bilderdijkhetbuitenleven

Différences

Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.

Lien vers cette vue comparative

Les deux révisions précédentes Révision précédente
Prochaine révision
Révision précédente
bilderdijkhetbuitenleven [2023/03/14 02:02] – [Avant-propos] Hugues Marchalbilderdijkhetbuitenleven [2023/03/14 02:14] (Version actuelle) – [Présentation de l'œuvre] Hugues Marchal
Ligne 4: Ligne 4:
 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-Important poète et traducteur néerlandais, [[bilderdijk|Willem Bilderdijk]] a dû s'exiler loin de son pays[(Il avait émigré en 1795, suite à l'invasion de la Hollande par Pichegru. Il voyagea alors en Allemagne et à Londres, pour ne rentrer en Hollande qu'en 1806 et devenir le professeur de néerlandais de Louis Bonaparte, qui le nomma à l'Institut de Hollande.)] au moment où il rédige cette **traduction** de //L’Homme des champs//[(Willem Bilderdijk, //Het buitenleven, in vier zangen (gevolgd naar L'Homme des champs ou les géorgiques françaises, van den Abbé Delille)//, Amsterdam, Johannes Allart, 1803.)]. Elle paraît à Amsterdam, en 1803, peu après celle de Brinkman, publiée en 1802-1803 sous le titre [[brinkmandevedeling|De Veldeling]][(Cette antériorité est signalée dans les comptes rendus du travail de Bilderdijk, qui date la rédaction de son propre texte de 1802, à la fin du dernier chant (//id//., p.(nbsp)156) comme, on le verra, en d'autres lieux du volume.)].+Important poète et traducteur néerlandais, [[bilderdijk|Willem Bilderdijk]] a dû s'exiler loin de son pays[(Il avait émigré en 1795, suite à l'invasion de la Hollande par Pichegru. Il voyagea alors en Allemagne et à Londres, pour ne rentrer en Hollande qu'en 1806 et devenir le professeur de néerlandais de Louis Bonaparte, qui le nomma à l'Institut de Hollande.)] au moment où il rédige cette **traduction** de //L’Homme des champs//[(Willem Bilderdijk, //Het buitenleven, in vier zangen (gevolgd naar L'Homme des champs ou les géorgiques françaises, van den Abbé Delille)//, Amsterdam, Johannes Allart, 1803.)]. Elle paraît à Amsterdam, en 1803, peu après celle de Brinkman, publiée en 1802-1803 sous le titre [[brinkmandevedeling|De Veldeling]][(Cette antériorité est signalée dans les comptes rendus du travail de Bilderdijk, qui pour sa part date la rédaction de son propre texte de 1802, à la fin du dernier chant (//id//., p.(nbsp)156).)].
  
 Or, **de toutes les traductions du texte, l'œuvre de Bilderdijk est sans doute celle qui a eu le plus grand impact dans la culture cible, en raison de son caractère polémique**(nbsp): paradoxalement, le poète néerlandais **attaque violemment le texte qu'il s'est attelé à diffuser** auprès de ses compatriotes et la version qu'il en propose constitue en réalité **un profond remaniement** du poème de Delille. Or, **de toutes les traductions du texte, l'œuvre de Bilderdijk est sans doute celle qui a eu le plus grand impact dans la culture cible, en raison de son caractère polémique**(nbsp): paradoxalement, le poète néerlandais **attaque violemment le texte qu'il s'est attelé à diffuser** auprès de ses compatriotes et la version qu'il en propose constitue en réalité **un profond remaniement** du poème de Delille.
Ligne 145: Ligne 145:
 ===== Le traitement des notes ===== ===== Le traitement des notes =====
  
