÉNÉE.

     Delille a dit, en parlant des arbres et des fleurs :

Observez leurs couleurs, leurs formes, leurs penchants,
     Leurs amours, leurs hymens.
               L'Homme des Champs, ch. III16.

Vers concernés : chant 3, vers 386-387

La citation suivante est choisie par Carpentier pour illustrer le mot ASSOUPIR, v. tr. Voir aussi l'article FEU.

La grondait un volcan, ses feux sont assoupis.
               Delille, L'Homme des champs, ch. III17.

Vers concerné : chant 3, vers 145

L'article AVALANCHE ou AVALANGE. n. f. a la particularité de citer trois fois Delille, et aucun autre auteur, alors que le motif de l'avalanche est présent dans beaucoup de poèmes antérieurs à L'Homme des champs, parmi lesquels les Saisons (1769) de Jean-François de Saint-Lambert. Outre L'Homme des champs, les deux poèmes de Delille cités par Carpentier sont respectivement Les Trois Règnes de la nature (chant 4) et La Conversation (chant 1). Voir aussi les articles ALPES et GRAIN.

AVALANCHE ou AVALANGE. n. f. Masse formée par les neiges qui roulent du haut des montagnes. Epit. Énorme, pesante, effroyable, neigeuse, durcie, bruyante, roulante, bondissante, inévitable. Périph. Bloc de neige, boule énorme de neige.

…. De chute en chute, ébranlant les campagnes,
L'avalanche a roulé les débris des montagnes.
               Delille.

     Dans ces climats qu'un long hiver asiége,
Ramassant les frimas sur la pente des monts,
          Se grossit de légers flocons
          Une boule énorme de neige.
               Le même.

Souvent un grand effet naît d'une faible cause ;
Souvent sur ces hauteurs l'oiseau qui se repose
Detache un grain de neige. A ce léger fardeau
Des grains dont il s'accroît se joint le poids nouveau ;
La neige autour de lui rapidement s'amasse ;
De moment en moment il augmente sa masse :
L'air en tremble, et soudain, s'écroulant à la fois,
Des hivers entassés l'épouvantable poids
Bondit de roc en roc, roule de cime en cime,
Et de sa chute immense ébranle au loin l'abîme.
Les hameaux sont détruits et les bois emportés ;
On cherche en vain la place où furent les cités,
Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
Avant d'être frappés, les voyageurs succombent.
               Le même, l'Homme des champs, ch. III18.

Vers concernés : chant 3, vers 359-372

Dans l'article BALAYER. v. tr., Carpentier associe ce verbe au langage familier de la comédie et de la satire, avant d'en signaler quelques emplois figurés, relevant du style noble. Dans la citation de L'Homme des champs, le sujet “L'ouragan” est incorrectement placé au début d'un vers. Ce passage est cité plus amplement à l'article OURAGAN. Voir aussi l'article REFOULER.

     En parlant du vent, balayer se dit dans le style noble comme dans le style familier :

               Les nuages poudreux,
Le sable et les débris que l'aquilon fougueux
Elève en balayant les arides campagnes.                Castel.

L'ouragan. . . . . . . . . . . . .
Balaye en se jouant et forêt et cité ;
Refoule dans son lit le fleuve épouvanté.
               Delille19.

Vers concernés : chant 3, vers 122 et 125-126

Connaissant une fortune importante au 19e siècle, le passage de L'Homme des champs sur l'herborisation est cité partiellement dans l'article BOTANISTE. n. m., en vertu d'une périphrase que Carpentier semble apprécier. Voir aussi les articles DISCIPLE, FLORE, PLANTE et VÉGÉTAL.

     BOTANISTE. n. m. Celui qui s'applique à la botanique. Epit. Studieux, exact, curieux, patient, infatigable, attentif, observateur, solitaire, matinal, doux, affable, sensible, paisible. Delille a dit les disciples de Flore pour les botanistes.

… L'air du matin, la fraicheur de l'aurore
Appèlent à l'envi les disciples de Flore.
Jussieu marche à leur tête, il parcourt avec eux
Du règne végétal les nourrissons nombreux.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III.

Quand le printemps me rit, je gravis sur les monts,
Et guidé par Jussieu, j'en détache ces plantes
Ces simples bienfaisants, dont les vertus puissantes
Réchauffent du vieillard l'inactive langueur,
Et dans son corps souffrant suspend la douleur.
Leur parfum les trahit… Votre émail, fleurs nouvelles,
Et vos vives couleurs, et vos formes si belles,
Se disputent le droit de fixer mes regards !
Le ciel est moins brillant, et moins d'astres épars
Rayonnent dans l'azur de la voûte superbe….
Ainsi, nonchalamment promené d'herbe en herbe,
Des touffes de mélisses à l'odorant anet,
Et de l'acanthe en fleur à l'humble serpolet,
Mon œil suit dans leurs jeux ces vivantes machines ;
Je classe, j'assortis leurs nuances si fines.
Entouré constamment de ces riants objets,
J'étudie et leurs lois et leurs rapports secrets ;
Et j'apprends de ces fleurs, sœurs et beautés rivales,
Le propre caractère, et les mœurs générales.
Le disque du cristal, de mes yeux rapproché,
Grossit, dévoile, étend l'organe trop caché ;
Ou d'un tranchant acier les subtiles blessures,
M'aidant à pénétrer leurs savantes structures,
Pour prix de tant de soin, mon esprit voit, enfin,
De leurs variétés le principe et la fin.
               Bérenger, les Plaisirs du Botaniste20.

