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merlettableau [2023/03/10 14:35] – Espaces insécables : pour les points-virgules Timothée Léchotmerlettableau [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-Le //Tableau de la littérature française 1800-1815// de [[merlet|Gustave Merlet]] est un important ouvrage d'**histoire littéraire**, concentré sur les œuvres et les courants de pensée du Consulat et de l'Empire. Le premier des trois tomes, publié en 1878, porte sur le "Mouvement religieux, philosophique et poétique[(Gustave Merlet, //Tableau de la littérature française 1800-1815//, Paris, Didier et Cie, t.I, "Mouvement religieux, philosophique et poétique", 1878.)]".+Le //Tableau de la littérature française 1800-1815// de [[merlet|Gustave Merlet]] est un important ouvrage d'**histoire littéraire**, concentré sur les œuvres et les courants de pensée du Consulat et de l'Empire. Le premier des trois tomes, publié en 1878, porte sur le "Mouvement religieux, philosophique et poétique[(Gustave Merlet, //Tableau de la littérature française 1800-1815//, Paris, Didier et Cie, t.(nbsp)I, "Mouvement religieux, philosophique et poétique", 1878.)]".
      
 ===== Approche d'ensemble ===== ===== Approche d'ensemble =====
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 Delille fut avant tout un "bel esprit[(//Id//., p. 361.)]", un Ovide se prenant pour un Virgile. Figure "vide de sentiments et d'idées[(//Id//., p. 379.)]", étranger à "l'âme des choses", il apparaît comme un affadisseur(nbsp): c'est "du Poussin arrangé par Watteau, du Raphaël retouché par Mignard". Ses périphrases ne sont guère que "industrieux enfantillages[(//Id//., p. 362.)]" et c'est une habileté toute "mécanique" qui lui a permis de faire tourner sa "fabrique" de vers-joujoux[(//Id//., p. 379.)]. Car l'école "didactique et descriptive" dont il fut le chef de file est "le dernier effort de l'invention défaillante"(nbsp): la **science** n'étant ici que "l'asile des imaginations appauvries", Delille se range parmi les "versificateurs" qui pour "s'épargner la peine de penser, de sentir et de composer", exploitent comme des "mines ouvertes" la prose des Buffon, Daubenton et autres Lavoisier, pour ne proposer "plus guère que des chapitres d'histoire naturelle ou de physique s'alignant à la file, comme les plates-bandes d'un potager, les cages d'une ménagerie, ou les échantillons d'un Muséum[(//Id//., p. 365-366.)]". //Les Jardins// figent une méthode dont Delille ne variera plus(nbsp); il colle des "morceaux choisis" pour bâtir "une sorte de galerie [de] tableaux dont le pêle-mêle laisse des impressions errantes et disparates qui […] fatiguent l'attention[(//Id//., p. 366.)]", un montage de "hors-d'œuvre" qui, peut-être, "eut jadis quelque à-propos", mais qui heurte la sensibilité moderne faute d'émaner d'une "verve intérieure[(//Id//., p. 367.)]". //L'Homme des champs// marque pour sa part le début d'une phase de création recyclant le contenu d'un "portefeuille bien garni" de vers[(//Id//., p. 372.)]. Ici, l'absence de cohésion se ressent dans le titre – trompeur puisqu' "il s'agit ici d'un philosophe millionnaire qui habite un château seigneurial[(//Id//., p. 372.)]" – comme dans le plan – où le "programme d'économie agricole" se perd "sous les broderies qui l'étouffent" – et enfin dans le fait qu'il est patent que le poète "ne possède que par à peu près les sciences précises qu'il effleure[(//Id//., p. 373.)]". //L'Imagination// assomme par les "amusettes de la difficulté vaincue" et des méandres liés à la manière dont "Delille s'abandonne aux mille surprises de l'imprévu", en s'ingéniant là encore à "utiliser ses croquis d'autrefois" comme un "réservoir" commode", dont rien ne doit être perdu[(//Id//., p. 375.)]. Quant aux //Les Trois Règnes//, ils montrent combien le résultat parvient à être "monotone sous sa variété spécieuse[(//Id//., p. 378.)]". Delille fut avant tout un "bel esprit[(//Id//., p. 361.)]", un Ovide se prenant pour un Virgile. Figure "vide de sentiments et d'idées[(//Id//., p. 379.)]", étranger à "l'âme des choses", il apparaît comme un affadisseur(nbsp): c'est "du Poussin arrangé par Watteau, du Raphaël retouché par Mignard". Ses périphrases ne sont guère que "industrieux enfantillages[(//Id//., p. 362.)]" et c'est une habileté toute "mécanique" qui lui a permis de faire tourner sa "fabrique" de vers-joujoux[(//Id//., p. 379.)]. Car l'école "didactique et descriptive" dont il fut le chef de file est "le dernier effort de l'invention défaillante"(nbsp): la **science** n'étant ici que "l'asile des imaginations appauvries", Delille se range parmi les "versificateurs" qui pour "s'épargner la peine de penser, de sentir et de composer", exploitent comme des "mines ouvertes" la prose des Buffon, Daubenton et autres Lavoisier, pour ne proposer "plus guère que des chapitres d'histoire naturelle ou de physique s'alignant à la file, comme les plates-bandes d'un potager, les cages d'une ménagerie, ou les échantillons d'un Muséum[(//Id//., p. 365-366.)]". //Les Jardins// figent une méthode dont Delille ne variera plus(nbsp); il colle des "morceaux choisis" pour bâtir "une sorte de galerie [de] tableaux dont le pêle-mêle laisse des impressions errantes et disparates qui […] fatiguent l'attention[(//Id//., p. 366.)]", un montage de "hors-d'œuvre" qui, peut-être, "eut jadis quelque à-propos", mais qui heurte la sensibilité moderne faute d'émaner d'une "verve intérieure[(//Id//., p. 367.)]". //L'Homme des champs// marque pour sa part le début d'une phase de création recyclant le contenu d'un "portefeuille bien garni" de vers[(//Id//., p. 372.)]. Ici, l'absence de cohésion se ressent dans le titre – trompeur puisqu' "il s'agit ici d'un philosophe millionnaire qui habite un château seigneurial[(//Id//., p. 372.)]" – comme dans le plan – où le "programme d'économie agricole" se perd "sous les broderies qui l'étouffent" – et enfin dans le fait qu'il est patent que le poète "ne possède que par à peu près les sciences précises qu'il effleure[(//Id//., p. 373.)]". //L'Imagination// assomme par les "amusettes de la difficulté vaincue" et des méandres liés à la manière dont "Delille s'abandonne aux mille surprises de l'imprévu", en s'ingéniant là encore à "utiliser ses croquis d'autrefois" comme un "réservoir" commode", dont rien ne doit être perdu[(//Id//., p. 375.)]. Quant aux //Les Trois Règnes//, ils montrent combien le résultat parvient à être "monotone sous sa variété spécieuse[(//Id//., p. 378.)]".
  
