eschernymelanges

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eschernymelanges [2019/06/26 20:23] – [Présentation de l'œuvre] Hugues Marchaleschernymelanges [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-En 1811, dans ses //Mélanges de littérature, d'histoire, de morale et de philosophie//, [[escherny|Escherny]] dédie deux chapitres sévères[(François-Louis d'Escherny, //Mélanges de littérature, d'histoire, de morale et de philosophie//, Paris, Bossange et Masson, 1811, t. II, ch.3, "De la poésie des modernes, et de la versification moderne…" et 4, "Continuation de la critique des vers français…".)] à la **versification française, qu'il juge inepte** et responsable de son peu de goût pour la poésie "moderne" produite dans cette langue, dont il estime au contraire fort les prosateurs.+En 1811, dans ses //Mélanges de littérature, d'histoire, de morale et de philosophie//, le Suisse [[escherny|Escherny]] dédie deux chapitres sévères[(François-Louis d'Escherny, //Mélanges de littérature, d'histoire, de morale et de philosophie//, Paris, Bossange et Masson, 1811, t. II, ch.(nbsp)3, "De la poésie des modernes, et de la versification moderne…" et 4, "Continuation de la critique des vers français…".)] à la **versification française, qu'il juge inepte** et responsable de son peu de goût pour la poésie "moderne" produite dans cette langue, dont il estime au contraire fort les prosateurs.
  
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-Lorsque je lis une belle page de prose, je me sens à mon aise, rien ne me gêne, ne m'embarrasse, ne me distrait du plaisir que je goûte; je jouis. Lorsque je lis des vers, c'est précisément tout le contraire; un certain vague dans les idées y tient l'ame indécise et la met à la gêne. C'est un travail, un état de contrainte; je suis sur les épines, je ne sais jamais si j'ai saisi le sens; une espèce de vapeur interposée l'obscurcit à mes yeux; je le cherche, je relis, et le plus souvent il ne vaut pas la peine d'être cherché. +Lorsque je lis une belle page de prose, je me sens à mon aise, rien ne me gêne, ne m'embarrasse, ne me distrait du plaisir que je goûte(nbsp); je jouis. Lorsque je lis des vers, c'est précisément tout le contraire(nbsp); un certain vague dans les idées y tient l'ame indécise et la met à la gêne. C'est un travail, un état de contrainte(nbsp); je suis sur les épines, je ne sais jamais si j'ai saisi le sens(nbsp); une espèce de vapeur interposée l'obscurcit à mes yeux(nbsp); je le cherche, je relis, et le plus souvent il ne vaut pas la peine d'être cherché. 
-\\ Ces rimes cousues par Morphée, au bout de chaque vers, me font bailler; cette chûte périodique de sons qui reparoissent à intervalles égaux, me distrait du sens, et me cause la même inquiétude que l'eau qui s'échappe goutte à goutte d'une fontaine mal fermée. Ainsi, tous les vers faits depuis cent ans sont comme non-avenus pour moi, et pour tous ceux qui en reçoivent les mêmes impressions en tout ou en partie, et le nombre en est grand[(//Id//., p. 222-223.)]. +\\ Ces rimes cousues par Morphée, au bout de chaque vers, me font bailler(nbsp); cette chûte périodique de sons qui reparoissent à intervalles égaux, me distrait du sens, et me cause la même inquiétude que l'eau qui s'échappe goutte à goutte d'une fontaine mal fermée. Ainsi, tous les vers faits depuis cent ans sont comme non-avenus pour moi, et pour tous ceux qui en reçoivent les mêmes impressions en tout ou en partie, et le nombre en est grand[(//Id//., p. 222-223.)]. 
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-Escherny prend soin de souligner que ces défauts sont **indépendants du génie des auteurs**. Il commente de manière négative des vers de Racine et Voltaire, puis il annonce: "En veut-on encore des exemples; cherchez-les, je ne dirai pas dans les mauvais, mais dans les meilleurs versificateurs Français, dans ceux qui sont regardés comme classiques, vous en trouverez à chaque page." Et c'est à ce titre qu'il choisit alors d'examiner la pratique de **Delille**, en ouvrant ses "Géorgiques françaises[(//Id//., p. 224.)]".+Escherny prend soin de souligner que ces défauts sont **indépendants du génie des auteurs**. Il commente de manière négative des vers de Racine et Voltaire, puis il annonce(nbsp): "En veut-on encore des exemples(nbsp); cherchez-les, je ne dirai pas dans les mauvais, mais dans les meilleurs versificateurs Français, dans ceux qui sont regardés comme classiques, vous en trouverez à chaque page." Et c'est à ce titre qu'il choisit alors d'examiner la pratique de **Delille**, en ouvrant ses "Géorgiques françaises[(//Id//., p. 224.)]".
  
