gravure1802chant3

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gravure1802chant3 [2020/05/15 21:26] – [Présentation de l’œuvre] Hugues Marchalgravure1802chant3 [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 //L'Homme des champs// a fait l'objet en 1800 d'une première vague d'édition, dans divers formats, avec ou sans les planches créées par [[guerin|Christophe Guérin]]. Pour **l'édition de luxe** au grand format in-4° mise sur le marché en 1802, la maison Levrault fait encore appel à cet artiste réputé[(Voir Jacques Delille, //L'Homme des champs, ou les Géorgiques françoises//, Strasbourg, de l'imprimerie de Levrault, an\ X - 1802 (in-4°).)]. Il réalise quatre compositions afin de doter chaque chant du poème d'un nouveau frontispice et les dimensions des in-4° lui permettent de proposer des scènes plus complexes. //L'Homme des champs// a fait l'objet en 1800 d'une première vague d'édition, dans divers formats, avec ou sans les planches créées par [[guerin|Christophe Guérin]]. Pour **l'édition de luxe** au grand format in-4° mise sur le marché en 1802, la maison Levrault fait encore appel à cet artiste réputé[(Voir Jacques Delille, //L'Homme des champs, ou les Géorgiques françoises//, Strasbourg, de l'imprimerie de Levrault, an\ X - 1802 (in-4°).)]. Il réalise quatre compositions afin de doter chaque chant du poème d'un nouveau frontispice et les dimensions des in-4° lui permettent de proposer des scènes plus complexes.
  
-Signe de la valeur que l'artiste lui-même accorde à ces planches, il en assure, comme l'indique ici, sous l'imagela mention "C. Guérin inv. et sculpsit", à la fois le dessin et la gravure.+Signe de la valeur que l'artiste lui-même accorde à ces planches, il précise, comme l'indique sous l'image la mention "C. Guérin inv. et sculpsit", qu'il est à la fois le créateur du dessin original et son graveur.
  
-Comme le frontispice antérieur choisi pour le chant\ 3, qui représentait [[gravure1800chant3|Rousseau trouvant une pervenche]], l'image illustrant cette section du poème est arrimée à l'épisode dans lequel Delille dépeint les plaisirs de l'herborisation. Mais le personnage central n'est plus le philosophe. Cette fois, la composition de Guérin se rattache aux quatre vers dans lesquels Delille rend hommage à une autre figure, le naturaliste **Jussieu**+Comme le frontispice antérieur choisi pour le chant\ 3, qui représentait [[gravure1800chant3|Rousseau trouvant une pervenche]], l'image illustrant cette section du poème est arrimée à l'épisode dans lequel Delille dépeint les plaisirs de l'herborisation. Mais le personnage central n'est plus le philosophe. Cette fois, la composition de Guérin se rattache aux quatre vers dans lesquels Delille rend hommage à une autre figure, le naturaliste **Jussieu**(nbsp)
  
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-Vers concernés: [[chant3#v423|chant 3, vers 423-426]].+Vers concernés(nbsp): [[chant3#v423|chant 3, vers 423-426]].
  
 En raison de sa taille, la gravure **transpose toutefois des indications textuelles beaucoup plus amples** que ne le laissent supposer ces quatre vers. Elle conjoint différents éléments de l'épisode, voire du chant entier. En raison de sa taille, la gravure **transpose toutefois des indications textuelles beaucoup plus amples** que ne le laissent supposer ces quatre vers. Elle conjoint différents éléments de l'épisode, voire du chant entier.
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 Guérin divise la planche en **trois secteurs horizontaux** distincts. Le tiers supérieur est dominé par le ciel, avec une zone plus claire à gauche et, à droite, des nuées plus sombres. Le tiers médian est occupé par les frondaisons de différents arbres et, au milieu, dans le lointain, un petit vallon où apparaissent deux personnages. Enfin, le tiers inférieur, où se placent toutes les autres figures, accueille à gauche une étendue d'eau, dont le calme contraste avec le mouvement de la petite chute qui l'alimente, et cette nappe aquatique trouve un pendant dans la nappe de tissu étendue pour le repas, à droite. Or cette tripartition fait écho aux diverses formules que Delille utilise dans le chant\ 3 pour réduire la variété du monde à une triade similaire. Guérin combine visuellement, de haut en bas, les mêmes **trois éléments** aérien, aquatique et terrestre présents dans des formules comme "tourmente en courant //les airs, la terre, et l’onde//" (v. 128), "fils du temps, //de l’air, de la terre, et de l’onde//" (v. 219) ou encore "combinaison féconde / De la flamme, //de l’air, de la terre, et de l’onde//" (v. 503-504). Guérin divise la planche en **trois secteurs horizontaux** distincts. Le tiers supérieur est dominé par le ciel, avec une zone plus claire à gauche et, à droite, des nuées plus sombres. Le tiers médian est occupé par les frondaisons de différents arbres et, au milieu, dans le lointain, un petit vallon où apparaissent deux personnages. Enfin, le tiers inférieur, où se placent toutes les autres figures, accueille à gauche une étendue d'eau, dont le calme contraste avec le mouvement de la petite chute qui l'alimente, et cette nappe aquatique trouve un pendant dans la nappe de tissu étendue pour le repas, à droite. Or cette tripartition fait écho aux diverses formules que Delille utilise dans le chant\ 3 pour réduire la variété du monde à une triade similaire. Guérin combine visuellement, de haut en bas, les mêmes **trois éléments** aérien, aquatique et terrestre présents dans des formules comme "tourmente en courant //les airs, la terre, et l’onde//" (v. 128), "fils du temps, //de l’air, de la terre, et de l’onde//" (v. 219) ou encore "combinaison féconde / De la flamme, //de l’air, de la terre, et de l’onde//" (v. 503-504).
  
