Rassemblés par François-Léopold Marcou, les Morceaux choisis des classiques français forment une anthologie destinée aux lycéens. Deux tomes, consacrés respectivement aux prosateurs et aux poètes, paraissent au début des années 1880. L'ouvrage, que nous citons d'après une édition de 1883, est souvent republié jusqu'au début du 20e siècle.
Marcou, dans la perspective de publier un recueil utile aux étudiants et conforme au nouveau programme de l'enseignement des lettres, choisit de classer traditionnellement les extraits par siècles et par auteurs. La notice qu'il consacre à Delille prend acte de sa réception aux 18e et 19e siècles : “L'abbé Jacques Delille, d'Aigueperse, en Auvergne, a été pendant un demi-siècle le plus cité des poètes français1.” Cependant, note Marcou, la “révolution romantique a changé le goût du public2” et Delille est devenu un objet de railleries.
Marcou se souvient du passage de L'Homme des champs sur l'avalanche, souvent cité. Toutefois, le fragment qu'il retient se caractérise par sa brièveté : neuf alexandrins. Dans les années 1880, pour les étudiants qui utiliseront l'anthologie de Marcou, le poème de Delille se résumera donc à ces quelques vers relevant d'une esthétique sublime et mobilisant le procédé de l'harmonie imitative.
L'AVALANCHE3
. . . . . . . . . . . . . . . . .
Souvent sur ces hauteurs l'oiseau qui se repose
Détache un grain de neige. A ce léger fardeau,
Des grains dont il s'accroît se joint le poids nouveau ;
La neige autour de lui rapidement s'amasse ;
De moment en moment il augmente sa masse.
L'air en tremble, et soudain, s'écroulant à la fois,
Des hivers entassés l'épouvantable poids
Bondit de roc en roc, roule de cime en cime,
Et de sa chute immense ébranle au loin l'abîme4.
(L'Homme des champs, chant III5.)
Vers concernés : chant 3, vers 360-368
Accès à la numérisation du texte (Gallica)
Auteur de la page — Timothée Léchot 2019/06/17 19:30
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/16 22:23