-On pourrait comparer ici encore Bilderdijk à un **bernard-l'ermite**. La matrice des notes de fin, organisées par chant, est conservée, mais nombre d'entre elles sont de son cru, ce qu'il signale par une initiale, "B.". Or, s'il réduit sans pitié, comme il l'a annoncé, les notes d'origine, le traducteur n'hésite pas à **étendre ses propres remarques**(nbsp): l'une d'elle mobilise près de quatre pages[(//Id//., p.(nbsp)31-34 (les notes disposent de leur propre pagination).)]. Et la controverse scientifico-théologique s'y déploie également, puisque, pour conserver notre exemple, le passage du grain de sable fait l'objet d'une note entièrement remaniée, signée là encore B., qui y attaque les explications "à la Buffon[(//Id//., p.(nbsp)35.)]" et de ce fait, Delille, que Bilderdijk paraît traiter comme l'auteur de tous les commentaires.+On pourrait comparer ici encore Bilderdijk à un **bernard-l'ermite**. La matrice des notes de fin, organisées par chant, est conservée, mais nombre d'entre elles sont de son cru, ce qu'il signale par une initiale, "B.". Or, s'il réduit sans pitié, comme il l'a annoncé, les notes d'origine, le traducteur n'hésite pas à **étendre ses propres remarques**(nbsp): l'une d'elle mobilise près de quatre pages[(//Id//., p.(nbsp)31-34 (les notes disposent de leur propre pagination).)]. Et la controverse scientifico-théologique s'y déploie également, puisque, pour conserver notre exemple, le passage du grain de sable fait l'objet d'une note entièrement remaniée, signée là encore B., qui y attaque les explications "à la Buffon[(//Id//., p.(nbsp)35.)]" et de ce fait, s'oppose derechef à Delille, que Bilderdijk paraît traiter comme l'auteur de tous les commentaires.
  
 ===== Postface ===== ===== Postface =====
Ligne 155: Ligne 155:
 1. – Delille est **un versificateur hors ligne, absolument magistral**, et Bilderdijk précise qu'il inclut ici dans la versification toute la mécanique du style, de la langue et de la mesure ("het werktuiglijke van den stijl, de taal, en de maat[(//Id//., p.(nbsp)67.)]"). Dans //L'Homme des champs//, cet ensemble est presque constamment "pur, beau, harmonieux, précis et en somme excellent" ("zuiver, schoon, welluidend, keurig, en over 't geheel genomen uitmuntend[(//Ibid//.)]"). Or il ne s'agit pas là d'une mince prouesse et Bilderdijk rend un hommage très marqué au poète français(nbsp): sur ce point au moins, il mérite d'être non seulement célébré, mais aussi entièrement imité ("allen lof, en wat meer is dan lof, alle navolging[(//Ibid//.)]"). 1. – Delille est **un versificateur hors ligne, absolument magistral**, et Bilderdijk précise qu'il inclut ici dans la versification toute la mécanique du style, de la langue et de la mesure ("het werktuiglijke van den stijl, de taal, en de maat[(//Id//., p.(nbsp)67.)]"). Dans //L'Homme des champs//, cet ensemble est presque constamment "pur, beau, harmonieux, précis et en somme excellent" ("zuiver, schoon, welluidend, keurig, en over 't geheel genomen uitmuntend[(//Ibid//.)]"). Or il ne s'agit pas là d'une mince prouesse et Bilderdijk rend un hommage très marqué au poète français(nbsp): sur ce point au moins, il mérite d'être non seulement célébré, mais aussi entièrement imité ("allen lof, en wat meer is dan lof, alle navolging[(//Ibid//.)]").
  
