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Pierre Capelle, Dictionnaire d'éducation morale

En cours de rédaction.

[Texte de commentaire.]

L'HERBORISATION.
Le jour vient, et la troupe arrive au rendez-vous.
Ce ne sont point ici de ces guerres barbares
Où les accents du cor et le bruit des fanfares
Épouvantent de loin les hôtes des forêts ;
Paissez, jeunes chevreuils, sous vos ombrages frais ;
Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes
Ont pour objets les fleurs, les arbres, et les plantes ;
Et des prés et des bois, et des champs et des monts,
Le porte-feuille avide attend déjà les dons.
On part : l’air du matin, la fraîcheur de l’aurore
Appellent à l’envi les disciples de Flore.
Jussieu marche à leur tête ; il parcourt avec eux
Du règne végétal les nourrissons nombreux :
Pour tenter son savoir quelquefois leur malice
De plusieurs végétaux compose un tout factice ;
Le sage l’apperçoit, sourit avec bonté,
Et rend à chaque plant son débris emprunté.
Chacun dans sa recherche à l’envi se signale ;
Étamine, pistil, et corolle, et pétale,
On interroge tout. Parmi ces végétaux
Les uns vous sont connus, d’autres vous sont nouveaux :
Vous voyez les premiers avec reconnoissance,
Vous voyez les seconds des yeux de l’espérance ;
L’un est un vieil ami qu’on aime à retrouver,
L’autre est un inconnu que l’on doit éprouver.
Et quel plaisir encor lorsque des objets rares,
Dont le sol, le climat, et le ciel sont avares,
Rendus par votre attente encor plus précieux,
Par un heureux hasard se montrent à vos yeux !
Voyez quand la pervenche, en nos champs ignorée,
Offre à Rousseau sa fleur si long-temps désirée ;
La pervenche, grand Dieu ! la pervenche ! Soudain
Il la couve des yeux, il y porte la main,
Saisit sa douce proie : avec moins de tendresse
L’amant voit, reconnoît, adore sa maîtresse.


Mais le besoin commande : un champêtre repas,
Pour ranimer leur force, a suspendu leurs pas ;
C’est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades :
Bacchus se rafraîchit dans les eaux des Naïades
Des arbres pour lambris, pour tableaux l’horizon,
Les oiseaux pour concert, pour table le gazon ;
Le laitage, les œufs, l’abricot, la cerise,
Et la fraise des bois, que leurs mains ont conquise,
Voilà leurs simples mets : grace à leurs doux travaux
Leur appétit insulte à tout l’art des Méots.
On fête, on chante Flore et l’antique Cybèle,
Éternellement jeune, éternellement belle :
Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés,
Par la mode introduits, par la mode emportés ;
Mais la grandeur d’un Dieu, mais sa bonté féconde,
La nature immortelle, et les secrets du monde.
La troupe enfin se lève ; on vole de nouveau
Des bois à la prairie, et des champs au coteau ;
Et le soir dans l’herbier, dont les feuilles sont prêtes,
Chacun vient en triomphe apporter ses conquêtes.
DELILLE. (Géorg. françaises) 1

Vers concernés : chant 3, vers 410-464

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Sarah Brämer 2017/10/13 14:34


1 Pierre Capelle, Dictionnaire d'éducation morale, Paris, Haut-Coeur et Gayet, 1824, p. 475-476.