berlepschalpes

Différences

Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.

Lien vers cette vue comparative

Les deux révisions précédentes Révision précédente
Prochaine révision
Révision précédente
berlepschalpes [2017/11/19 15:10] – [Présentation de l'œuvre] Hugues Marchalberlepschalpes [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
Ligne 4: Ligne 4:
 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-Publié en 1861, l'ouvrage d'Hermann Alexander von Berlepsch, //Die Alpen, in Natur- und Lebensbildern// est un succès de librairie traduit dès 1862 en anglais, puis en 1868 en français, sous le titre //Les Alpes : descriptions et récits//. Comme l'indique le titre allemand, qui signifie littéralement "Les Alpes, par images de la nature et des mœurs", le texte de Berlepsch s'y combine à des illustrations dues à E. Rittmeyer, dont le nombre varie selon les éditions.+Publié en 1861, l'ouvrage d'[[berlepsch|Hermann Alexander von Berlepsch]], //Die Alpen, in Natur- und Lebensbildern// est un succès de librairie traduit dès 1862 en anglais, puis en 1868 en français, sous le titre //Les Alpes(nbsp): descriptions et récits//. Comme l'indique le titre allemand, qui signifie littéralement "Les Alpes, par images de la nature et des mœurs", le texte de Berlepsch s'y combine à des illustrations dues à E. Rittmeyer, dont le nombre varie selon les éditions.
  
-Dans la version originale, Berlepsch cite régulièrement des vers, souvent en épigraphe ou à la fin de ses chapitres. Dans cet ouvrage **tenant à la fois de la vulgarisation et de la littérature**, ces extraits servent à la fois à orner le propos, scander la prose explicative et établir le statut d'objet culturel des paysages évoqués. Mais aucune des deux traductions ne les conserve. Toutefois, alors que la plupart de ces pauses disparaissent entièrement de l'édition anglaise, les éditeurs de la version françaisefont le choix de leur substituer des vers eux-mêmes tirés d'auteurs francophones, et notamment de Delille.+Dans la version originale, Berlepsch cite régulièrement des vers, souvent en épigraphe ou à la fin de ses chapitres. Dans cet ouvrage **tenant de la vulgarisation et de la littérature**[(En matière de sciences, Berlepsch aborde notamment la géologie, la géographie physique et la botanique.)], ces extraits servent à la fois à orner le propos, scander la prose explicative et établir le statut d'objet culturel des paysages évoqués. Aucune des deux traductions ne les conserve. Toutefois, alors que la plupart de ces pauses disparaissent entièrement de l'édition anglaise, les éditeurs de la version française font le choix de leur **substituer des vers eux-mêmes tirés d'auteurs francophone**s, et notamment de Delille.
 ===== Citation 1 ===== ===== Citation 1 =====
  
-Albanis-Beaumont cite le troisième chant de //L'Homme des champs// lorsqu'il évoque le panorama formé par les chaînes de montagnes. Les vers de Delille servent à la fois d'illustration et de caution à son proposqui insiste sur le **sublime** d'un tel paysage.+//L'Homme des champs// reçoit une place de choix, puisqu'il vient remplacer une citation plus courte d'un poème de Knebelafin de fournir l'épigraphe du premier chapitre.
    
