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Charles Joseph Colnet du Ravel, « L'Homme des Champs » (Journal de l'opposition)

Propriété du satirique royaliste Colnet du Ravel, le Journal de l'opposition publie en 1800 une recension positive de L'Homme des champs1. S'il reconnaît que le poème n'est pas exempt de quelques défauts, Colnet s'efforce de défendre Delille contre ses détracteurs, les prenant parfois à parti. Selon lui, l'oeuvre réunit tant de beautés qu'elle ne peut qu'emporter l'adhésion.

Colnet débute son article en revenant sur le succès inouï que connaît L'Homme des champs. L'ouvrage de Delille plaît ainsi aussi bien aux lettrés qu'aux amatrices de madrigaux galants, et touche toutes les tranches d'âge :


      Toutes les éditions s'épuisent avec une rapidité incroyable. Ceux qui ont fait quelques études (dans un tems où l'on étudioit), l'ont déjà lu plusieurs fois, et le relisent encore avec un plaisir nouveau. Ceux qui ne lisent aucun livre, achètent l'Homme des Champs, et veulent passer pour l'avoir lu : il est dans les mains des vieillards, il est dans celle des enfants; les femmes même, qui n'aiment que les madrigaux composés en leur faveur, ont placé les Georgiques françaises sur leurs toilettes 2

Selon Colnet, l'accueil prodigieux que le public réserve à L'Homme des champs peut s'expliquer de deux manières :

  • Une éclaircie dans la médiocrité ambiante

Dans l'esprit de Colnet, la révolution a été dommageable à la poésie, qui fut depuis envahie d'écrivaillons, de versificateurs dénués de goût et de talent, de simples “écoliers” :


      Depuis douze ans, la poésie française est en proie à de misérables écoliers, qui, réunis dans leur lycées, fatiguent ceux qui les entendent de leurs insipides productions. Les règles du bon goût méconnues, les principes posés par nos grands maîtres audacieusement violés, le bon sens et la raison outragés, voilà ce que nous présentent les ouvrages publiés par ces apprentis versificateurs. Depuis douze ans, c'est-à-dire, depuis l'origine d'une révolution qui a réduit les Muses françaises au silence, nous soupirions après de bons vers, qui nous rappelassent le tems où notre langue étoit celle des poëtes et des dieux. Les Géorgiques françaises ont paru, et elles ont été pour nous ce qu'après une sécheresse brillante, fut, pour l'agriculteur impatient, la pluie bienfaisante qui fertilisa ses champs 3


1 Nous n'avons pu mettre la main sur l'article original, mais celui-ci se trouve repris dans le volume Recueil des poésies et de morceaux choisis de Jacques Delille, qui réunit des pièces de Delille et plusieurs articles critiques favorables à L'Homme des Champs
2 Colnet du Ravel, “L'Homme des champs”, Recueil des poésies et de morceaux choisis de Jacques Delille, p. 286-87.
3 Ibid., p. 287-88.