guinguenecompterendudecade

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guinguenecompterendudecade [2023/03/10 14:35] – Espaces insécables : pour les points-virgules Timothée Léchotguinguenecompterendudecade [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-La [[decadephilosophique|Décade philosophique]], qui avait déjà publié certains extraits de //L'Homme des champs// en amont de la parution, est l'une des plus prestigieuses revues de l'après Révolution. Le long compte rendu qu'elle consacre au poème est signé par [[guinguene|Ginguené]]. Il se déploie sur deux articles successifs[(Pierre-Louis Ginguené, "//L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises//, par Jacques Delille", //La Décade philosophique//, an VIII-1800 – premier "extrait"(nbsp): 4e trimestre, n°36, 30 fructidor, p.(nbsp)526-546(nbsp);  deuxième "extrait"(nbsp): an IX-1800, 1er trimestre, n°1, 10 vendémiaire, p.(nbsp)29-49.)].+La [[decadephilosophique|Décade philosophique]], qui avait déjà publié certains extraits de //L'Homme des champs// en amont de la parution, est l'une des plus prestigieuses revues de l'après Révolution. Le long compte rendu qu'elle consacre au poème est signé par [[guinguene|Ginguené]]. Il se déploie sur deux articles successifs[(Pierre-Louis Ginguené, "//L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises//, par Jacques Delille", //La Décade philosophique//, an VIII-1800 – premier "extrait"(nbsp): 4e trimestre, n°(nbsp)36, 30 fructidor, p.(nbsp)526-546(nbsp);  deuxième "extrait"(nbsp): an IX-1800, 1er trimestre, n°(nbsp)1, 10 vendémiaire, p.(nbsp)29-49.)].
  
 Mêlant **louanges et critiques**, cette lecture attaque sévèrement nombre des choix de Delille, depuis l'ordonnance des chants (que Ginguené propose de réordonner) jusqu'au style, mais le critique n'en conclut pas moins que les "beautés" dominent. Mêlant **louanges et critiques**, cette lecture attaque sévèrement nombre des choix de Delille, depuis l'ordonnance des chants (que Ginguené propose de réordonner) jusqu'au style, mais le critique n'en conclut pas moins que les "beautés" dominent.
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 <tab>Cet ouvrage était attendu avec impatience. Sa publication est dans les Lettres la nouvelle la plus importante qu'il y ait eu depuis long-tems. S'il eût été reçu avec indifférence, c'eût été le signe le moins équivoque d'une véritable décadence littéraire, qu'assez d'autres signes font craindre. Mais celui-là du moins n'existe pas(nbsp); tout le monde s'occupe de l'//Homme des Champs//(nbsp): il faut, pour être au courant de toutes les conversations, ou l'avoir lu, ou le lire, et pouvoir, bien ou mal, en dire son avis. <tab>Cet ouvrage était attendu avec impatience. Sa publication est dans les Lettres la nouvelle la plus importante qu'il y ait eu depuis long-tems. S'il eût été reçu avec indifférence, c'eût été le signe le moins équivoque d'une véritable décadence littéraire, qu'assez d'autres signes font craindre. Mais celui-là du moins n'existe pas(nbsp); tout le monde s'occupe de l'//Homme des Champs//(nbsp): il faut, pour être au courant de toutes les conversations, ou l'avoir lu, ou le lire, et pouvoir, bien ou mal, en dire son avis.
 \\ <tab>Ce qui est sans difficulté comme sans inconvénient dans un cercle, n'est pas tout-à-fait ainsi dans un journal connu par son impartialité, par son attachement aux vrais principes qui ont fait la gloire du Parnasse français, et à ce qui nous reste encore de cette gloire. Un avis y est un jugement, d'autant plus délicat pour celui qui le porte, qu'il n'a pas la présomption de le croire sans appel, et qu'il ne peut ignorer que le Public prononce en dernier ressort, et sur le jugement et sur l'ouvrage. \\ <tab>Ce qui est sans difficulté comme sans inconvénient dans un cercle, n'est pas tout-à-fait ainsi dans un journal connu par son impartialité, par son attachement aux vrais principes qui ont fait la gloire du Parnasse français, et à ce qui nous reste encore de cette gloire. Un avis y est un jugement, d'autant plus délicat pour celui qui le porte, qu'il n'a pas la présomption de le croire sans appel, et qu'il ne peut ignorer que le Public prononce en dernier ressort, et sur le jugement et sur l'ouvrage.