 <WRAP round box 60%> <WRAP round box 60%>
-<tab>Si, vaincu par la curiosité, le voyageur naturaliste parvient, à force de fatigues, de peines, et de dangers, à se trouver au soleil levant sur une de ces hautes piques des Alpes, combien n'en est-il pas dédommagé par l'agréable surprise et l'admiration que lui cause le sublime tableau que la nature semble graduellement dérouler sous ses yeux, comme pour lui ménager la sensation qu'il doit éprouver, et l'excès de son enthousiasme! Ses yeux se portent d'abord avec une espece d'effroi sur une suite de précipices affreux, de vallées profondes et étroites où s'engouffrent avec fracas et impétuosité des torrents, dont les eaux, couvertes d'écume argentée, offrent un contraste agréable avec la couleur foncée des sapins et des méleses qui couvrent les flancs abruptes [//sic//] des montagnes latérales; tandis que sa vue portée un peu plus loin, se promene délicieusement sur une succession de riantes collines et de charmants vallons, qui, à l'abri des vents du nord, offrent l'aspect de la végétation la plus active\ ; il apperçoit aussi une foule de petits hameaux épars çà et là, entourés de riches vignobles et d'agréables vergers\ : mais ce qui captive encore plus son attention, c'est ce passage graduel de la végétation la plus luxurieuse et prolifique, à la nature éteinte, s'il m'est permis de me servir de cette expression, où des glaciers immenses s'étendent à perte de vue, et forment avec les pyramides de granit, qui s'élevent majestueusement au-dessus de leur surface, le labyrinthe le plus vaste et le plus sublime, dont l'ensemble rappelle ces charmants vers du poëme sur l'Helvétie\ :+<tab><tab><tab>LES ALPES. 
 +\\ <tab><tab><tab>CARACTÈRES GÉNÉRAUX.
  
-<tab>« Salutpompeux Juraterrible Montanvert,  +\\ <tab><tab>Sur ces vastes rochers confusément épars 
-\\ <tab>« De neige et de glaçons entassements énormes,  +\\ <tab><tab>Je crois voir le génie appeler tous les arts.  
-\\ <tab>« Du temple des frimas colonnades informes,  +\\ <tab><tab>Le peintre y vient cherchersous des teintes sans nombre,  
-\\ <tab>« Prismes éblouissantsdont les pans azurés,  +\\ <tab><tab>Les jets de la lumière et les masses de l'ombre.  
-\\ <tab>« Défiant le soleil dont ils sont colorés,  +\\ <tab><tab>Le poète y conçoit de plus sublimes chants;  
-\\ <tab>« Peignent de pourpre et d'or leur éclatante masse\ ;  +\\ <tab><tab>Le sage y voit des mœurs les spectacles touchants.  
-\\ <tab>« Tandis quetriomphant sur son trône de glace,  +\\ <tab><tab>Les siècles autour d'eux ont passé comme une heure,  
-\\ <tab>« L'hiver s'enorgueillit de voir l'astre du jour  +\\ <tab><tab>Et l'aigle et l'homme libre en aiment la demeure.  
-\\ <tab>« Embellir son palais et composer sa cour» +\\ <tab><tab>Et vousvous y venez, d'un oeil observateur,  
 +\\ <tab><tab>Admirer dans ses plans l'éternel Créateur.  
 +\\ <tab><tab>le temps a tracé les annales du monde.  
 +\\ <tab><tab>Vous distinguez ces monts, lents ouvrages de l'onde,  
 +\\ <tab><tab>Ceux que des feux soudains ont lancés dans les airs,  
 +\\ <tab><tab>Et les monts primitifs nés avec l'univers(nbsp);  
 +\\ <tab><tab>Vous fouillez dans leur seinvous percez leur structure,  
 +\\ <tab><tab>Vous y voyez empreints Dieu, l'homme et la nature.  
 +\\ <tab><tab><tab><tab><tab>(DELILLE.)
  
