Voir la synthèse thématique sur les Usages lexicographiques.
Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1866-1888) compte parmi les entreprises lexicographiques les plus importantes du XIXe siècle français. Plutôt qu'un dictionnaire au sens restreint du terme, c'est une encyclopédie qui a l'ambition d'embrasser tous les domaines de la connaissance. Pierre Larousse en est l'initiateur, l'éditeur et le principal artisan, mais il s'entoure de 89 collaborateurs qui ne signent pas leurs articles.
Delille, dont le nom figure sur la “Liste des principaux auteurs cités dans cet ouvrage”, est présent dans tous les volumes du Grand Dictionnaire, soit en tant qu'auteur dont les vers sont cités pour illustrer les différentes acceptions des mots, soit dans les notices biographiques en tant que maître ou modèle qui a inspiré les écrivains du XIXe siècle. Si sa poésie reste bien visible dans l'horizon littéraire des années 1860-1870, elle n'est pas pour autant épargnée : ses périphrases et son absence d'élan poétique sont régulièrement stigmatisées par les lexicographes. Delille apparaît donc comme un poète proprement “incontournable” : ses vers continuent de faire référence, mais ils côtoient dans l'ouvrage des passages très critiques. Du reste, Larousse et ses collaborateurs ne semblent presque jamais relire Delille : à l'égard de L'Homme des champs, la quasi-totalité des citations provient de dictionnaires antérieurs. Ceux de Carpentier, Bescherelle et Dochez, en particulier, ont été mis à contribution.
Notre recensement porte sur les 20 000 pages des quinze volumes parus entre 1866 et 1876, à l'exclusion des deux volumes de “Supplément”, publiés respectivement en 1877 et en 1888.
Au mot ABRI s. m., le Larousse cite un vers du troisième chant de L'Homme des champs qui illustre un emploi figuré.
− Par ext. Se dit de tout ce qui garantit des injures du temps : […]
Et des antres riants l'abri voluptueux…
Delille1.
Vers concerné : chant 3, vers 34
Au mot ACCENT s. m., une acception est illustrée par une citation de Delille. On trouvait déjà cet exemple, plus développé, dans le Dictionnaire national de Bescherelle et dans Le Gradus français de Carpentier. Le Larousse réemploie les mêmes vers aux articles ÉPOUVANTER et FANFARE.
Son des instruments, musique : Le joyeux tumulte d'un bal, les accents de l'orchestre, les rires des danseurs, arrivaient jusqu'à lui. (Balz.)
… Les accents du cor et le bruit des fanfares
Epouvantaient au loin les hôtes des forêts.
Delille2.
Vers concernés : chant 3, vers 412-413
Après le Bescherelle et le Gradus, le Larousse cite Delille au mot ASSOUPI, IE. Il s'agit d'un emploi figuré.
− Fig. Enervé, affaibli, privé d'énergie, d'activité, calmé, apaisé : […]
Là grondait un volcan ; ses feux sont assoupis.
Delille3.
Vers concerné : chant 3, vers 145
Décrié par Carpentier dans son Gradus à cause de son hiatus, un vers de Delille sert d'exemple au mot BOUSSOLE s. f.
La grue au haut des airs navigue sans boussole.
Delille4.
Vers concerné : chant 3, vers 528
Au mot CITÉ s. f., le Larousse redonne exactement la même citation que le Gradus et le Bescherelle5.
Vers concernés : chant 3, vers 369-370
Delille est cité à côté de Lebrun à l'article CORAIL s. m.. Au même mot, on retrouve la même citation dans le Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré.
Le corail incertain, né plante et minéral.
Lebrun
Eponges, polypiers, madrépores, coraux,
Des insectes des mers miraculeux travaux.
Delille6.
Vers concernés : chant 3, vers 241-242
Après Louis Dochez, qui donne cette citation dans son Nouveau Dictionnaire, le Larousse mobilise Delille au mot DÉCHARNÉ, ÉE pour un usage poétique. La citation réapparaît aux mots OSSEMENTS et ROC.
− Poétiq. Dénudé : On longe des côtes escarpées, décharnées, pareilles à celles de l'autre côté de la Méditerranée. (Th. Gaut.)