-Mais cette considération, toujours imposante, ne doit effrayer réellement que la prévention, l'esprit de parti, l'envie de nuire(nbsp); pour le critique étranger à toute autre passion qu'à celle du vrai, aussi sincère admirateur des beautés qu'ennemi des défauts, et qui sait, même en n'admirant pas tout dans un Poëme, les égards qui sont dus à la grande réputation du Poëte, cette considération n'est point un obstacle, elle est même un encouragement. Je m'expliquerai donc librement sur le Poéme de l'Homme des Champs. Mon opinion sur l'Auteur n'est pas suspecte. Je l'ai professée assez hautement et dans de faibles vers[(NDA(nbsp): Dans des stances à François (de Neufchâteau) sur la Poëme des Vosges.)] et dans le sein de l'1nstitut national. Je le regarde comme l'un des deux plus grands talens poétiques dont la France peut encore s'honorer. Malgré son obstination à ne pas rentrer dans une patrie où l'on s'obstine toujours à le rappeler, où depuis six ans il aurait vécu non-seulement tranquille, mais considéré comme il mérite de l'être(nbsp); où il eût réparé des malheurs causés par deux ans de barbarie, dont enfin il n'a pas seul été victime, et qu'il n'est pas plus juste et plus raisonnable de regarder, depuis ces six ans, comme l'état permanent de la France, qu'il ne le serait de regarder un incendie ou un écroulement comme l'état permanent d'une maison qui depuis ce tems serait rebâtie et logeable(nbsp); malgré cette injustice de Delille, et quelque part qu'il ait fixé sa retraite, au moment où il publie des vers, c'est toujours nous que leur succès intéresse(nbsp); leurs beautés seront toujours une de nos richesses, une de nos propriétés nationales(nbsp); et quoiqu'une partie de leurs défauts tienne peut-être cette fois à son éloignement même, et ne puisse par conséquent être reprochée à l'influence du goût français, c'est encore à nous cependant qu'il importe que ces taches légères d'un si beau talent disparaissent(nbsp); c'est donc pour tout homme de lettres, soigneux de la gloire de sa patrie, un devoir de les observer, de les dénoncer à l'Auteur lui-même, de l'inviter, au nom de sa gloire, à les reconnaître, à les effacer[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an VIII-1800, 4e trimestre, n°36, 30 fructidor, p.(nbsp)526-527.)].+Mais cette considération, toujours imposante, ne doit effrayer réellement que la prévention, l'esprit de parti, l'envie de nuire(nbsp); pour le critique étranger à toute autre passion qu'à celle du vrai, aussi sincère admirateur des beautés qu'ennemi des défauts, et qui sait, même en n'admirant pas tout dans un Poëme, les égards qui sont dus à la grande réputation du Poëte, cette considération n'est point un obstacle, elle est même un encouragement. Je m'expliquerai donc librement sur le Poéme de l'Homme des Champs. Mon opinion sur l'Auteur n'est pas suspecte. Je l'ai professée assez hautement et dans de faibles vers[(NDA(nbsp): Dans des stances à François (de Neufchâteau) sur la Poëme des Vosges.)] et dans le sein de l'1nstitut national. Je le regarde comme l'un des deux plus grands talens poétiques dont la France peut encore s'honorer. Malgré son obstination à ne pas rentrer dans une patrie où l'on s'obstine toujours à le rappeler, où depuis six ans il aurait vécu non-seulement tranquille, mais considéré comme il mérite de l'être(nbsp); où il eût réparé des malheurs causés par deux ans de barbarie, dont enfin il n'a pas seul été victime, et qu'il n'est pas plus juste et plus raisonnable de regarder, depuis ces six ans, comme l'état permanent de la France, qu'il ne le serait de regarder un incendie ou un écroulement comme l'état permanent d'une maison qui depuis ce tems serait rebâtie et logeable(nbsp); malgré cette injustice de Delille, et quelque part qu'il ait fixé sa retraite, au moment où il publie des vers, c'est toujours nous que leur succès intéresse(nbsp); leurs beautés seront toujours une de nos richesses, une de nos propriétés nationales(nbsp); et quoiqu'une partie de leurs défauts tienne peut-être cette fois à son éloignement même, et ne puisse par conséquent être reprochée à l'influence du goût français, c'est encore à nous cependant qu'il importe que ces taches légères d'un si beau talent disparaissent(nbsp); c'est donc pour tout homme de lettres, soigneux de la gloire de sa patrie, un devoir de les observer, de les dénoncer à l'Auteur lui-même, de l'inviter, au nom de sa gloire, à les reconnaître, à les effacer[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an VIII-1800, 4e trimestre, n°(nbsp)36, 30 fructidor, p.(nbsp)526-527.)].
