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Rodolphe Töpffer, Mélanges

Paru en 1852, soit six ans après la mort de Rodolphe Töpffer, Mélanges rassemble divers écrits de l'écrivain et dessinateur suisse. Cette page se concentre sur un article intitulé “De la partie pittoresque des voyages de De Saussure” rédigé en 1834. Il s'agit en même temps d'un virulent pamphlet contre le tourisme de masse et d'une célébration des oeuvres naturalistes de Saussure, représentant d'une approche sincère et authentique des Alpes bien-aimée de Töpffer. Cet article a aussi été publié en préface de l'ouvrage de Saussure.

Dans “De la partie pittoresque des voyages de De Saussure” Töpffer dénonce la “mystification” ( pp. 96-97) dont sont victimes les Alpes. Il déplore les dégâts du tourisme sur le paysage ainsi que sur les traditions de la Suisse, autrefois encore « belle et pudique vierge, solitaire et sauvage, dont les appas, ignorés de la foule, faisaient battre le coeur de quelques vrais amants » (p. 100), désormais avilie par le capitalisme et la mode du pittoresque. Töpffer enchaîne sur le tourisme littéraire dans une parodie acerbe:

Mais le poète, mais l’artiste! … Remarquez d’abord: ces messieurs viennent pour chanter, pour peindre; […]. Aussi les voilà que, tout frais débarqués, ils s’inquiètent (j’en parie) de n’être plus frappés, renversés; sans connaissance de ces lieux, ils s’occupent déjà plus (j’en parie) de savoir ce qu’ils vont en dire, que d’apprendre à les connaître; sans seulement avoir conquis, en gravissant ces hauteurs à la sueur de leur front, ce vif plaisir d’une innocente conquête, ce contentement expansif des montagnes, le cerveau creux, le coeur vide, les voilà qui s’apprêtent!… Alors l’épithète arrive; j’entends l’apostrophe, je vois la métaphore, … Muse… Muse…, et la Muse vient, et notre ami chante. Il chante creux, il chante vide; beau son, rien d’autre.1.

Delille est présenté, avec Fontanes, comme exemple de toc poétique:

Ecoutez le grand, l’habile arrangeur d’hémistiches, Delille:

      Salut, pompeux Jura! terrible Mont-Envers!
      De neiges, de glaçons, entassements énormes,
      Du temple des frimas colonnades informes,
      Prismes éblouissants, dont les pans azurés,
      Défiant le soleil, dont ils sont colorés,
      Peignent de pourpre et d’or leur éclatante masse;
      Tandis que, triomphant sur son trône de glace,
      L’Hiver s’enorgueillit de voir l’astre du jour
      Embellir son palais et décorer sa cour.


De l’esprit, des tours ingénieux, infiniment de métier, du faux à poignées, et de la poésie point. Pas si naïf pourtant que l’autre [Fontanes] avec son: qu’entends-je? Il aurait pu mettre: ô ciel! ou encore: que vois-je? 2.


Vers concerné : chant 3, vers 342-350.

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Auteur de la page — Sophie Christe 2017/10/24 21:53


1 Rodolphe Töpffer, “De la partie pittoresque des voyages de De Saussure”, Mélanges, Paris, J. Cherbuliez, 1852, pp. 106-107.
2 Rodolphe Töpffer, “De la partie pittoresque des voyages de De Saussure”, Mélanges, Paris, J. Cherbuliez, 1852, p. 107.