Vers concernés : chant 3, vers 419-422

En compagnie de Boisjolin et de Joseph-François Michaud, auteur du Printemps d'un proscrit (1802) et éditeur de Delille, le poète de L'Homme des champs est cité à l'article BRUYÈRE. n. f.

     BRUYÈRE. n. f. (bruy-è-re). Sorte de petit arbuste qui croît dans les terres incultes et stériles.
     Il se prend aussi pour le lieu où croissent ces petits arbustes. Syn. Broussailles. − Landes. Epit. Humble-, triste-, aride, sauvage.

La ronce, la bruyère et la mousse sauvage.
               Delille.

L'or brillant du genêt couvre l'humble bruyère.
               Michaud.

La bruyère qu'agite un doux frémissement,
De ses feuilles de pourpre étale l'ornement.
               Boisjoslin21.

Vers concerné : chant 3, vers 39

Au mot CAILLOU. n. m., Carpentier cite les trois mêmes vers de Delille qu'il a déjà utilisés pour les articles AGARIC et AMADOU.

     CAILLOU. n. m. (les deux l sont mouillés). Pierre très-dure qui donne des étincelles quand on la frappe avec l'acier. Epit. Dur, aigu, brillant, veineux, uni, poli, pétillant.

Des veines d'un caillou qu'il frappe au même instant,
Il fait jaillir un feu qui pétille en sortant.
               Boileau, Le Lutrin, ch. III.

Le puissant agaric, qui du sang épanché
Arrête les ruisseaux, et dont le sein fidèle
Du caillou pétillant recueille l'étincelle.
               Delille l'Homme des champs, ch. III.

Et quelquefois assis sur le bord des fontaines,
Tandis que cent cailloux, luttant à chaque bond,
Suivaient les longs replis du cristal vagabond,
Voyez, disait Vénus, ces ruisseaux et leur course,
Ainsi jamais le temps ne remonte à sa source.
               La Fontaine, Adonis, poème22.

Vers concernés : chant 3, vers 510-512

Pour illustrer CITÉ. n. f., Carpentier sélectionne deux vers du passage de L'Homme des champs sur l'avalanche.

     CITÉ. n. f. Syn. Ville. Epit. Antique, nouvelle, naissante, opulente, grande, vaste, immense, riche, florissante, orgueilleuse.

Le Seigneur a détruit la reine des cités.
               Racine, Athalie.

Les hameaux sont détruits et les bois emportés :
On cherche en vain la place où furent les cités.
               Delille.

Parcourez l'univers, voyez de toutes parts
Des plus fières cités les cadavres épars.
Le même, les trois Règnes de la Nature, ch. IV23.

Vers concernés : chant 3, vers 369-370

Les vers suivants, cités à l'article COR. n. m., illustrent également les articles ACCENTS et FANFARE.

Ce ne sont point ici de ces guerres barbares
Où les accents du cor et le bruit des fanfares
Epouvantent de loin les hôtes des forêts.
               Delille, l'Homme des champs, ch. III24.

Vers concernés : chant 3, vers 411-413

C'est encore en vertu d'une périphrase (“grand être” pour “Dieu”) que Delille est cité, parmi beaucoup d'autres auteurs, au mot DIEU. n. m. Voir aussi les articles HAUTEUR et OUVRAGE.

Le vulgaire voit tout avec indifférence :
Des desseins du grand être atteignant la hauteur,
Il ne sait point monter de l'ouvrage à l'auteur.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III25.

Vers concernés : chant 3, vers 4-6

À l'article DIRE, v. tr., Delille est cité pour illustrer un emploi poétique du verbe concerné.

     En poésie dire s'emploie dans le sens de raconter, réciter, chanter, décrire. Je dirai vos exploits. Acad.

Dirai-je ces ruisseaux, ces sources, ces fontaines,
Qui, etc.
               Delille, l'Homme des champs, ch. III.

               L'heureux, l'heureux Tityre
Dit sa flamme aux forêts, promptes à la redire.
               Domergue, trad. de la 1re Églogue de Virgile26.

Vers concernés : chant 3, vers 279-280

Cité dans l'article DISCIPLE. n. m., cet extrait du passage de L'Homme des champs sur l'herborisation est également repris aux mots BOTANISTE et FLORE.