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 ===== Remarques sur la préface ===== ===== Remarques sur la préface =====
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 <tab>Mais j'aperçois d'ici les débris d'un village(nbsp): <tab>Mais j'aperçois d'ici les débris d'un village(nbsp):
 \\ <tab>D'un désastre fameux tout annonce l'image. \\ <tab>D'un désastre fameux tout annonce l'image.
-\\ <tab>Quels malheurs l'ont produit? Avançons, consultons+\\ <tab>Quels malheurs l'ont produit(nbsp)? Avançons, consultons
 \\ <tab>Les lieux et les vieillards de ces tristes cantons. \\ <tab>Les lieux et les vieillards de ces tristes cantons.
  
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 \\ <tab>Nous voilà loin, comme on voit, de la simple exposition d'un système. \\ <tab>Nous voilà loin, comme on voit, de la simple exposition d'un système.
 \\ <tab>Ailleurs ce sont des eaux qui ont fait éruption du sommet des montagnes, et qui ont formé de nouveaux lacs ou de nouveaux courans. Ailleurs encore, c'est le cours furieux d'un ouragan qui a lancé la mer au sommet des mont, changé leur place et le lit des fleuves. Ce sont quelquefois les feux souterreins et volcaniques qui ont causé ces grands changemens. \\ <tab>Ailleurs ce sont des eaux qui ont fait éruption du sommet des montagnes, et qui ont formé de nouveaux lacs ou de nouveaux courans. Ailleurs encore, c'est le cours furieux d'un ouragan qui a lancé la mer au sommet des mont, changé leur place et le lit des fleuves. Ce sont quelquefois les feux souterreins et volcaniques qui ont causé ces grands changemens.
-\\ <tab>Gloire, honneur à Buffon, qui nous les a peints dans ses époques de la nature! Mais voici une singulière maniéré de l'honorer. On nous dit qu'il quitta trop peu sa retraite de Montbard, que c'était de ses bosquets qu'il jugeait le Monde, que se confiant en vain à des yeux étrangers, il vit peu par lui-même, et que, tel qu'un souverain,+\\ <tab>Gloire, honneur à Buffon, qui nous les a peints dans ses époques de la nature(nbsp)! Mais voici une singulière maniéré de l'honorer. On nous dit qu'il quitta trop peu sa retraite de Montbard, que c'était de ses bosquets qu'il jugeait le Monde, que se confiant en vain à des yeux étrangers, il vit peu par lui-même, et que, tel qu'un souverain,
  
 <tab>De loin et sur la foi d'une vaine peinture,  <tab>De loin et sur la foi d'une vaine peinture, 
 \\ <tab>Par ses Ambassadeurs (il) courtisa la nature.  \\ <tab>Par ses Ambassadeurs (il) courtisa la nature. 
  
-comment donc, pour expliquer cette même nature, le //vrai génie// est-il pourtant le sien+comment donc, pour expliquer cette même nature, le //vrai génie// est-il pourtant le sien(nbsp)
-\\ <tab>L'Auteur apostrophe, avec sentiment, la Limagne, sa patrie. Combien Buffon aurait joui d'y voir les traces de toutes ces révolutions volcaniques! Mais sans quitter vos monts et vos vallons, il vous suffit de considérer un morceau de marbre, pour voir dans les révolutions qu'il a éprouvées, l'histoire des révolutions du monde.+\\ <tab>L'Auteur apostrophe, avec sentiment, la Limagne, sa patrie. Combien Buffon aurait joui d'y voir les traces de toutes ces révolutions volcaniques(nbsp)! Mais sans quitter vos monts et vos vallons, il vous suffit de considérer un morceau de marbre, pour voir dans les révolutions qu'il a éprouvées, l'histoire des révolutions du monde.
