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Fontanes, "L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises, poëme en quatre chants" (Paris pendant…)

Cet article élogieux d'analyse littéraire paraît dans le numéro CCXII (30 septembre 1800) du périodique Paris pendant l'année 1800. Il avait déjà été publié dans un autre périodique, le Mercure de France1, en 1799.

On note que Fontanes a choisi de sauter un passage de douze vers décrivant l'émotion ressentie lors de la cueillette.

     Et voulez-vous encore embellir le voyage ?
     Qu’une troupe d’amis avec vous le partage :
     La peine est plus légère et le plaisir plus doux.
     Le jour vient, et la troupe arrive au rendez-vous.
     Ce ne sont point ici de ces guerres barbares,
     Où les accens du cor et le bruit des fanfares
     Épouvantent de loin les hôtes des forêts.
     Paissez, jeunes chevreuils, sous vos ombrages frais ;
     Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes
     Ont pour objet les fleurs, les arbres et les plantes ;
     Et des prés et des bois, et des champs et des monts
     Le porte-feuille avide attend déjà les dons.
     On part : l’air du matin, la fraîcheur de l’aurore
     Appellent à l’envi les disciples de Flore.
     Jussieu marche à leur tête ; il parcourt avec eux
     Du règne végétal les nourrissons nombreux.
     Pour tenter son savoir quelquefois leur malice
     De plusieurs végétaux compose un tout factice.
     Le sage l’aperçoit, sourit avec bonté,
     Et rend à chaque plant son débris emprunté.
     Chacun dans sa recherche à l’envi se signale ;
     Etamine, pistil, et corolle et pétale,
     On interroge tout. Parmi ces végétaux
     Les uns vous sont connus, d’autres vous sont nouveaux
     Vous voyez les premiers avec reconnoissance,
     Vous voyez les seconds des yeux de l’espérance ;
     …………………………………………
     Mais le besoin commande : un champêtre repas,
     Pour ranimer leur force, a suspendu leurs pas ;
     C’est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades.
     Bacchus se rafraîchit dans les eaux des Nayades.
     Des arbres pour lambris, pour tableaux l’horison,
     Les oiseaux pour concert, pour table le gazon !
     Le laitage, les œufs, l’abricot, la cerise,
     Et la fraise des bois, que leurs mains ont conquise,
     Voilà leurs simples mets ; grâce à leurs doux travaux
     Leur appétit insulte à tout l’art des méots.
     On fête, on chante Flore et l’antique Cybèle,
     Eternellement jeune, éternellement belle.
     Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés,
     Par la mode introduits, par la mode emportés ;
     Mais la grandeur d’un dieu, mais sa bonté féconde,
     La nature immortelle et les secrets du monde.
     La troupe enfin se lève ; on vole de nouveau
     Des bois à la prairie, et des champs au coteau ;
     Et le soir dans l’herbier, dont les feuilles sont prêtes,
     Chacun vient en triomphe apporter ses conquêtes2.

Vers concernés : chant 3, vers 407-464

     Vous-mêmes dans ces lieux vous serez appelés,
     Vous le dernier degré de cette grande échelle,
     Vous, insectes sans nombre, ou volans ou sans aile,
     Qui rampez dans les champs, sucez les arbrisseaux,
     Tourbillonnez dans l’air, ou jouez sur les eaux.
          Là je place le ver, la nymphe, la chenille ;
     Son fils, beau parvenu, honteux de sa famille ;
     L’insecte de tout rang et de toutes couleurs,
     L’habitant de la fange, et les hôtes des fleurs ;
     Et ceux qui, se creusant un plus secret asile,
     Des tumeurs d’une feuille ont fait leur domicile ;
     Le ver rongeur des fruits, et le ver assassin,
     En rubans animés vivant dans notre sein.
     J’y veux voir de nos murs la tapissière agile,
     La mouche qui bâtit, et la mouche qui file ;
     Ceux qui d’un fil doré composent leur tombeau,
     Ceux dont l’amour dans l’ombre allume le flambeau ;
     L’insecte dont un an borne la destinée ;
     Celui qui naît, jouit et meurt dans la journée,
     Et dont la vie au moins n’a pas d’instans perdus.
     Vous tous, dans l’univers en foule répandus,
     Dont les races sans fin, sans fin se renouvellent,
     Insectes, paroissez, vos cartons vous appellent.
     Venez avec l’éclat de vos riches habits,
     Vos aigrettes, vos fleurs, vos perles, vos rubis,
     Et ces fourreaux brillans, et ces étuis fidèles,
     Dont l’écaille défend la gaze de vos ailes ;
     Ces prismes, ces miroirs, savamment travaillés ;
     Ces yeux qu’avec tant d’art la nature a taillés,
     Les uns semés sur vous en brillans microscopes,
     D’autres se déployant en de longs télescopes.
     Montrez-moi ces fuseaux, ces tarrières, ces dards,
     Armes de vos combats, instrumens de vos arts,
     Et les filets prudens de ces longues antennes,
     Qui sondent devant vous les routes incertaines.
     Que j’observe de près ces clairons, ces tambours,
     Signal de vos fureurs, signal de vos amours,
     Qui guidoient vos héros dans les champs de la gloire,
     Et sonnaient le danger, la charge et la victoire ;
     Enfin tous ces ressorts, organes merveilleux,
     Qui confondent des arts le savoir orgueilleux,
     Chefs-d’œuvres d’une main en merveilles féconde,
     Dont un seul prouve un dieu, dont un seul vaut un monde.

Il n'est presque pas un seul de ces vers qui n'offre un modèle d'élégance et de précision dans le genre technique, et qui ne soit une conquête pour la versification Française. Celui qui termine le morceau est sublime3.

Vers concernés : chant 3, vers 534-576

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Auteur de la page — Sophie Christe 2017/04/11 19:59


1 «Mercure de France», Volume 1, Paris, an VIII (calendrier révolutionnaire), pp. 409-435
2 Jean-Gabriel Peltier, Paris pendant l'année 1800, Volume 28, Hatton-Garden, T. Baylis, 1800, pp. 290-291.
3 Jean-Gabriel Peltier, Paris pendant l'année 1800, Volume 28, Hatton-Garden, T. Baylis, 1800, pp. 292-293.