     DISCIPLE. n. m. Syn. Apprenti, écolier, élève, nourrisson. − Partisan, sectateur. Epit. Docile, attentif, soumis, obéissant, studieux, laborieux, appliqué, infatigable. − Zélé, constant, fidèle, profane.
     On emploie souvent ce mot dans les périphrases : on dira, par exemple, les disciples d'Apollon pour les poètes, les disciples d'Hermès pour les chimistes, les disciples de Flore pour les botanistes, etc.

…. L'air du matin, la fraîcheur de l'aurore,
Appèlent à l'envi les disciples de Flore.
               Delille27

Vers concernés : chant 3, vers 419-420

Delille est cité deux fois au mot ÉCUMANT, ANTE. adj. La seconde citation, issue de L'Homme des champs, concerne les torrents qu'on trouve dans les paysages de montagne.

J'entends le bruit lointain des rochers écumants.
               Delille, trad. de l'Enéide, liv. III.

Là s'élance en grondant la cascade écumante.
               Le même28.

Vers concerné : chant 3, vers 335

Cités au mot FANFARE. n. f., les trois vers de L'Homme des champs illustrent également les articles ACCENT et COR.

     FANFARE. n. f. Air de trompette et d'autres instruments en signe de réjouissances, bruit ou concert d'instruments militaires ou de chasse. Epit. Bruyante, sonore, éclatante.

     Au son guerrier des bruyantes fanfares.
               Parny.

Ce ne sont point ici de ces guerres barbares
Où les accents du cor et le bruit des fanfares
Épouvantent au loin les hôtes des forêts.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III.

Le cor, pour éveiller les châteaux d'alentour,
Frappe et remplit les airs de bruyantes fanfares.
               Roucher, les Mois, ch. IX29.

Vers concernés : chant 3, vers 411-413

À l'article FEU. n. m., un vers de Delille est cité pour illustrer un emploi synecdotique de ce substantif. Voir aussi l'article ASSOUPIR.

     Feu signifie aussi le feu que l'on fait avec du bois ou autres matières combustibles. Dans les diverses acceptions de ce mot, les poètes emploient bien le pluriel pour le singulier.
     Vulcain, dieu du feu, est souvent pris pour le feu même.

Là grondait un volcan, ses feux sont assoupis.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III30.

Vers concerné : chant 3, vers 145

Déjà citée plusieurs fois (voir les articles BOTANISTE et DISCIPLE), la périphrase suivante illustre ici le nom de la déesse FLORE. n. pr. f.

     Pour les fleurs les poètes disent, par périphrases, les filles, les enfants, les élèves de Flore ; les présents, les dons, les trésors, la parure de Flore. Delille a dit les disciples de Flore pour les botanistes.

… L'air du matin, la fraîcheur de l'aurore,
Appèlent à l'envi les disciples de Flore31.

Vers concernés : chant 3, vers 419-420

Éludant le fait que Delille parle d'animaux empaillés, Carpendier cite dans l'article FOURRURE. n. f. le passage de L'Homme des champs où le poète mentionne son ancienne chatte Raton. Voir aussi les articles HERMINE, PEAU, POIL et QUEUE.

     En parlant d'une chatte, Delille a dit :

Là je voudrais te voir telle que je t'ai vue
De ta molle fourrure élégamment vêtue.
               L'Homme des champs, ch. III32.

Vers concernés : chant 3, vers 639-640

Deux passages de L'Homme des champs − les deux derniers extraits de la citation suivante − illustrent le mot GRAIN. n. m. Le premier est relatif à la description de l'avalanche ; Carpentier l'a déjà cité au mot AVALANCHE. Le second compte parmi les plus célèbres du poème de Delille : voir la page consacrée au vers "L'histoire de ce grain est l'histoire du monde".

     GRAIN. n. m. (grein). Syn. Blé, froment, seigle, orge, avoine. − Graine, pépin, semence. Epit. Nourricier, nourrissant, fécond, mûr, semé, germé, recueilli, maigre. Périph. La dépouille des guérets, des épis. Les dons nourriciers de Cérès (Vigée).

               Les trésors de Cérès
Inondent à grands flots les fertiles guérets,
Et ce grain, écrasé sous la meule bruyante,
Est pour nous d'aliments une source abondante.
               Dulard, les Merveilles de la Nature, ch. VII.

De Cérès aussitôt le trésor se déploie,
Le feu sèche leurs grains, et la pierre les broie.
               Delille, trad. de l'Enéide, liv. 1.

V. blé, froment.

Grain se dit des petites parcelles de certaines choses : grain de sable, de sel, de poudre à canon, etc.

Souvent un grand effet naît d'une faible cause,
Souvent sur ces hauteurs l'oiseau qui se repose
Détache un grain de neige, etc.
               Delille.

Ce marbre fut un roc, ce roc n'est plus qu'un grain,
Mais fils du temps, de l'air, de la terre, de l'onde,
L'histoire de ce grain est l'histoire du monde.
               Le même33.

Vers concernés : chant 3, vers 359-361 et 218-220

Cité au mot HAUTEUR. n. f., le passage suivant se retrouve également dans les articles DIEU et OUVRAGE.