 \\ <tab>Et quelle nouvelle source d'études et de plaisirs, si la mer elle-même est près de vous! Grand et beau morceau sur la mer, sur les pensées qu'elle fait naître, sur les animaux, les plantes, les phénomènes qu'elle renferme. Tantôt vous lui demandez compte des flottes, des trésors, des nations qu'elle a englouties(nbsp); tantôt vous cherchez, avec Linnée , à connaître la flore des mers(nbsp); tantôt vous y suivez de l'œil les énormes baleines(nbsp); souvent vous y lisez, avec BufTon, les révolutions de ce bruyant empire. //Peindrai-je ces vieux caps//, etc. Eh non! il ne s'agit pas de vous, peintre, mais des tableaux que vous peignez. Vous m'ôtez mon illusion(nbsp); vous m'avertissez mal à propos que vous êtes là, derrière la toile. \\ <tab>Et quelle nouvelle source d'études et de plaisirs, si la mer elle-même est près de vous! Grand et beau morceau sur la mer, sur les pensées qu'elle fait naître, sur les animaux, les plantes, les phénomènes qu'elle renferme. Tantôt vous lui demandez compte des flottes, des trésors, des nations qu'elle a englouties(nbsp); tantôt vous cherchez, avec Linnée , à connaître la flore des mers(nbsp); tantôt vous y suivez de l'œil les énormes baleines(nbsp); souvent vous y lisez, avec BufTon, les révolutions de ce bruyant empire. //Peindrai-je ces vieux caps//, etc. Eh non! il ne s'agit pas de vous, peintre, mais des tableaux que vous peignez. Vous m'ôtez mon illusion(nbsp); vous m'avertissez mal à propos que vous êtes là, derrière la toile.
 \\ <tab>Après la mer, on aimera à voir les fleuves, les ruisseaux, \\ <tab>Après la mer, on aimera à voir les fleuves, les ruisseaux,
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 \\ <tab>De qui les vers usés ont vieilli leurs Nayades.  \\ <tab>De qui les vers usés ont vieilli leurs Nayades. 
  
-A quoi bon, et à qui s'adressent ces vers satyriques? Il s'agit de voir des ruisseaux dans la Nature et non dans des vers fades ou non. Des rimeurs fades pourraient chanter des ruisseaux à effets nobles et grands(nbsp); ils les chanteraient mal, mais les ruisseaux n'en auraient pas moins ces grands et nobles effets. Est-ce simplement d'avoir placé, dans leurs descriptions, des Nayades, que vous les blâmez? et n'en avez vous pas mis vous même dans les vôtres?+A quoi bon, et à qui s'adressent ces vers satyriques(nbsp)? Il s'agit de voir des ruisseaux dans la Nature et non dans des vers fades ou non. Des rimeurs fades pourraient chanter des ruisseaux à effets nobles et grands(nbsp); ils les chanteraient mal, mais les ruisseaux n'en auraient pas moins ces grands et nobles effets. Est-ce simplement d'avoir placé, dans leurs descriptions, des Nayades, que vous les blâmez(nbsp)? et n'en avez vous pas mis vous même dans les vôtres(nbsp)?
  
 <tab>Et Pomone et Palis, et Flore et les Dryades  <tab>Et Pomone et Palis, et Flore et les Dryades 
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 <tab>Eh non! encore une fois, ne dites pas, peignez les objets, faites que je croye les voir(nbsp); voilà ce que je vous demande, puisque vous êtes avec moi dans le domaine que vous me créez, et dont, comme vous l'allez voir, nous parcourons ensemble les environs. <tab>Eh non! encore une fois, ne dites pas, peignez les objets, faites que je croye les voir(nbsp); voilà ce que je vous demande, puisque vous êtes avec moi dans le domaine que vous me créez, et dont, comme vous l'allez voir, nous parcourons ensemble les environs.