-2. – Mais il lui manque le véritable génie poétique ("eigenlijke Dichtergenie[(//Id//., p.(nbsp)68.)]") de la **composition**, qui, pour Bilderdijk, devrait se manifester par une **détermination poétique ou du moins raisonnable du sujet** ("Dichterlijke, of zelfs Wijsgeerige omvatting van 't onderwerp"),  la **distribution** ("verdeeling") de la matière,  l'**exécution** ("uitvoering"), la **complétude de la pensée** ("volheid van denkbeelden"), du **discernement dans la sélection** de ce qui peut être dit ou non ("juistheid in de keus van het geen men gebruiken en het geen men onderdrukken kon"), du **discernement dans le placement et l'usage** de ce qui aura été retenu ("juistheid in de plaatsing en aanwending van het geen men verkoos te gebruiken[(//Ibid//.)]"). //L'Homme des champs// ne présente aucune de ces qualités. L'œuvre est atrocement mal divisée, il n'y a ni organisation ni choix sensibles dans la matière et la pensée y est pauvre. Faisant écho à son avant-propos, Bilderdijk indique que le parcours des chants1 et4 persuade tout lecteur que l'auteur n'y a exercé aucun discernement. Séduisant pièce par pièce, le chant3 s'avère lui-même, si l'on ne considère que sa structure, aussi entièrement dépourvu d'une organisation susceptible de satisfaire l'esprit. Les faibles transitions ne font guère illusion(nbsp):+2. – Mais il lui manque le véritable génie poétique ("eigenlijke Dichtergenie[(//Id//., p.(nbsp)68.)]") de la **composition**, qui, pour Bilderdijk, devrait se manifester par une **détermination poétique ou du moins raisonnable du sujet** ("Dichterlijke, of zelfs Wijsgeerige omvatting van 't onderwerp"),  la **distribution** ("verdeeling") de la matière,  l'**exécution** ("uitvoering"), la **complétude de la pensée** ("volheid van denkbeelden"), du **discernement dans la sélection** de ce qui peut être dit ou non ("juistheid in de keus van het geen men gebruiken en het geen men onderdrukken kon"), du **discernement dans le placement et l'usage** de ce qui aura été retenu ("juistheid in de plaatsing en aanwending van het geen men verkoos te gebruiken[(//Ibid//.)]"). //L'Homme des champs// ne présente aucune de ces qualités. L'œuvre est atrocement mal divisée, il n'y a ni organisation ni choix sensibles dans la matière et la pensée y est pauvre. Faisant écho à son avant-propos, Bilderdijk indique que le parcours des chants(nbsp)1 et(nbsp)4 persuade tout lecteur que l'auteur n'y a exercé aucun discernement. Séduisant pièce par pièce, le chant(nbsp)3 s'avère lui-même, si l'on ne considère que sa structure, aussi entièrement dépourvu d'une organisation susceptible de satisfaire l'esprit. Les faibles transitions ne font guère illusion(nbsp):
  
 <WRAP round box 60%> <WRAP round box 60%>
Ligne 164: Ligne 164:
  
 <WRAP round box 60%> <WRAP round box 60%>
-[…] het hart zich tegen zijne schilderingen verzet. Zeker, zoo het waar is, dat de gevoeligheid van hart alleen den Dichter maakt, geene verdienste in eenig ander punt, zelfs niet de rijkste Dichterlijke verbeelding, kan een  zoodanig gebrek vergoeden. Neem der Non hare kuischheid, den Held zijnen moed, en den Dichter de tederheid van hart af, en zie dan wat er overblijft[("[…] le cœur résiste à ses tableaux. Or, s'il est vrai que la sensibilité du cœur fait seule le poète, aucun autre mérite ne peut compenser ce manque, pas même la plus riche imagination poétique. Retirez à la nonne sa chasteté, au héros son courage et au poète un cœur tendre, et voyez s'il reste quelque chose", //ibid//.)]+[…] het hart zich tegen zijne schilderingen verzet. Zeker, zoo het waar is, dat de gevoeligheid van hart alleen den Dichter maakt, geene verdienste in eenig ander punt, zelfs niet de rijkste Dichterlijke verbeelding, kan een  zoodanig gebrek vergoeden. Neem der Non hare kuischheid, den Held zijnen moed, en den Dichter de tederheid van hart af, en zie dan wat er overblijft[("[…] le cœur résiste à ses tableaux. Or, s'il est vrai que la sensibilité du cœur fait seule le poète, aucun autre mérite ne peut compenser ce manque, pas même la plus riche imagination poétique. Retirez à la nonne sa chasteté, au héros son courage et au poète un cœur tendre, et voyez s'il reste quelque chose", //ibid//.)](nbsp)
 </WRAP> </WRAP>
  