Le vulgaire voit tout avec indifférence :
Des desseins du grand Être atteignant la hauteur,
Il ne sait point monter de l'ouvrage à l'auteur.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III.

Des hauteurs de sa gloire il (Dieu) rit de notre orgueil.
               Le même, trad. du Paradis perdu, ch. II34.

Vers concernés : chant 3, vers 4-6

La citation suivante, qui se trouve au mot HERBE. n. f., est extraite du passage de L'Homme des champs où Delille célèbre la richesse des végétaux, de l'arbre pompeux à l'herbe humble. Carpentier l'interrompt après le mot promenade, alors que la phrase continue dans le poème original. Les sept premiers vers cités, avant le blanc, ne proviennent pas de L'Homme des champs. Voir aussi l'article PEUPLE.

HERBE. n. f. Syn. Herbage, herbette. − Verdure, gazon. − Simples. − Vert, pâturage, pâture, pâtis, pacage. Epit. Verte, tendre, épaisse, molle drue, verdoyante, fleurie, naissante, rajeunie, vivace, languissante, altérée, aride, stérile, parasite, mourante, fanée, défleurie, sèche, flétrie, desséchée, champêtre, riante, touffue, crêpue, faible, fraîche, humide, marécageuse, menue, vile, aromatique, odorante, parfumée, fauchée, tondue, salutaire, propice, nuisible, mortelle, dangereuse, vénéneuse, empoisonnée, magique, merveilleuse, puissante, pressée, foulée.

La terre produit l'herbe, et l'herbe la dévore !
Enfant de la nature, elle étouffe ces plants
Qui pourtant ont puisé la vie aux mêmes flancs !
Ces tiges vont mourir ! c'en est fait ; l'herbe altière
Usurpe insolemment la sève nourricière,
Et par la force enfin, seul droit des oppresseurs,
Des bienfaits maternels déshérite ses sœurs.

Et les humbles tribus, le peuple immense d'herbes
Qu'effleure l'ignorant de ses regards superbes,
N'ont-ils pas leurs beautés et leurs bienfaits divers ?
Le même Dieu créa la mousse et l'univers.
De leurs secrets pouvoirs connaissez les mystères,
Leurs utiles vertus, leurs poisons salutaires :
Par eux autour de vous rien n'est inhabité,
Et même le désert n'est jamais sans beauté ;
Souvent pour visiter leurs riantes peuplades,
Vous dirigez vers eux vos douces promenades.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III.

Là, du gazon fleuri l'herbe tendre est foulée.
               Romet.

En achevant ces mots, sur cette infortunée
Elle répand le suc d'une herbe empoisonnée.
               Desaintange35.

Vers concernés : chant 3, vers 395-404

À l'article HERMINE. n. f., Carpentier emprunte à Delille un usage à la fois synecdotique et métaphorique de ce mot. Voir aussi les articles FOURRURE, PEAU, POIL et QUEUE.

     Il [le mot hermine] se dit aussi de la peau, de la fourrure de cet animal. Manteau doublé d'hermine.
      Il se prend même au figuré, et Delille a dit en parlant d'une chatte :

Là je voudrais te voir. . . . . . . . . .
Ou bien le dos en voûte et la queue ondoyante,
Offrir ta douce hermine à ma main caressante.
               L'Homme des champs36.

Vers concernés : chant 3, vers 639 et 647-648

Au mot HEURE. n. f., Carpentier cite deux vers du passage de L'Homme des champs sur la destruction d'Herculanum.

      Heure, joint aux adjectifs possessifs mon, ton, son, notre, votre, leur, se prend ordinairement pour le moment de la mort, la dernière heure : son heure est arrivée, est venue, c'est-à-dire, il est à l'article de la mort ; ton heure sonne, approche, signifie tu vas mourir.
     On dit encore, en ce sens, la dernière heure ou l'heure dernière, l'heure suprême, l'heure fatale, en omettant ou en joignant le qualificatif possessif.

[…]

L'autre paré de fleurs et la coupe à la main
A vu sa dernière heure et son dernier festin.
               Delille, L'Homme des champs, ch. III37.

Vers concernés : chant 3, vers 173-174

Le long article HYMEN et HYMÉNÉE. n. m. cite Delille à plusieurs reprises, et notamment pour un emploi métaphorique du mot hymen. Voir aussi l'article ARBRE.

     En vers, hymen se dit quelquefois au figuré pour l'accouplement des animaux, et par conséquent on appèle leurs enfants, leurs petits, les fruits de leur hymen.
     Il se dit même par métaphore en parlant des êtres moraux, des plantes, etc.

     […]

     Delille a dit en parlant des arbres et des fleurs :

Observez leurs couleurs, leurs formes, leurs penchants,
Leurs amours, leurs hymens.
               L'Homme des Champs, ch. III38.

Vers concernés : chant 3, vers 386-387

Delille est cité à l'article JET. n. m. Les mêmes vers sont repris aux articles LUMIÈRE, OMBRE et TEINTE.