-Delille fut certes **immensément lu.** Mais son succès précoce vint du fait qu'il était "prôné d'avance" dans les salons, sur la foi de fragments récités avec grâce[(//Id//., p. 363.)] et que ce favori d'une "élite" sut particulièrement ranger "les Dames parmi ses clientes[(//Id//., p. 364.)]". La vogue pour //La Pitié// fut affaire de parti(nbsp): le texte séduisit "les émigrés dont se composa l'élite de la société renaissante[(//Id//., p. 371.)]". Enfin, son succès tardif résulta d'une habitude prise(nbsp): ses admirateurs ne "s'aperçurent point de son déclin" car ils avaient vieilli avec lui[(//Id//., p. 381.)]+Delille fut certes **immensément lu.** Mais son succès précoce vint du fait qu'il était "prôné d'avance" dans les salons, sur la foi de fragments récités avec grâce[(//Id//., p. 363.)] et que ce favori d'une "élite" sut particulièrement ranger "les Dames parmi ses clientes[(//Id//., p. 364.)]". La vogue pour //La Pitié// fut affaire de parti(nbsp): le texte séduisit "les émigrés dont se composa l'élite de la société renaissante[(//Id//., p. 371.)]". Enfin, son succès tardif résulta d'une habitude prise(nbsp): ses admirateurs ne "s'aperçurent point de son déclin" car ils avaient vieilli avec lui[(//Id//., p. 381.)](nbsp)
  