-Mais une **seconde triade** est aussi mobilisée dans la planche: celle des "trois règnes" (v. 25), qui structure également le chant. Si le **végétal** domine logiquement une scène associée à l'herborisation, le **minéral** apparait nettement, grâce au groupe de rochers dont la masse, au centre, à gauche, répond au principal groupe de personnages, et **l'animal** est représenté, dans la partie droite du tableau, par les deux oiseaux dont les têtes levées se détachent, en haut, sur le ciel, et par le chien qui, en bas, à l'inverse, plonge sa truffe dans la cueillette au grand désarroi d'un des hommesdétail cocasse absent du texte du poète[(L'inintérêt marqué du chien pour les oiseaux peut toutefois se lire comme la transposition visuelle des v. 415-416, "Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes / Ont pour objets les fleurs, les arbres, et les plantes".)].+Mais une **seconde triade** est aussi mobilisée dans la planche(nbsp): celle des "trois règnes" (v. 25), qui structure également le chant. Si le **végétal** domine logiquement une scène associée à l'herborisation, le **minéral** apparait nettement, grâce au groupe de rochers dont la masse, sur le côté gauche de la bande médiane, répond au principal groupe de personnages. L"**animal** est représenté, dans la partie droite du tableau, par les deux oiseaux dont les têtes levées se détachent, en haut, sur le ciel, et par le chien qui, en bas, à l'inverse, plonge sa truffe dans la cueilletteau grand désarroi d'un des hommes – détail cocasse absent du texte du poète[(L'inintérêt marqué du chien pour les oiseaux peut toutefois se lire comme la transposition visuelle des v. 415-416, "Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes / Ont pour objets les fleurs, les arbres, et les plantes".)].
  
 ===== Figures humaines ===== ===== Figures humaines =====
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-Il adresse un large sourire au compagnon qui, de dos, lui propose une bouteille de vin. Or non seulement ce détail met en valeur l'affect fondamental que Delille entend associer à la pratique des sciences naturelles : la notion de **plaisir hédoniste** (il l'a promis dès le v. 28 à ses lecteurs, dans l'invitation "marchons, voyons, et //jouissons// ensemble"), mais il montre aussi que Guérin transpose, dans cette section de l'image, la séquence narrative du repas qui, dans le texte, se déroule après (et non pendant) le moment où Jussieu est appelé à identifier une plante factice. La gravure représente avec exactitude les détails qui, dans les vers, placent le **bivouac** dans un //locus amoenus//:+Il adresse un large sourire au compagnon qui, de dos, lui propose une bouteille de vin. Or non seulement ce détail met en valeur l'affect fondamental que Delille entend associer à la pratique des sciences naturelles : la notion de **plaisir hédoniste** (il l'a promis dès le v. 28 à ses lecteurs, dans l'invitation "marchons, voyons, et //jouissons// ensemble"), mais il montre aussi que Guérin transpose, dans cette section de l'image, la séquence narrative du repas qui, dans le texte, se déroule après (et non pendant) le moment où Jussieu est appelé à identifier une plante factice. La gravure représente avec exactitude les détails qui, dans les vers, placent le **bivouac** dans un //locus amoenus//(nbsp):
  