     Il [le mot jet] signifie aussi projection, jaillissement, élancement. − Rayon.

[…]

Le peintre y (sur les rochers) vient chercher, sous des teintes sans nombre,
Les jets de la lumière et les masses de l'ombre.
               Delille, l'Homme des champs, ch. III39.

Vers concernés : chant 3, vers 307-308

Un vers isolé est cité à l'article LAVE. n. f.

     LAVE. n. f. Matière fondue qui sort des volcans dans le temps de l'éruption. Epit. Enflammée, ardente, embrasée, brûlante, bouillonnante, rapide, pétulante, impétueuse.

C'est ici que la lave en longs torrents coula.
               Delille40.

Vers concerné : chant 3, vers 149

Déjà cités au mot JET, les deux vers suivants sont repris à l'article LUMIÈRE. n. f. en vertu d'une périphrase. Voir encore OMBRE et TEINTE.

     Périph. Des jets, des traits, des rayons de lumière, un faisceau de lumière, des flots de lumière ; un torrent, des torrents de lumière ; un flux de lumière, un océan de lumière. − La clarté du jour, du soleil ; la lumière des cieux. C'est en ce dernier sens de lumière pour jour, que les poètes appèlent le Soleil, le dieu, le père de la lumière, qu'ils nomment les cieux, les airs, les champs de la lumière.

Le peintre y vient chercher, sous des teintes sans nombre,
Les jets de la lumière et les masses de l'ombre.
               Delille, l'Homme des champs. ch. III41.

Vers concernés : chant 3, vers 307-308

Une brève citation de L'Homme des champs illustre le verbe MÉDITER. v. tr. et intr.

               Quand l'oiseau semble encor,
Perché sur son rameau, méditer son essor.
               Delille, l'Homme des Champs. ch. III42.

Vers concernés : chant 3, vers 613-614

Dans l'article NASAL, ALE. adj., consacré aux voyelles nasales et à leur emploi dans la poésie, un vers de L'Homme des champs et deux vers de la traduction de L'Énéide sont présentés comme défectueux. Voir aussi la citation suivante.

     On ne peut nier que l'usage autorise la rencontre des voyelles devant les aspirations comme après les nasales, mais il est aussi incontestable que cette rencontre est une des plus grandes difformités de notre langue poétique ; et l'aspiration, loin d'adoucir le heurt des voyelles, le rend au contraire plus sensible ; ce n'est donc pas la réflexion seule qui fait trouver un hiatus dans le choc des voyelles nasales avec les voyelles simples, c'est au contraire l'habitude qui, en nous familiarisant en quelque sorte avec ces bâillements, fait que notre oreille les supporte avec moins de répugnance. Malgré l'autorité de l'usage, les vers suivants blesseront toujours une oreille délicate :

La grue au haut des airs naviguant sans boussole.
               Delille.

Tout le camp applaudit, et mille cris joyeux
D'Ascagne ont célébré l'essai victorieux.
               Le même43.

Vers concerné : chant 3, vers 528

Cité à l'article NASAL, ALE en vertu du hiatus qu'il contient, un vers de Delille réapparaît dans l'article NAVIGUER. v. intr., pour illustrer un emploi figuré.

[Delille] l'a employé [le verbe naviguer] au figuré :

La grue au haut des airs naviguant sans boussole.
               L'Homme des champs, ch. III44.

Vers concerné : chant 3, vers 528

L'Homme des champs est cité au mot OMBRE. n. f., à côté d'un autre poème de Delille : Les Jardins. Voir aussi les articles JET, LUMIÈRE et TEINTE.

     En termes de peinture, ombre se prend pour les couleurs obscures qui représentent, dans un tableau, les parties les moins éclairées ; c'est en ce sens que Delille a dit :

Le peintre y (sur les rochers) vient chercher, sous des teintes sans nombre,
Les jets de la lumière et les masses de l'ombre.
               L'Homme des Champs, ch. III

Ici, des troncs pressés rembrunissent leur ombre.
               Delille45.

Vers concernés : chant 3, vers 307-308

Après l'avalanche et l'éruption volcanique, c'est la description de la tempête que Carpentier cite dans l'article OURAGAN. n. m. L'Homme des champs est ici rattaché à l'esthétique du sublime. Voir aussi les articles BALAYER, PARURE, PLEURER. POUDRE, REFOULER et TOURMENTER.

     OURAGAN. n. m. Tempête violente, accompagnée de tourbillons. Syn. Orage, tempête, tourmente, bourrasque, vent impétueux. Épit. Noir -, terrible, épouvantable, affreux, fougueux, déchaîné, dévastateur.
     “L'ouragan, dit Raynal, est un vent furieux, le plus souvent accompagné de pluie, d'éclairs, de tonnerre, quelquefois de tremblements de terre, et toujours des circonstances les plus terribles, les plus destructrives que les vents puissent rassembler.”