-Bilderdijk passe ensuite rapidement sur d'autres réserves, car elles ne concernent plus le caractère poétique ou non du texte. Il juge que Delille oscille politiquement entre deux parties (probablement celle de la monarchie et celle des anciens philosophes) en cherchant à les ménager l'une et l'autre. À nouveau, il lui reproche de professer des idées religieuses corrompues, de trop citer les auteurs qu'il a imités et de produire des fictions languissantes, traits qu'il rattache cependant une dernière fois à l'absence de sentiment vrai qu'il croit trouver dans le texte(nbsp): ce "continuel manque de chaleur" ("het doorgaand gebrek aan warmte[(//Id//., p. 70.)]") ne serait pas sensible dans un texte réellement jailli de la poitrine de son auteur.+Bilderdijk passe ensuite rapidement sur d'autres réserves, car elles ne concernent plus le caractère poétique ou non du texte. Il juge que Delille oscille politiquement entre deux partis (probablement celui de la monarchie et celui des anciens philosophes) en cherchant à les ménager l'une et l'autre. À nouveau, il lui reproche de professer des idées religieuses corrompues, de trop citer les auteurs qu'il a imités et de produire des fictions languissantes, traits qu'il rattache cependant une dernière fois à l'absence de sentiment vrai qu'il croit trouver dans le texte(nbsp): ce "continuel manque de chaleur" ("het doorgaand gebrek aan warmte[(//Id//., p. 70.)]") ne serait pas sensible dans un texte réellement jailli de la poitrine de son auteur.
  
 La **conclusion** est cinglante(nbsp): Delille est "un beau, un excellent //versificateur//, et rien qu'un très médiocre poète" ("een schoon, een uitmuntend //Versificateur//, en niet dan een zeer middelmatig Dichter[(//Id//., p. 71.)]"). La **conclusion** est cinglante(nbsp): Delille est "un beau, un excellent //versificateur//, et rien qu'un très médiocre poète" ("een schoon, een uitmuntend //Versificateur//, en niet dan een zeer middelmatig Dichter[(//Id//., p. 71.)]").
Ligne 195: Ligne 195:
 L'entreprise de Bilderdijk fut encore **violemment dénoncée**, en 1804, par son compatriote Jan Hendrik Kraane, dans sa [[kraanelitterature|Littérature française, poëme en quatre chants]]. L'entreprise de Bilderdijk fut encore **violemment dénoncée**, en 1804, par son compatriote Jan Hendrik Kraane, dans sa [[kraanelitterature|Littérature française, poëme en quatre chants]].
  
-Mais elle fit l'objet d'une **seconde édition**, en 1821, à Rotterdam[(Willem Bilderdijk, //Het buitenleven, in vier zangen (gevolgd naar L'Homme des champs ou les géorgiques françaises, van den Abbé Delille). Tweede Druk//, Rotterdam, J. Immmerzeel junior, 1821.)] et fut aussi régulièrement reprise dans les œuvres complètes de Bilderdijk. En effet, cette réécriture a souvent être présentée par les biographes ultérieurs du poète néerlandais comme **une version en soi supérieure au texte original** de Delille.+Mais cette traduction fit l'objet d'une **seconde édition**, en 1821, à Rotterdam[(Willem Bilderdijk, //Het buitenleven, in vier zangen (gevolgd naar L'Homme des champs ou les géorgiques françaises, van den Abbé Delille). Tweede Druk//, Rotterdam, J. Immmerzeel junior, 1821.)] et fut aussi régulièrement reprise dans les œuvres complètes de Bilderdijk. En effet, cette réécriture a souvent être présentée par les biographes ultérieurs du poète néerlandais comme **une version en soi supérieure au texte original** de Delille.
 ===== Liens externes =====  ===== Liens externes =====