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Anonyme, "L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises, par M. l'Abbé Delille. Second extrait"

Cet analyse littéraire apparaît dans le numéro CCXI (15 septembre 1800) du périodique Paris pendant l'année 1800. Non signée, elle se présente comme la suite d'un article paru deux semaines plus tôt dans le même périodique.

Dans cet article, l'auteur ne cache pas son enthousiasme devant le chant 3 de L'Homme des champs: “Si nous osons juger avec sévérité la fin du second chant, en revanche nous avouons que nous manquons d'expressions pour rendre la surprise et l'admiration que la totalité du troisième chant nous a causées. C'est un des plus beaux discours de Buffon sur la théorie de la terre, traduit et commenté dans les plus beaux vers que la langue ait pu produire”1.

Nous nous contenterons de trois citations pour ce chant.

     Effets des volcans. Catastrophe d'Herculanum.

     C’est ici que la lave en longs torrens coula ;
     Voici le lit profond où le fleuve roula,
     Et plus loin à longs flots sa masse répandue
     Se refroidit soudain et resta suspendue.
     Dans ce désastre affreux quels fleuves ont tari !
     Quels sommets ont croulé, quels peuples ont péri !
     Les vieux âges l’ont su, l’âge présent l’ignore ;
     Mais de ce grand fléau la terreur dure encore.
     Un jour, peut-être, un jour, les peuples de ces lieux
     Que l’horrible volcan inonda de ses feux,
     Heurtant avec le soc des restes de murailles,
     Découvriront ce gouffre, et, creusant ses entrailles,
     Contempleront au loin avec étonnement
     Des hommes et des arts ce profond monument ;
     Cet aspect si nouveau des demeures antiques ;
     Ces cirques, ces palais, ces temples, ces portiques ;
     Ces gymnases du sage autrefois fréquentés,
     D’hommes qui semblent vivre encor tout habités :
     Simulacres légers, prêts à tomber en poudre,
     Tous gardant l’attitude où les surprit la foudre ;
     L’un enlevant son fils, l’autre emportant son or,
     Cet autre ses écrits, son plus riche trésor ;
     Celui-ci dans ses mains tient son dieu tutélaire ;
     L’autre, non moins pieux, s’est chargé de son père ;
     L’autre, paré de fleurs et la coupe à la main,
     A vu sa dernière heure et son dernier festin2.

Vers concernés : chant 3, vers 149-174

La deuxième citation suit immédiatement la première dans le texte.

                    Eaux minérales.

     Dirai-je ces ruisseaux, ces sources, ces fontaines,
     Qui de nos corps souffrans adoucissent les peines ?
     Là, de votre canton doux et tristes tableaux,
     La joie et la douleur, les plaisirs et les maux,
     Vous font chaque printemps leur visite annuelle :
     Là, mêlant leur gaîté, leur plainte mutuelle,
     Viennent de tous côtés, exacts au rendez-vous,
     Des vieillards éclopés, un jeune essaim de foux.
     Dans le même salon là viennent se confondre
     La belle vaporeuse et le triste hypocondre :
     Lise y vient de son teint rafraîchir les couleurs ;
     Le guerrier, de sa plaie adoucir les douleurs ;
     Le gourmand, de sa table expier les délices.
     Au dieu de la santé tous font leurs sacrifices.
     Tous, lassant de leurs maux valets, amis, voisins,
     Veulent être guéris, mais surtout être plaints.
     Le matin voit errer l’essaim mélancolique ;
     Le soir, le jeu, le bal, les festins, la musique,
     Mêlent à mille maux mille plaisirs divers :
     On croit voir l’Elysée au milieu des enfers3.

Vers concernés : chant 3, vers 279-298

Cette troisième citation suit, à son tour, immédiatement la deuxième.

          Description d'une Avalanche.

     Souvent un grand effet naît d’une faible cause.
     Souvent sur ces hauteurs l’oiseau qui se repose
     Détache un grain de neige. à ce léger fardeau
     Des grains dont il s’accroît se joint le poids nouveau ;
     La neige autour de lui rapidement s’amasse ;
     De moment en moment il augmente sa masse :
     L’air en tremble, et soudain, s’écroulant à la fois,
     Des hivers entassés l’épouvantable poids
     Bondit de roc en roc, roule de cime en cime,
     Et de sa chute immense ébranle au loin l’abyme.
     Les hameaux sont détruits, et les bois emportés ;
     On cherche en vain la place où furent les cités,
     Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
     Avant d’être frappés, les voyageurs succombent.
     Ainsi quand des excès, suivis d’excès nouveaux,
     D’un état par degrés ont préparé les maux,
     De malheur en malheur sa chute se consomme ;
     Tyr n’est plus, Thèbes meurt, et les yeux cherchent Rome !
     O France, ô ma patrie ! ô séjour de douleurs !
     Mes yeux à ces pensers se sont mouillés de pleurs.

Que cette finale est touchante! quels yeux ne se remplissent pas en la lisant des mêmes larmes que l'auteur a répandues en la composant!4

Vers concernés : chant 3, vers 359-378

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Auteur de la page — Sophie Christe 2017/04/11 19:19


1 Peltier, Jean-Gabriel: «Paris pendant l’année 1800», Volume 28, T. Baylis, Hatton-Garden, 30 août 1800, p. 151.
2 Jean-Gabriel Peltier, Paris pendant l'année 1800, Volume 28, Hatton-Garden, T. Baylis, 1800, p. 152.
3 Jean-Gabriel Peltier, Paris pendant l'année 1800, Volume 28, Hatton-Garden, T. Baylis, 1800, p. 153.
4 Jean-Gabriel Peltier, Paris pendant l'année 1800, Volume 28, Hatton-Garden, T. Baylis, 1800, pp. 153-154.