Quand l'ouragan balancé dans les airs,
Comme un point noir se fixe sur nos têtes,
Si le taureau, de ses naseaux ouverts,
Semble aspirer la vapeur des tempêtes ;
Ou que la grue, au sejour des éclairs,
Sentant déjà la moiteur du nuage,
D'un cri d'effroi prophetise l'orage ;
Par ce signal averti du danger,
Je veux alors que le prudent berger
Ne cherche pas un lointain pâturage.
               Campenon.

Tantôt de l'ouragan c'est le cours furieux,
Terrible, il prend son vol, et, dans des flots de poudre,
Part, conduisant la nuit, la tempête et la foudre ;
Balaie en se jouant et forêt et cité,
Refoule dans son lit le fleuve épouvanté ;
Jusqu'au sommet des monts lance la mer profonde,
Et tourmente en courant les airs, la terre et l'onde :
De là sous d'autres champs ces champs ensevelis,
Ces monts changeant de place, et ces fleuves de lits ;
Et la terre sans fruits, sans fleurs et sans verdure
Pleure en habits de deuil sa riante parure.
               Delille, l'Homme des champs, ch. III46.

Vers concernés : chant 3, vers 122-132

Déjà cités à plusieurs reprises (voir les articles DIEU et HAUTEUR), trois vers illustrent le mot OUVRAGE. n. m.

Le vulgaire voit tout avec indifférence :
Des desseins du grand Être atteignant la hauteur,
Il ne sait point monter de l'ouvrage à l'auteur.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III47.

Vers concernés : chant 3, vers 4-6

À l'article PAPILLON. n. m., la deuxième des trois citations suivantes est issue du chant 3 de L'Homme des champs. Carpentier s'octroie la liberté de transformer significativement les vers de Delille, faisant d'un alexandrin un décasyllabe. Comme souvent, le grammairien emprunte à Delille des expressions métaphoriques ou périphrastiques qui évitent l'emploi du mot propre.

On croit voir du printemps s'assortir les couleurs,
Se nuancer l'iris et voltiger des fleurs.
               Trad. du Paradis perdu, liv. VII.

               Le fils de la chenille,
     Beau parvenu, honteux de sa famille.
               Le même.

. . . . . Brillant de pourpre et d'or,
L'hôte léger des fleurs prend son volage essor.
               Le même48.

Vers concernés : chant 3, vers 539-540

L'Homme des champs compte parmi les poèmes qui illustrent un emploi figuré du mot PARURE. n. m. (sic). Voir aussi les articles OURAGAN et PLEURER.

     On dit bien la parure des prés, des bois, des jardins, des bosquets, des parterres, etc., la parure de la nature, pour la verdure, les fleurs, les fruits, les arbres, etc., qui embellissent la nature et décorent les prairies, les bois, les jardins.

[…]

Et la terre sans fruits, sans fleurs et sans verdure
Pleure en habits de deuil sa riante parure.
               Delille, l'Homme des champs, ch. III49.

Vers concernés : chant 3, vers 131-132

Au mot PEAU. n. f., Carpentier cite une synecdoque de Delille. Voir aussi les articles FOURRURE, HERMINE, POIL et QUEUE.

     Les poètes disent bien la fourrure d'un animal velu, pour la peau dont il est revêtu. En parlant d'une belle chatte, Delille a dit :

Là je voudrais te voir telle que je t'ai vue,
De ta molle fourrure élégamment vêtue50.

Vers concernés : chant 3, vers 639-640

À l'article PEUPLE. n. m., Delille est cité parmi les poètes qui étendent ce terme aux animaux et aux végétaux. Voir aussi l'article HERBE.

     Dans la langue poétique l'usage du mot peuple n'est pas borné à l'espèce humaine, il s'étend figurément non-seulement aux animaux, mais même aux végétaux et aux choses inanimées ; les poètes disent le peuple bêlant, le peuple des bergeries, pour les moutons ; le peuple des oiseaux, le peuple ailé des airs, des bois, pour les oiseaux ; le peuple des abeilles, des frelons, pour les abeilles, les frelons ; le peuple écaillé, le peuple muet des mers, pour les poissons ; le peuple coassant, pour les grenouilles. La Fontaine a dit le peuple souriquois, pour les souris ; le peuple des fleurs, pour les fleurs, etc. M. Castel a dit un peuple d'arbres verts.

[…]

Et les humbles tribus, le peuple immense d'herbes
Qu'effleure l'ignorant de ses regards superbes,
N'ont-ils pas leurs beautés et leurs bienfaits divers ?
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III51.

Vers concernés : chant 3, vers 395-397

À l'article PLANTE. n. f., un vers de Delille illustre une périphrase poétique. Voir aussi les mots BOTANISTE et VÉGÉTAL.

[…] Périph. Le suc des plantes, la vertu des plantes. Pour les plantes on dit, le règne végétal, le monde végétal ; des jardins les tendres nourrissons.

Du règne végétal les nourrissons nombreux.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III52.