-<tab>Le passage de la nature active à la nature éteinte est en plusieurs endroits si soudainqu'à peine l'image riante et délicieuse que ces premiers objets ont laissée dans la rétine de l'œil a-t-elle frappé l'ame du spectateur, qu'elle est spontanément effacée par un nouveau tableau qui se présente à ses yeuxoù sont peints avec les couleurs les plus fortes et les plus vraies les frimas glacés du Groënland, et les âpres déserts du nord de la Sibérie[(//Id.//, p. 83-84.)].+Les Alpes sont un des monuments les plus gigantesques de la créationmais pour les contempler dans toute leur majesté il ne suffit pas de pénétrer jusqu'aux premiers gradins de leurs vastes ramifications. Il faut, à travers les ruines et les décombres d'un monde primitif, sonder les abîmes, gravir les rocs escarpés, escalader les cimes, s'aventurer dans les labyrinthes des glaciers et des champs de neige, après avoir erré au bord des lacs limpides, sur les pentes fleuries qui encadrent les bruyantes cascades, ou dans la sombre solitude des forêts. Alors seulement l'œil peut admirer la sublimité de la nature alpestre, voir ce que celle-ci présente de magnifique et de terrible. C'est surtout au moment où les éléments sont déchaînés et où la charpente du globe semble ébranlée que la grandeur du spectacle se montrera dans toute sa majesté. Les Alpes présentent une telle profusion de formes et de nuances, un luxe si pompeux d'effets majestueux, que le spectateur reste accablé au premier momentpuis peu à peu il laisse, sous le charme d'une puissante émotion, errer ses regards sur la scène grandiose qui l'entoure, et chaque instant lui fait découvrir de nouveaux sujets d'étonnement et d'admiration. En présence de ces merveilles l'homme s'humilie devant le Créateur et l'adore, puis à cette impression mêlée de terreur vient s'ajouter un sentiment de calme et de paix, qui fait d'autant mieux apprécier ce qu'une telle nature offre de grand, d'imposant et d'admirable. 
 +\\ L'observateur se recueillant après cette contemplation s'efforce de comprendre, à l'aide de ces monuments qui marquent l'ère de la créationquelle puissance les a fait sortir des profondeurs de la terre pour les élever à la lumière. Il cherche à déterminer l'époque de la formation du globe par l'analyse de ces roches qui dévoilent la chronique du monde(nbsp); il étudie le mode et le but de l'existence de ces dernières. Alors ces masses inertes s'animeront pour lui et lui révêleront un vaste champ d'idées nouvelles, quoiqu'il soit encore impossible d'établir un système basé sur des données incontestables. Les diverses théories, qui ont été formées pour expliquer ces phénomènes, sont encore loin de résoudre les grands problèmes que soulèvent toutes ces questions, il faut donc se borner a des conjectures plus ou moins ingénieuses[(Hermann Alexander von Berlepsch, //Les Alpes(nbsp): descriptions et récits//, Bâle-Genève, H. Georg, 1868, p.(nbsp)1-2. Le nom du traducteur n'est pas indiqué.)].
 </WRAP> </WRAP>
  
-Vers concernés : [[chant3#v342|chant 3, vers 342-350]].+Vers concernés : [[chant3#v305|chant 3, vers 305-318]] et [[chant3#v327|327-328]].
  
-Delille n'est pas nommé. Deux ans après sa parutionAlbanis-Beaumont semble donc considérer que //L'Homme des champs// est assez célèbre pour que l'auteur des vers n'ait pas à être cité, ni même le titre du poème. Ce dernier est remplacé par une **curieuse périphrase**, "poëme sur l'Helvétie", qui semble assigner au texte source un nouveau thème dominant, la Suisse – une substitution qui suggère quepour nombre de lecteurs, l'exil de Delille pu conduire à traiter ses vers sur les Alpes comme un hommage aux seules régions suisses (alors qu'une partie de ce massifcomme du Jura, était déjà française).+Grâce à ce montage, le propos de Delille paraît glosé par celui de Berlepschqui évoque lui aussi **la sublimité des hauts reliefs, ainsi que leur valeur d'indice de la grandeur divine et d'enregistrement de l'histoire du globe**. Et la coupenon signaléede certains vers où Delille évoque la question technique des stratesrépond à la généralité de cette entrée en matière. Néanmoins, la traductionon l'a dit, n'a fait que remplacer le texte de Knepel par celui de //L'Homme des champs//(nbsp); on donc plutôt affaire ici à un choix judicieux, les éditeurs suisses ayant opté pour une citation en français offrant de nombreux parallélismes avec le texte de Berlepschplutôt que pour un équivalent du poème allemand figurant dans l'original.
  