-\\ <tab>Tableau des eaux minérales, des malades qui s'y rendent, des plaisirs qui s'y rassemblent. Mais laissant la foule et les scènes bruyantes, reprenons, dit l'Auteur, //notre course autour de vos domaines//. Montons au berceau même des eaux. Description des montagnes, des aspects qu'elles présentent, //des révolutions du globe// dont elles conservent les traces. Le Poète est forcé de répéter ici une partie des traits qu'il a déjà employés. Puis, tout à coup s'interrompant, oubliant qu'il suppose un domaine près d'une montagne d'où découlent des eaux, il s'écrie(nbsp): Salut, pompeux Jura, terrible Montanvert (l'un des glaciers de la Suisse)! On ne sait plus où l'on est.+\\ <tab>Tableau des eaux minérales, des malades qui s'y rendent, des plaisirs qui s'y rassemblent. Mais laissant la foule et les scènes bruyantes, reprenons, dit l'Auteur, //notre course autour de vos domaines//. Montons au berceau même des eaux. Description des montagnes, des aspects qu'elles présentent, //des révolutions du globe// dont elles conservent les traces. Le Poète est forcé de répéter ici une partie des traits qu'il a déjà employés. Puis, tout à coup s'interrompant, oubliant qu'il suppose un domaine près d'une montagne d'où découlent des eaux, il s'écrie(nbsp): Salut, pompeux Jura, terrible Montanvert (l'un des glaciers de la Suisse)(nbsp)! On ne sait plus où l'on est.
 \\ <tab>Comme ce qui vient après cette apostrophe n'a rien de particulier au Jura ni au Montanvert, et qui ne pût se dire de toute autre montagne couverte de glace ou de neige, l'Auteur pouvait en faire le sacrifice. Il pouvait aussi très-facilement, éviter les redites et le désordre qui gâtent les beautés dont ce chant est rempli, en plaçant ici, et non pas au commencement, tout ce qu'il dit des volcans, de la formation des montagnes et des révolutions du globe(nbsp); c'était la place naturelle de ce morceau. \\ <tab>Comme ce qui vient après cette apostrophe n'a rien de particulier au Jura ni au Montanvert, et qui ne pût se dire de toute autre montagne couverte de glace ou de neige, l'Auteur pouvait en faire le sacrifice. Il pouvait aussi très-facilement, éviter les redites et le désordre qui gâtent les beautés dont ce chant est rempli, en plaçant ici, et non pas au commencement, tout ce qu'il dit des volcans, de la formation des montagnes et des révolutions du globe(nbsp); c'était la place naturelle de ce morceau.
 \\ <tab>Le domaine de l'homme des champs peut être voisin des mers. L'idée et la description de la mer, conduisent à celles des fleuves et des ruisseaux(nbsp); ceux-ci amènent les eaux minérales, lesquelles engagent à remonter à leur source, à gravir les montagnes, où l'on voit les traces de tous les grands changemens arrivés sur la terre. Là, invoquant le génie de Buffon, l'Auteur aurait pu, dans une prosopopée lui faire expliquer à lui-même tout son système(nbsp); outre qu cela eût été plus animé, plus poétique, il y aurait eu de l'ordre, un plan(nbsp); et il n'y en a pas. \\ <tab>Le domaine de l'homme des champs peut être voisin des mers. L'idée et la description de la mer, conduisent à celles des fleuves et des ruisseaux(nbsp); ceux-ci amènent les eaux minérales, lesquelles engagent à remonter à leur source, à gravir les montagnes, où l'on voit les traces de tous les grands changemens arrivés sur la terre. Là, invoquant le génie de Buffon, l'Auteur aurait pu, dans une prosopopée lui faire expliquer à lui-même tout son système(nbsp); outre qu cela eût été plus animé, plus poétique, il y aurait eu de l'ordre, un plan(nbsp); et il n'y en a pas.
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 <tab>Il est vrai que Delille nous avertit que ceci fut écrit en 1790. Mais, alors même, la France ne ressemblait point encore à Tyr, ni à Thèbes après leur destruction. Notez qu'en 1793, l'Auteur était encore en France. Tous ces vers, faits à différentes époques, mettront un jour l'esprit des lecteurs à la torture. Ils achèvent d'ôter à son poëme toute apparence d'ensemble et d'unité[(Ginguené souligne de nouveau le problème politique, posé non plus par l'exil volontaire de Delille, mais par un vers qui semble faire du gouvernement consulaire une source de ruine pour le pays. La discussion sur la date renvoie à la note 16 de l'édition.)]. <tab>Il est vrai que Delille nous avertit que ceci fut écrit en 1790. Mais, alors même, la France ne ressemblait point encore à Tyr, ni à Thèbes après leur destruction. Notez qu'en 1793, l'Auteur était encore en France. Tous ces vers, faits à différentes époques, mettront un jour l'esprit des lecteurs à la torture. Ils achèvent d'ôter à son poëme toute apparence d'ensemble et d'unité[(Ginguené souligne de nouveau le problème politique, posé non plus par l'exil volontaire de Delille, mais par un vers qui semble faire du gouvernement consulaire une source de ruine pour le pays. La discussion sur la date renvoie à la note 16 de l'édition.)].