Vers concerné : chant 3, vers 422

Déjà cités (voir les articles OURAGAN et PARURE), deux vers de Delille illustrent l'emploi transitif du verbe PLEURER. v. intr.

     Pleurer est aussi transitif, et se dit des personnes et des choses. Syn. Déplorer, plaindre, gémir sur. − Regretter, plaindre la perte, donner des larmes à…., accorder des regrets à…

[…]

Et la terre sans fruits, sans fleurs et sans verdure,
Pleure en habits de deuil sa riante parure.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III53.

Vers concernés : chant 3, vers 131-132

Carpentier cite souvent le passage de L'Homme des champs relatif à la chatte Raton de Delille. C'est notamment le cas à l'article POIL. n. m. Voir aussi les articles FOURRURE, HERMINE, PEAU et QUEUE.

     En parlant de tout le poil qui couvre certains animaux, on pourra prendre pour synonyme fourrure, hermine, toison. C'est ainsi que Delille a dit en s'adressant à sa chatte chérie :

Là je voudrais te voir. . . . . . . .
Ou bien le dos en voûte et la queue ondoyante
Offrir ta douce hermine à ma main caressante.
               L'Homme des champs54.

Vers concernés : chant 3, vers 639 et 647-648

En vertu d'une métaphore, le passage sur l'ouragan est cité au mot POUDRE. n. f.. Voir aussi l'article OURAGAN.

     POUDRE. n. f. Syn. Poussière, cendre. Epit. Légère, subtile, déliée, épaisse, obscure, éblouissante. Périph. Un tourbillon de poudre, des flots de poudre, des tourbillons poudreux. (Baour-Lormian et Delille.)

[…]

Tantôt de l'ouragan c'est le cours furieux,
Terrible il prend son vol, et, dans des flots de poudre
Part, conduisant la nuit, la tempête et la foudre.
               L'Homme des Champs, ch. III55.

Vers concernés : chant 3, vers 122-124

Souvent cité (FOURRURE, HERMINE, PEAU, POIL), le passage sur l'ancienne chatte de Delille est repris à l'article QUEUE. n. f..

     QUEUE. n. f. (keû-e). La partie de l'animal qui est au bout de l'épine du dos. Epit. Longue -, coupée, baissée, pendante, ondoyante, traînante.

[…]

J'aime à lui voir (à voir à la genisse)……
Menacer de la corne, et, dans sa marche altière,
D'une queue à longs crins balayer la poussière.
               Delille, trad. des Géorgiques, liv. III.

Là je voudrais te voir. . . . . . .
Ou bien le dos voûté et la queue ondoyante,
Offrir ta douce hermine à ma main caressante.
               L'Homme des Champs56.

Vers concernés : chant 3, vers 639 et 647-648

Un vers isolé illustre le mot REFLET. n. m.

L'union, les reflets et le jeu des couleurs.
               Delille57.

Vers concerné : chant 3, vers 13

Le passage sur l'ouragan est repris pour illustrer un emploi figuré du verbe REFOULER. v. tr. Voir aussi les articles BALAYER et OURAGAN.

     REFOULER. v. tr. Fouler de nouveau. Il est beau au figuré dans le sens de faire refluer.

L'ouragan. . . . . . . . . . . .
Balaye en se jouant et forêt et cité ;
Refoule dans son lit le fleuve épouvanté.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III58.

Vers concernés : chant 3, vers 122 et 125-126

Au mot ROMANTIQUE. adj., Carpentier rédige un court article sur cette notion qui caractérisera bientôt la littérature de la nouvelle génération. Il en retient le sens que le 18e siècle lui a attribué, à la suite notamment de Jean-Jacques Rousseau dans Les Rêveries du promeneur solitaire. Delille est cité à côté d'un poète peu connu, Armand Charlemagne (1753-1838), et d'un poète qu'on a parfois considéré comme un précurseur du romantisme : Charles-Julien Lioult de Chênedollé (1769-1833).

     ROMANTIQUE. adj. des deux genr. Il se dit ordinairement des lieux, des paysages qui rappèlent à l'imagination les descriptions des poèmes et des romans. Il se prend toujours en bonne part. On peut le mettre avant le nom, lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent. Aspect romantique, ces romantiques contrés [sic].

Qui de vous ne connaît ces séjours romantiques,
Ces palais enchantés, et ces châteaux magiques,
Que l'épique poète, habile ordonnateur,
Élève en un clin d’œil dans son vers créateur.
               Armand Charlemagne, les deux Bossus, comte.

Tout enchante à mes yeux ce site romantique.
               Chênedollé, le Génie de l'Homme, ch. II.

Quels sublimes aspects, quels tableaux romantiques.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III59.

Vers concerné : chant 3, vers 304

Seul auteur cité à l'article TARIÈRE. n. f., Delille est loué d'avoir su ennoblir cet outil en l'utilisant dans une perspective métaphorique.