Ici de frais vallons, une terre féconde,
Là des rocs décharnés, vieux ossements du monde.
Delille7.
Vers concernés : chant 3, vers 339-340
Au mot ÉCUMANT, ANTE adj., on trouve le même vers que dans le Gradus et dans le Bescherelle8.
Vers concerné : chant 3, vers 335
Pour le verbe ÉPOUVANTER v. a. ou tr., on trouve une citation déjà reproduite à plusieurs reprises dans le Gradus, avec la même coquille : “au loin” à la place de “de loin”. Voir aussi l'article ACCENT et la citation suivante.
… Les accents du cor et le bruit des fanfares
Epouvantent au loin les hôtes des forêts.
Delille9.
Vers concernés : chant 3, vers 412-413
Au mot FANFARE s. f., le Larousse redonne la même citation qu'aux mots ACCENT et ÉPOUVANTER10.
Vers concernés : chant 3, vers 412-413
À l'égard de la déesse FLORE, on peut soupçonner le Larousse de copier directement le Gradus, puisqu'il introduit avec les mêmes mots que Carpentier les deux vers de Delille. Cette citation est également présente dans le Bescherelle. Elle réapparaît dans le Larousse au mot FRAÎCHEUR.
Enfin, Delille a même dit les disciples de Flore pour désigner les amateurs de botanique :
… L'air du matin, la fraîcheur de l'aurore,
Appellent à l'envi les disciples de Flore.
Delille11.
Vers concernés : chant 3, vers 419-420
Pour le substantif FRAÎCHEUR s. f., voir ci-dessus le mot FLORE12.
Vers concernés : chant 3, vers 419-420
Au mot HERBE s. f., le Larousse cite les trois mêmes vers que Dochez dans son Nouveau Dictionnaire13. Voir aussi le Gradus.
Vers concernés : chant 3, vers 395-397
Le Larousse contient à l'article HOMME s. m. une entrée consacrée spécifiquement au poème de Delille : Homme des champs (l'), ou les Géorgiques françaises. L’œuvre est présentée comme un poème “fondé sur un contraste continuel entre les mœurs de la ville et celles de la campagne14”. Après avoir mentionné Les Saisons de Saint-Lambert, l'auteur résume chaque chant de L'Homme des champs. Cependant, le troisième chant est esquissé en une seule phrase :
Le troisième chant est consacré à l'observateur qui s'attache à l'étude des merveilles de la nature dont il est entouré, et se crée un cabinet d'histoire naturelle qu'il enrichit de productions variées, nées sur son propre sol15.
Le commentaire évoque ensuite la réception critique de L'Homme des champs au moment de sa publication, quelques-unes de ses qualités littéraires et la traduction en vers latin de Dubois (1808).
Chants concernés : chant 1, chant 2, chant 3, chant 4
Souvent cités dans les dictionnaires, deux vers de L'Homme des champs illustrent MOU ou MOL, MOLLE adj.. Comme dans le Nouveau Dictionnaire de Dochez, le lecteur ne peut pas deviner que le référent est la chatte de Delille, à moins d'avoir en tête le passage concerné.
− Par anal. Doux et léger au toucher :
Là, je voudrais te voir telle que je t'ai vue,
De la molle fourrure élégamment vêtue.
Delille16.
Vers concernés : chant 3, vers 639-640
Au mot OSSEMENTS s. f. pl., on trouve la même citation qu'au mot DÉCHARNÉ, ÉE17. Voir aussi la citation suivante.
Vers concernés : chant 3, vers 339-340
Comme dans la citation précédente, au mot ROC s. m., on retrouve les deux vers reproduits au mot DÉCHARNÉ, ÉE18.
Vers concernés : chant 3, vers 339-340
Au mot SAUVAGEON s. m., le Larousse copie manifestement le Nouveau Dictionnaire de Dochez, car il reproduit les mêmes vers avec la même troncature19.
Vers concernés : chant 3, vers 386 et 388-389
Accès à la numérisation du texte : Édition originale, Gallica
Auteur de la page — Timothée Léchot 2017/10/17 23:39
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/07 20:21