-\\ <tab> Etes-vous las de ces sites sauvages? redescendez dans la plaine. Que les arbres et les fleurs vous étalent leurs richesses. Etudiez leurs différentes espèces, leurs formes, leurs penchans. Ceci amène fort bien l'étude de la botanique et le tableau d'une course de botanistes. L'Herbier conduit au cabinet d'Histoire naturelle. Mais l'Auteur vous conseille de vous borner d'abord aux productions des trois règnes qui se trouvent dans votre domaine. On peut demander quelle jouissance ils donnent alors à la curiosité, et si elle n'est pas plus excitée et plus satisfaite par des productions étrangères. On ne sait pas non plus pourquoi appliquant ici un hémistiche devenu parasite, il dit que les trois règnes sont étonnés d'être ensemble. Il semble que depuis le tems qu'ils se trouvent réunis dans les cabinets d'Histoire naturelle, ils doivent être revenus de leur surprise.+\\ <tab> Etes-vous las de ces sites sauvages(nbsp)? redescendez dans la plaine. Que les arbres et les fleurs vous étalent leurs richesses. Etudiez leurs différentes espèces, leurs formes, leurs penchans. Ceci amène fort bien l'étude de la botanique et le tableau d'une course de botanistes. L'Herbier conduit au cabinet d'Histoire naturelle. Mais l'Auteur vous conseille de vous borner d'abord aux productions des trois règnes qui se trouvent dans votre domaine. On peut demander quelle jouissance ils donnent alors à la curiosité, et si elle n'est pas plus excitée et plus satisfaite par des productions étrangères. On ne sait pas non plus pourquoi appliquant ici un hémistiche devenu parasite, il dit que les trois règnes sont étonnés d'être ensemble. Il semble que depuis le tems qu'ils se trouvent réunis dans les cabinets d'Histoire naturelle, ils doivent être revenus de leur surprise.
 \\ <tab>Ce morceau, l'un des plus longs du Poème, est aussi l'un des plus travaillés, l'un de ceux qui présentait le plus de difficultés, et où ces difficultés sont vaincues de la manière la plus heureuse et la plus brillante. C'est bien dommage qu'en parlant d'animaux empaillés, le Poète se soit souvenu de sa chate Raton, et qu'il se soit donné la peine de terminer un chant rempli de si grands objets et de si beaux vers, par la description de //la queue de son chat// et des bonds qu'il fesait sur sa table. Au reste, on ne sait pas bien si Raton est morte ou vivante. Les douze premiers vers de ce petit épisode (petit assurément dans tous les sens) en parlent comme si elle était morte(nbsp); mais au treizième, je voudrais te voir, lui dit-il, \\ <tab>Ce morceau, l'un des plus longs du Poème, est aussi l'un des plus travaillés, l'un de ceux qui présentait le plus de difficultés, et où ces difficultés sont vaincues de la manière la plus heureuse et la plus brillante. C'est bien dommage qu'en parlant d'animaux empaillés, le Poète se soit souvenu de sa chate Raton, et qu'il se soit donné la peine de terminer un chant rempli de si grands objets et de si beaux vers, par la description de //la queue de son chat// et des bonds qu'il fesait sur sa table. Au reste, on ne sait pas bien si Raton est morte ou vivante. Les douze premiers vers de ce petit épisode (petit assurément dans tous les sens) en parlent comme si elle était morte(nbsp); mais au treizième, je voudrais te voir, lui dit-il,
  
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 \\ <tab>De mon sobre diner solliciter ta part(nbsp);  \\ <tab>De mon sobre diner solliciter ta part(nbsp); 
  
-Ce tems présent déroute l'esprit, et voilà que l'on croit Raton vivante(nbsp): tant le défaut d'ordre et de suite se fait sentir jusque dans les plus petites parties de ce Poème[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an IX-1800, 1er trimestre, n°1, 10 vendémiaire, p.(nbsp)29-34.)].+Ce tems présent déroute l'esprit, et voilà que l'on croit Raton vivante(nbsp): tant le défaut d'ordre et de suite se fait sentir jusque dans les plus petites parties de ce Poème[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an IX-1800, 1er trimestre, n°(nbsp)1, 10 vendémiaire, p.(nbsp)29-34.)].
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