 C’est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades :  C’est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades : 
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-La posture du savant, tête penchée pour observer, loupe en main, l'échantillon qui lui est soumis, rend ses traits peu visibles; mais cette attitude est une de celles dans laquelle l**e botaniste a été le plus souvent représenté**. Elle rappelle des images comme ce portrait de Jussieu, d'auteur et date inconnues, conservée par la Wellcome Library[(Bernard de Jussieu. Line engraving. Credit: Wellcome Collection. Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) – [[https://wellcomecollection.org/works/na6t5msx|lien]].)]:+La posture du savant, tête penchée pour observer, loupe en main, l'échantillon qui lui est soumis, rend ses traits peu visibles(nbsp); mais cette attitude est une de celles dans laquelle l**e botaniste a été le plus souvent représenté**. Elle rappelle des images comme ce portrait de Jussieu, d'auteur et date inconnues, conservée par la Wellcome Library[(Bernard de Jussieu. Line engraving. Credit: Wellcome Collection. Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) – [[https://wellcomecollection.org/works/na6t5msx|lien]].)](nbsp):
  
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-En effet, on reconnaît sans difficulté dans ce détail une sorte de variation sur le **frontispice** de 1800. Si le duo formé par un homme agenouillé et un comparse, debout, adopte des attitudes assez proches de celle de la gravure représentant Rousseau ému devant une pervenche, il manque à ce dernier ici son tricorne. La parenté est pourtant rendue manifeste par la coupe identique du chapeau et du manteau portés par l'homme debout dans notre planche et dans [[gravure1800chant3|celle de 1800]]:+En effet, on reconnaît sans difficulté dans ce détail une sorte de variation sur le **frontispice** de 1800. Si le duo formé par un homme agenouillé et un comparse, debout, adopte des attitudes assez proches de celle de la gravure représentant Rousseau ému devant une pervenche, il manque à ce dernier ici son tricorne. La parenté est pourtant rendue manifeste par la coupe identique du chapeau et du manteau portés par l'homme debout dans notre planche et dans [[gravure1800chant3|celle de 1800]](nbsp):
  
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 Guérin évite de figurer de manière trop technique les sciences naturelles. Il a néanmoins soin d'en disséminer les principaux **instruments** dans l'image. Outre la loupe déjà évoquée, il représente deux fois le "porte-feuille avide" (v. 418) des **botanistes**. L'un apparaît dans les mains de Jussieu, l'autre est posé au tout premier plan, près de la hotte d'où émergent deux autres outils, une pelle et une pioche, qui peuvent encore évoquer la **minéralogie**. Guérin évite de figurer de manière trop technique les sciences naturelles. Il a néanmoins soin d'en disséminer les principaux **instruments** dans l'image. Outre la loupe déjà évoquée, il représente deux fois le "porte-feuille avide" (v. 418) des **botanistes**. L'un apparaît dans les mains de Jussieu, l'autre est posé au tout premier plan, près de la hotte d'où émergent deux autres outils, une pelle et une pioche, qui peuvent encore évoquer la **minéralogie**.
  
-Mais, au sein du programme iconographique mis en place par Guérin pour l'édition in-quarto, ce dernier détail entre dans un dernier réseau d'échos. Il rappelle au lecteur le fronstispice du chant\ 2, consacré à l'agriculture, pour lequel l'artiste a choisi de placer au premier plan, là encore, une pelle et d'autres instruments de travail du sol, fièrement tenus par un paysan modèle:+Mais, au sein du programme iconographique mis en place par Guérin pour l'édition in-quarto, ce dernier détail entre dans un dernier réseau d'échos. Il rappelle au lecteur le fronstispice du chant\ 2, consacré à l'agriculture, pour lequel l'artiste a choisi de placer au premier plan, là encore, une pelle et d'autres instruments de travail du sol, fièrement tenus par un paysan modèle(nbsp):
  
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 En d'autres termes, même si Guérin, comme Delille, choisit de représenter dans le chant\ 3 l'homme découvrant une campagne sauvage, il a soin, comme le poète lui-même, d'affirmer par ce symbole le **lien entre sciences naturelles et motifs géorgiques**. En d'autres termes, même si Guérin, comme Delille, choisit de représenter dans le chant\ 3 l'homme découvrant une campagne sauvage, il a soin, comme le poète lui-même, d'affirmer par ce symbole le **lien entre sciences naturelles et motifs géorgiques**.
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 +Ajoutons enfin que Catel a donné sa [[gravure1807chant3|propre version]] du même ensemble.
  
 ===== Lien externe ===== ===== Lien externe =====