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L. T., F. M. et P. M, Petit Manuel du botaniste et de l'herboriste

Signé par trois figures non identifiées, L. T., F. M. et P. M., qui se déclarent également, en page de titre, auteurs d'un Nouveau traité de littérature française, cet ouvrage élémentaire sur les sciences des végétaux paraît en 1852 à Metz1, avant de connaitre l'année suivante une seconde édition, suivie ici2.

Destiné aux maisons d'instruction publique, le manuel est précédé d'un paratexte qui l'associe étroitement aux milieux éducatifs catholiques.

L'Homme des champs est convoqué pour clore le deuxième chapitre de l'ouvrage, consacré à la classification des végétaux. Après un long exposé taxinomique et des conseils sur la préparation des herbiers, les auteurs dressent la liste des instruments que le botaniste doit se procurer, puis ils annoncent :

Maintenant, pour rompre un peu la monotonie de toutes ces définitions, de toutes ces règles et préceptes, terminons ce chapitre par une charmante pièce de vers de notre illustre poëte Delille.

Et les humbles tribus, le peuple immense d’herbes
Qu’effleure l’ignorant de ses regards superbes,
N’ont-ils pas leurs beautés et leurs bienfaits divers ?
Le même Dieu créa la mousse et l’univers.
De leurs secrets pouvoirs connaissez les mystères,
Leurs utiles vertus, leurs poisons salutaires :
Par eux autour de vous rien n’est inhabité,
Et même le désert n’est jamais sans beauté ;
Souvent, pour visiter leurs riantes peuplades,
Vous dirigez vers eux vos douces promenades.
Et voulez-vous encore embellir le voyage ?
Qu’une troupe d’amis avec vous le partage ;
La peine est plus légère et le plaisir plus doux :
Le jour vient, et la troupe arrive au rendez-vous.
Ce ne sont point ici de ces guerres barbares
Où les accents du cor et le bruit des fanfares
Épouvantent de loin les hôtes des forêts ;
Paissez, jeunes chevreuils, sous vos ombrages frais ;
Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes
Ont pour objets les fleurs, les arbres, et les plantes ;
Et des prés et des bois, et des champs et des monts,
Le portefeuille avide attend déjà les dons.
On part, l’air du matin, la fraîcheur de l’aurore
Appellent à l’envi le disciple de Flore.
Jussieu marche à leur tête ; il parcourt avec eux
Du règne végétal les nourrissons nombreux.
Pour tenter son savoir quelquefois leur malice
De plusieurs végétaux compose un tout factice ;
Le sage l’aperçoit, sourit avec bonté,
Et rend à chaque plant son débris emprunté.
Chacun dans sa recherche à l’envi se signale :
Étamine, pistil, et corolle, et pétale,
On interroge tout. Parmi ces végétaux
Les uns vous sont connus, d’autres vous sont nouveaux :
Vous voyez les premiers avec reconnaissance,
Vous voyez les seconds des yeux de l’espérance ;
L’un est un vieil ami qu’on aime à retrouver,
L’autre est un inconnu que l’on doit éprouver.
Et quel plaisir encor lorsque des objets rares,
Dont le sol, le climat, et le ciel sont avares,
Rendus par votre attente encor plus précieux,
Par un heureux hasard se montrent à vos yeux3.

Vers concernés : chant 3, vers 395-404 et 407-438.

Le fragment poétique sert donc ici de pause plaisante, récompense offerte au lecteur après des pages plus arides. Mais il ne s'agit pas d'un cas isolé. Comme nombre de traités de vulgarisation similaires, le Petit manuel est truffé, pour ses sections botaniques, de tels inclusions versifiées, puisées chez Delille et ses contemporains, tels Arnault, Michaud, Castel et Boisjolin. En revanche, ce dispositif disparaît dans les chapitres ultérieurs, qui s'ouvrent à des matières médicales.

  • Accès à la numérisation du texte : Gallica.

Auteur de la page — Hugues Marchal 2020/05/16 15:06


1 D'après la Bibliographie de la France, ou Journal général de l'imprimerie et de la librairie, 19 juin 1852, p. 363.
2 L. T., F. M. et P. M., Petit Manuel du botaniste et de l'herboriste accompagné de planches explicatives et suivi de quelques principes de médecine, de pharmacie, d'hygiène et d'économie domestique […]. Deuxième édition, Metz, Typographie de Gangel, éditeur, 1853.
3 Id., p. 52-53.