 D'un autre côté, pourtant, Merlet met en garde(nbsp): "trop loué par les uns", Delille a été "trop déprécié par les autres[(//Ibid//.)]", et l'on ne peut lui refuser **certaines qualités et des apports majeurs**. D'un autre côté, pourtant, Merlet met en garde(nbsp): "trop loué par les uns", Delille a été "trop déprécié par les autres[(//Ibid//.)]", et l'on ne peut lui refuser **certaines qualités et des apports majeurs**.
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-Delille fut […] de bonne foi, quand il se crut ami passionné de la nature. Cette illusion, il la partageait avec tous les citadins qui savouraient délicieusement ses vers. Pour plaire à ces faux amateurs de rusticité, ne fallut-il pas mêler à leurs idylles les parfums du boudoir? Ils voulurent retrouver le luxe de la ville dans la peinture des eaux ou des bois qu'ils honoraient parfois d'un coup d'œil protecteur, parmi les loisirs de leur villégiature. Ils aimèrent à voir dans les bluets des saphirs, dans les pavots des rubis, dans les gouttes de rosée des perles ou des diamants, dans les prairies l'émail des fleurs, dans les gazons des tapis d'émeraudes, dans les fruits le velours, la pourpre, l'or et l'ambre. Pour rendre ces objets dignes de leurs regards, il convenait donc d'aller quérir des métaphores chez le bijoutier, ou dans les magasins de porcelaines et de cristaux. Or, Delille paraîtra presque un audacieux, si on le compare à tant d'autres dont la fadeur ferait pitié même à Watteau. Lui, du moins, au milieu des travestissements que lui imposa le caprice du jour, il garde une sincérité relative(nbsp); et parfois on hésite à retourner contre lui ce trait malin qu'il se permit contre un grand prosateur, auquel il devait pourtant beaucoup de reconnaissance(nbsp):+Delille fut […] de bonne foi, quand il se crut ami passionné de la nature. Cette illusion, il la partageait avec tous les citadins qui savouraient délicieusement ses vers. Pour plaire à ces faux amateurs de rusticité, ne fallut-il pas mêler à leurs idylles les parfums du boudoir(nbsp)? Ils voulurent retrouver le luxe de la ville dans la peinture des eaux ou des bois qu'ils honoraient parfois d'un coup d'œil protecteur, parmi les loisirs de leur villégiature. Ils aimèrent à voir dans les bluets des saphirs, dans les pavots des rubis, dans les gouttes de rosée des perles ou des diamants, dans les prairies l'émail des fleurs, dans les gazons des tapis d'émeraudes, dans les fruits le velours, la pourpre, l'or et l'ambre. Pour rendre ces objets dignes de leurs regards, il convenait donc d'aller quérir des métaphores chez le bijoutier, ou dans les magasins de porcelaines et de cristaux. Or, Delille paraîtra presque un audacieux, si on le compare à tant d'autres dont la fadeur ferait pitié même à Watteau. Lui, du moins, au milieu des travestissements que lui imposa le caprice du jour, il garde une sincérité relative(nbsp); et parfois on hésite à retourner contre lui ce trait malin qu'il se permit contre un grand prosateur, auquel il devait pourtant beaucoup de reconnaissance(nbsp):
  
 Des bosquets de Montbard, Buffon jugeait le monde. Des bosquets de Montbard, Buffon jugeait le monde.
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 \\ Par des ambassadeurs courtisa la nature. \\ Par des ambassadeurs courtisa la nature.
  
-S'il ne varia guère les ressources de sa palette, ce ne furent point les occasions qui lui manquèrent. N'eut-il pas la bonne fortune d'être enlevé par notre ambassadeur d'Orient, M. de Choiseul-Gouffier, qui le conduisit en Grèce, à Constantinople, [puis d'errer avec sa] Muse tremblante […] de Suisse en Allemagne, d'Allemagne en Angleterre(nbsp); [quand] chacune de ces stations enrichit ses cartons d'une nouvelle esquisse[(//Id.//, p.(nbsp)368-369.)]?+S'il ne varia guère les ressources de sa palette, ce ne furent point les occasions qui lui manquèrent. N'eut-il pas la bonne fortune d'être enlevé par notre ambassadeur d'Orient, M. de Choiseul-Gouffier, qui le conduisit en Grèce, à Constantinople, [puis d'errer avec sa] Muse tremblante […] de Suisse en Allemagne, d'Allemagne en Angleterre(nbsp); [quand] chacune de ces stations enrichit ses cartons d'une nouvelle esquisse[(//Id.//, p.(nbsp)368-369.)](nbsp)?
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