-Le dernier paragraphe a l'intérêt de faire de la nature montagneuse un espace caractérisé par la **brusque juxtaposition d'aspects aux effets opposés**. Selon Albanis-Beaumont, le passage des "image[s] riante[s] et délicieuse[s]" aux sites "âpr[es]" où la "nature [paraît] éteinte" a lieu "soudainement" – un constat qui pourrait justifier la pratique de Delille, amateur de contrastes similaires.+On peut en juger en examinant ce dernier, puisque que Knebel insiste pour sa part sur un seul motif, la constante variation des formes naturelles(nbsp):
  
-Les autres volumes ne comportent pas de renvoi notre poète, sauf lorsque l'auteurdressant une liste succincte des personnalités célèbres de la régionévoque l'écrivain et éditeur "Michaud, l'ami de Jacques Delille[(//Id.//, partie\ 1, t.\ 2, 1802, p.\ 347.)]".+<WRAP round box 60%> 
 +\\ <tab><tab><tab><tab><tab>Die Natur  
 +\\ Vermag nicht unter ähnlicher Gestalt  
 +\\ Den Fortgenuß der Dinge zu gewähren.  
 +\\ Sie wechselt ihre Formen, und sie läßt  
 +\\ Des Einen Bild in andre übergehen,  
 +\\ Doch mit Verschiedenheit von Geist und Kraft.  
 +\\ So wächst der unermeßne Reichthum auf,  
 +\\ Und ewig zeigt sich eine andere,  
 +\\ Und doch dieselbe Welt.  
 +\\ <tab><tab><tab>Knebel[(Hermann Alexander von Berlepsch, //Die Alpen, in Natur- und Lebensbildern// [1861], Iéna, Hermann Costenoble, 4/^e^/ éd., 1871, p.(nbsp)1.)].  
 +</WRAP> 
 + 
 +Soit\ "La nature ne permet pas que le plaisir des choses se dissipe sous la répétition des apparences. Elle change ses formes et laisse un tableau se fondre dans un autre qui toutefois en diffère par l'esprit comme par la force. Ainsi son incommensurable richesse granditet un monde autre et pourtant identique se montre éternellement[(Nous traduisons. Ces vers ont extraits du poème "Durchmanta" de Karl Ludwig von Knebel (1744-1834)écrivain proche de Goethe, à qui l'on doit notamment une traduction de Lucrèce.)]"
 + 
 +===== Citation 2 ===== 
 + 
 +//L'Homme des champs// est encore sollicité pour l'épigraphe d'une section sur les glaciers. Fait notable, cette fois le traducteur **intervient sur le texte de Delille**, pour remplacer le mot "Jura" par le toponyme de "Mont-Blanc", accentuant ainsi l'adéquation entre les vers et le site évoqué par Berlepsch[(//Les Alpes(nbsp): descriptions et récits//, p.(nbsp)193.)]
 + 
 +{{::berlepsch.png?500|}} 
 + 
 +Vers concernés : [[chant3#v305|chant 3, vers 342-354]].
  
 +Les éditeurs de la version française ont encore emprunté à Delille deux extraits, cette fois tirés des //Jardins//(nbsp): l'un évoque une ruine[(//Id.//, p.(nbsp)53.)], l'autre la coupe des arbres[(//Id//., p.(nbsp)309.)]. Parmi les autres poètes mis à contribution figurent Chênedollé, Voltaire, André Chénier, Louis Racine ou encore Lamartine.
 ===== Liens externes ===== ===== Liens externes =====
  
-Accès à la numérisation du texte :  [[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6584511c/f137.image|Gallica]].+Accès à la numérisation du texte :  [[https://books.google.fr/books?pg=PA1&id=Xsk8AAAAcAAJ#v=onepage&q&f=false|GoogleBooks]].
  
 ---- ----
-Auteur de la page   --- //[[hugues.marchal@unibas.ch|Hugues Marchal]] 2017/05/12 18:04//+Auteur de la page   --- //[[hugues.marchal@unibas.ch|Hugues Marchal]] 2017/11/19 15:10//