 ===== Citations ===== ===== Citations =====
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 Le terme propre est //multiplient//, au lieu de //doublent//, mais il a deux syllabes de trop. Le terme propre est //multiplient//, au lieu de //doublent//, mais il a deux syllabes de trop.
 \\ De plus, les deux premiers vers sont oiseux, //riches// est pour la mesure, et //connoissances// pour rimer avec //jouissances//. \\ De plus, les deux premiers vers sont oiseux, //riches// est pour la mesure, et //connoissances// pour rimer avec //jouissances//.
-\\ En prose élégante et nombreuse, on auroit dit avec plus de précision : //Cherchez autour de vous: trois règnes à vos yeux étalent leurs richesses// et non leurs //secrets//. Mais 1.° il falloit rimer avec //sujets// ; 2.° le mot de riches venoit d'être employé, il ne pouvoit le répéter, il lui a substitué la cheville //secrets//; 3.° les richesses des trois règnes appartiennent à la culture, et //leurs secrets// au physicien et au naturaliste, dont il n'est pas question ici ; 4.°enfin, on ne peut pas dire que les trois règnes ou leurs secrets sont les sujets de l'Homme des champs. Quelle langue barbare est obligé de parler un malheureux versificateur, pour obéir à des règles plus barbares encore[(//Id//., p. 227.)]!+\\ En prose élégante et nombreuse, on auroit dit avec plus de précision : //Cherchez autour de vous(nbsp): trois règnes à vos yeux étalent leurs richesses// et non leurs //secrets//. Mais 1.° il falloit rimer avec //sujets// ; 2.° le mot de riches venoit d'être employé, il ne pouvoit le répéter, il lui a substitué la cheville //secrets//(nbsp); 3.° les richesses des trois règnes appartiennent à la culture, et //leurs secrets// au physicien et au naturaliste, dont il n'est pas question ici ; 4.°enfin, on ne peut pas dire que les trois règnes ou leurs secrets sont les sujets de l'Homme des champs. Quelle langue barbare est obligé de parler un malheureux versificateur, pour obéir à des règles plus barbares encore[(//Id//., p. 227.)](nbsp)!
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 Vers concernés : [[chant3#v023|chant 3, vers 23-26]]. Vers concernés : [[chant3#v023|chant 3, vers 23-26]].
  
-Eschery poursuit, conspuant le **morceau sur Pompéi**:+Eschery poursuit, conspuant le **morceau sur Pompéi**(nbsp):
  
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 La terre dans son sein, épouvantable gouffre,  La terre dans son sein, épouvantable gouffre, 
-\\ Nourrit de noirs amas de bitume et de souffre+\\ Nourrit de noirs amas de bitume et de souffre(nbsp)
 \\ Enflamme l'air et l'onde, etc.  \\ Enflamme l'air et l'onde, etc. 
  
-Ces vers sont inintelligibles. Est-ce la terre qui enflamme l'air et l'onde? Ne seroient-ce pas plutôt les noirs amas de bitume et de souffre+Ces vers sont inintelligibles. Est-ce la terre qui enflamme l'air et l'onde(nbsp)? Ne seroient-ce pas plutôt les noirs amas de bitume et de souffre(nbsp)
  
 Que l'horrible volcan inonda de ses feux. Que l'horrible volcan inonda de ses feux.
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 Vers concernés : [[chant3#v135|chant 3, vers 135-137]], [[chant3#v158|158]] et [[chant3#v164|164-166]]. Vers concernés : [[chant3#v135|chant 3, vers 135-137]], [[chant3#v158|158]] et [[chant3#v164|164-166]].
  
-Puis l'irascible lecteur aborde le passage sur les **avalanches**:+Puis l'irascible lecteur aborde le passage sur les **avalanches**(nbsp):
  
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 Deux bien mauvais vers, précieux et obscurs, //tubes enflammés// pour //fusils//, rappellent le //conseiller des grâces//. \\ L'homme est //prudent// et non le //bruit//. Deux bien mauvais vers, précieux et obscurs, //tubes enflammés// pour //fusils//, rappellent le //conseiller des grâces//. \\ L'homme est //prudent// et non le //bruit//.
 \\ Il vient de nommer les frimas éclatans, éblouissans, ici, ils sont //noirs//. //Brillans// auroit mieux convenu, la mesure du vers l'a repoussé. Il veut dire que les voyageurs aux glaciers, pour éviter les avalanches, doivent prudemment tirer des coups de fusil, pour essayer, avant d'aller plus avant, s'il y en a de disposées à se détacher. […] \\ Il vient de nommer les frimas éclatans, éblouissans, ici, ils sont //noirs//. //Brillans// auroit mieux convenu, la mesure du vers l'a repoussé. Il veut dire que les voyageurs aux glaciers, pour éviter les avalanches, doivent prudemment tirer des coups de fusil, pour essayer, avant d'aller plus avant, s'il y en a de disposées à se détacher. […]
-\\ Il seroit fastidieux de pousser plus loin ces observations. Les vers français sont pleins de ces contre-sens occasionnés par la tyrannie absurde de la mesure et de la rime. Le pauvre rimeur se voit forcé malgré lui à s'exprimer tout autrement qu'il ne conçoit, souvent à estropier ses pensées, ou du moins à ne les présenter que d'une manière obscure, vague ou incomplète. Les inversions qui ne sont guère dans le génie de la langue française, appartiennent aussi à la gêne du vers: elles en augmentent l'obscurité, et ne contribuent pas peu à les rendre pénibles et fatigans à lire[(//Id//., p. 228-229.)].+\\ Il seroit fastidieux de pousser plus loin ces observations. Les vers français sont pleins de ces contre-sens occasionnés par la tyrannie absurde de la mesure et de la rime. Le pauvre rimeur se voit forcé malgré lui à s'exprimer tout autrement qu'il ne conçoit, souvent à estropier ses pensées, ou du moins à ne les présenter que d'une manière obscure, vague ou incomplète. Les inversions qui ne sont guère dans le génie de la langue française, appartiennent aussi à la gêne du vers(nbsp): elles en augmentent l'obscurité, et ne contribuent pas peu à les rendre pénibles et fatigans à lire[(//Id//., p. 228-229.)].
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