DELILLE HORS DE FRANCE COLLOQUE INTERNATIONAL APPEL À COMMUNICATION Si l’on sait que Jacques Delille (1738-1813) fut tenu de son temps pour l’un des plus grands poètes français, sa réception à l’étranger n’a guère été étudiée. Or, elle a été massive et, à l’image d’une onde sismique dont on ne ressentirait pas les effets uniformément selon le lieu et le moment de l’observation, elle a varié dans les différents espaces nationaux à différentes périodes de leur histoire. Par ailleurs, Delille fut l’une des figures de l’Émigration : de 1795 à 1802, il résida en Suisse, en Allemagne et en Angleterre où ses passages furent commentés et documentés, lui offrant notamment l’occasion de rencontrer d’autres créateurs. D’où l’intérêt d’interroger la réception de l’œuvre et de la personne de Delille hors de France. Pour en rendre compte, le colloque abordera cette réception, du vivant de l’auteur et jusqu’à la fin du XIXe siècle, aussi bien dans le domaine de la littérature que dans le reste du champ culturel et artistique. En documentant par des études ciblées cette réception fluctuante, parfois fortement contrastée, nous chercherons à saisir les dynamiques de diffusion, de réinterprétation, voire d’instrumentalisation qui y présidèrent. Comptant parmi les poètes français les plus discutés de la fin de l’Ancien Régime et de l’ère napoléonienne, Jacques Delille n’est pas seulement le représentant majeur d’une poésie didactique et descriptive qui célèbre la nature, les sciences et les arts. Son œuvre et les commentaires dont elle a été l’objet cristallisent toute une gamme de représentations qui engagent les rapports entre la poésie et les sciences, la langue, la peinture ou la musique, à la charnière de l’âge classique et du romantisme. Dans son pays, Delille passe d’abord pour un puissant novateur : sa traduction des Géorgiques (1770) et la plupart de ses grands poèmes – Les Jardins (1782), L’Homme des champs (1800), La Pitié (1803), L’Imagination (1806), Les Trois Règnes de la nature (1808), La Conversation (1812) – agrandissent le territoire du vers en faisant la conquête de nouvelles matières (l’art paysager, l’agriculture et la vie rurale, les conceptions modernes des émotions et les facultés humaines, le progrès scientifique et technique, les troubles de la Révolution). S’y ajoute une activité de traducteur des poètes anglais modernes : Delille met en vers français Milton, Pope, Gray et Thomson. L’œuvre suscite néanmoins de nombreuses critiques que retiendra la postérité. Après sa mort, ce héraut du genre didactique sert de repoussoir aux écrivains de la génération romantique, définis par Sainte-Beuve comme ses « railleurs posthumes ». Delille en vient alors à incarner la faillite d’une poésie classique qui se complaît dans l’allégorie, le mauvais goût et la froideur d’une versification artificielle. Bien que des auteurs comme Stendhal, Lamartine, Hugo, Balzac ou Flaubert gardent une connaissance poussée de son œuvre, il sort progressivement du canon littéraire français au cours du XIXe siècle. Cependant, ces mouvements successifs de consécration et de rejet ne sont pas intervenus dans le même ordre ni avec la même intensité hors de France. Là, la réception de Delille ne suit pas une chronologie identique et ne repose pas nécessairement sur les mêmes motifs. En Suisse, on put juger dès les années 1780 que Delille échouait à imiter les beautés simples de la nature non domestiquée, mais de fervents admirateurs bâtirent des parcs paysagers suivant les préceptes des Jardins. Traversant l’Allemagne entre 1797 et 1799, après avoir choisi d’émigrer, Delille y laisse une empreinte particulière. Suivi de près par les journalistes, il rencontre Heine, Wieland et Klopstock dont il essaie sans succès de traduire La Messiade, expérience qui ravive alors la question des écarts entre les génies allemand et français. Ses années passées en Angleterre (1799-1802) le mettent en contact avec l’aristocratie britannique (autour de Georgiana Cavendish en particulier). Acteur important de l’anglomanie continentale, il signe plusieurs contrats d’édition à Londres, mais il est aussi sollicité par les émigrés les plus antirévolutionnaires. À son retour en France, il continue de recueillir des succès à l’étranger, notamment en Pologne où il compte des admirateurs au sein de puissantes familles (les Potocki, Radziwill, Czartoryski, Jablonowski). Il exerce également une influence notoire en Russie où l’Académie de Saint-Pétersbourg produit une édition de L’Homme des champs. Preuve de leur rayonnement exceptionnel, ses œuvres furent traduites en anglais, en allemand, en polonais, en russe, en espagnol, en italien, en portugais, en néerlandais, et elles suscitèrent de nombreux émules. Par exemple, Nikolaï Karamzine, une des figures tutélaires de la littérature et de l’historiographie nationales russes, imite L’Imagination, tandis qu’en Amérique du Sud des poètes comme José Fernandez de Madrid chercheront encore à adapter Les Trois Règnes de la nature plusieurs années après la mort de l’auteur et malgré la disgrâce dans laquelle il était alors tombé en France. Pour mieux saisir la complexité et les enjeux de la réception de Jacques Delille à l’étranger, pour étudier la façon dont elle est susceptible d’éclairer la place de cet auteur dans la culture européenne, et enfin pour analyser à travers ce cas la manière dont se construit entre XVIIIe et XIXe siècles une célébrité internationale, les interventions pourront suivre différentes pistes :
Le colloque est organisé dans le cadre du projet de recherche et d’édition « Reconstruire Delille », soutenu par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. Les communications pourront porter sur un de ces axes ou sur un pays, une aire linguistique, etc. Elles seront limitées à 30 minutes. Les propositions de communication comprendront environ 300 mots. Elles seront rédigées en français, éventuellement en allemand ou en anglais, et accompagnées d’une brève présentation de l’auteur. Elles sont à adresser aux trois organisateurs avant le 28 février 2017. Comité d’organisation : Comité scientifique : Télécharger l'appel à communication : format PDF. |
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