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Fortis, Amélie ou Voyage à Aix-les-Bains et aux environs

Dans Amélie ou Voyage à Aix-les-Bains et aux environs, François-Marie de Fortis cherche à intéresser ses lecteurs1 à l’histoire, aux lieux et aux mœurs de la région d’Aix-les-Bains. Fruit selon lui de la commande d’une comtesse qu’il aurait rencontrée à Aix, son livre devra mêler vulgarisation scientifique, art de la description et poésie. La comtesse, nommée Amélie, lui aurait en effet demandé de rédiger un ouvrage composite, mêlant instruction, amusement et émotions : « Je voudrais donc quelque chose qui n’appartînt ni à la médecine, ni à la chimie, ni à l’histoire naturelle, ni à l’archéologie (je crois que c’est le mot dont vous vous servez), et où l’on trouve cependant de tout cela. J’ai un goût décidé pour le dessin, et ces vallées offrent de magnifiques sujets d’études ; j’aime aussi à méditer sur ces grandes pages de la nature si riches de poésie : et cependant je ne voudrais ni un poème, ni un simple album. En un mot vous devez me comprendre : je désirerais un journal de tout ce qui m’aura intéressée, et de tout ce qui peut m’amuser, avec quelque peu d’instruction parmi » (p. 26). Le livre de Fortis se caractérise ainsi par son caractère hétéroclite : épître en prose en guise de préface, digressions scientifiques à vocation didactique, descriptions pittoresques, passages relevant du genre de la physiologie, imitation fantasque de Rabelais, citations de vers de Thomson, de Virgile ou de Delille pour sublimer un passage descriptif, insertion de notes scientifiques, l'ouvrage de Fortis est un voyage littéraire autant que topographique.

Fortis confère à son livre un caractère poétique en y insérant des vers de son cru (voir par exemple t. I, p. 88) et en citant des extraits de divers poètes (Virgile, Thomson, Milton, mais surtout Delille). Il cite le début du passage sur l’herborisation tiré du chant III de L’Homme des champs dans l’épigraphe du chapitre intitulé « Le château de Bonport » :

Chapitre XIX.

Chateau de Bonport

Et voulez-vous encore embellir le voyage ?
Qu’une troupe d’amis avec vous le partage
La peine est plus légère et le plaisir plus doux2.

Outre le fait qu’ils constituent un marqueur de poéticité, les vers de Delille ont pour ici charge d’annoncer le thème abordé par Fortis dans ce chapitre : la promenade entre amis. Dans le même chapitre, Fortis cite d’autres vers de Delille (tirés cette fois des Trois Règnes de la nature) pour magnifier une description. Delille est manifestement une référence majeure pour l’auteur du Voyage à Aix-les-Bains, car ses vers se trouvent encore cités dans cinq autres passages de l’œuvre, ce qui fait de Delille le poète auquel Fortis fait le plus appel pour enrichir ses volumes. Fortis a une connaissance étendue de l’œuvre de Delille, puisqu’il cite des extraits de quatre œuvres différentes (L’Homme des champs (une fois), Les Jardins (trois fois), Les Trois Règnes de la nature (deux fois) et Les Géorgiques (une fois)).

Vers concernés : chant 3, vers 407-409

Accès à la numérisation du texte : Gallica.


Nicolas Leblanc 2017/03/26 15:26


1 En l’occurrence surtout ses lectrices. Fortis ne cache pas qu’il écrit avant tout pour un public féminin : « Pour vous, mes belles et aimables lectrices, vous que le printemps ramène dans l’heureux séjour que j’ai décrit et qui en êtes le plus gracieux ornement, c’est à vous que je confie le destin de ces feuilles » (p. 52).
2 François-Marie de Fortis, Amélie ou Voyage à Aix-les-Bains et aux environs, Turin, Pic, 1829, t.II, p. 137.