     TARIÈRE. n. f. (ta-riè-re). Outil de fer dont on se sert pour faire des trous. Ce mot au propre, ne paraît guère propre à entrer dans la langue poétique. Delille a su l'ennoblir en l'employant figurément, en parlant des insectes :

Montrez-moi ces fuseaux, ces tarières, ces dards,
Armes de vos combats, instruments de vos arts.
               L'Homme des Champs, ch. III60.

Vers concernés : chant 3, vers 565-566

Delille est cité au mot TEINTE. n. f. Voir aussi les articles JET, LUMIÈRE et OMBRE

     TEINTE. n. f. Degré de la couleur, de la nuance, du coloris. Epit. Légère, adoucie, affaiblie, délicate, riante, sombre.

Le peintre y vient chercher, sous des teintes sans nombre,
Les jets de la lumière et les masses de l'ombre.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III61.

Vers concernés : chant 3, vers 307-308

Trois vers de Delille illustrent le mot TOURBILLONNER. v. intr.

Vous, insectes sans nombre, ou volants ou sans aile,
Qui rampez dans les champs, sucez les arbrisseaux,
Tourbillonnez dans l'air, ou jouez sur les eaux.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III62.

Vers concernés : chant 3, vers 536-538

L'Homme des champs est également cité au mot TOURMENTER. v. tr. Cependant, le syntagme “fougueux ouragan” ne se trouve pas dans le poème de Delille. Voir aussi l'article OURAGAN.

Le fougueux ouragan. . . . . . . . . . . .
Jusqu'au sommet des monts lance la mer profonde,
Et tourmente, en courant, les airs, la terre et l'onde.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III63.

Vers concernés : chant 3, vers 128-129

Carpentier reprend à l'article VÉGÉTAL, ALE. adj. un vers de Delille déjà cité aux mots BOTANISTE et PLANTE.

Du règne végétal les nourrissons nombreux.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III64.

Vers concerné : chant 3, vers 422

C'est encore une expression figurée que Carpentier emprunte à Delille au mot VOLCAN. n. m. À noter que Delille côtoie ici un de ses détracteurs les plus virulents : Pierre-Jean-Baptiste Chaussard (1766-1823).

     Volcan se dit au figuré dans le sens de commotion violente.

Emblême trop frappant des ardeurs turbulentes
Dans le volcan de l'ame incessamment brûlantes.
               Delille, l'Homme des Champs, ch. III.

Rallumer le volcan de nos affreux discords.
               Chaussard65.

Vers concerné : chant 3, vers 139-140

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Auteur de la page — Timothée Léchot 2017/02/08 01:00
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/07 14:23


1 “Avis du libraire”, in Louis Carpentier, Le Gradus français, ou Dictionnaire de la langue poétique, précédé d'un nouveau traité de la versification française et suivi d'un nouveau dictionnaire des rimes, Paris, Alexandre Johanneau, 1822, s. p.
2 Voir ci-dessous, les citations 2 et 36.
3 Jacques Delille, Les Géorgiques de Virgile, traduction nouvelle en vers françois, enrichie de Notes & de Figures ; Par M. Delille, Professeur de l'Université de Paris, au College de la Marche, Paris, C. Bleuet, 1770, p. 24.
4 Id., p. 26.
5 Id., p. 27-28.
6 Liv. II, chap. 7. Paris, 1549. (Note de l'auteur.)
7 Charpentier cite ici les Solutions grammaticales (1808) de François-Urbain Domergue.
8 Louis Carpentier, op. cit., p. 42-43.
9 Id., p. 51.
10 Id., p. 102.
11 Id., p. 121.
12 Id., p. 141.
13 Id., p. 143.
14 Id., p. 152.
15 Id., p. 160.
16 Id., p. 170.
17 Id., p. 185.
18 Id., p. 199.
19 Id., p. 210.
20 Id., p. 234.
21 Id., p. 247-248.
22 Id., p. 255.
23 Id., p. 306.
24 Id., p. 336.
25 Id., p. 404.
26 Id., p. 406.
27 Ibid.
28 Id., p. 429.
29 Id., p. 485.
30 Id., p. 493.
31 Id., p. 510.
32 Id., p. 524.
33 Id., p. 562.
34 Id., p. 582.
35 Id., p. 587.
36 Id., p. 591.
37 Id., p. 595.
38 Id., p. 616.
39 Id., p. 658.
40 Id., p. 685.
41 Id., p. 706.
42 Id., p. 738.
43 Id., p. 794-795.
44 Id., p. 797.
45 Id., p. 833.
46 Id., p. 854-855.
47 Id., p. 857.
48 Id., p. 867.
49 Id., p. 881.
50 Id., p. 891.
51 Id., p. 908-909.
52 Id., p. 928.
53 Id., p. 929.
54 Id., p. 942.
55 Id., p. 951.
56 Id., p. 985.
57 Id., p. 997.
58 Ibid.
59 Id., p. 1020.
60 Id., p. 1083.
61 Id., p. 1085.
62 Id., p. 1102.
63 Id., p. 1103.
64 Id., p. 1129.
65 Id., p. 1148.