Comme l'Académie française, l'académie toulousaine des Jeux floraux consacre des nécrologies laudatrices à ses membres après leurs décès, genre dans lequel se range cet “Éloge de M. l'abbé Reyniès de Rozières”, prononcé en 1821 par Pierre-Laurent Carré1.
Carré, qui fut l'élève de Delille au collège, à Paris, et qui se fit ensuite son émule en poésie, rend un hommage discret mais appuyé à L'Homme des champs, dans les premières lignes de ce discours sur un de ses confères mainteneurs2. L'évocation des tombes fleuries des Suisses est en effet une allusion limpide au chant 1 du poème de Delille3, et elle est suivie par une transposition presque littérale d'un des vers du chant\ 3, fragment que nous soulignons par des italiques.
Messieurs,
Tel est le sentiment d'affection que l'Académie porte à chacun de ses membres, qu'en les admettant dans son sein, elle consacre une pompe solennelle à leur réception ; et qu'elle prend l'engagement d'honorer leur mémoire, quand la loi commune, l'inévitable loi de la mort les enlève à l'estime et à l'amitié de leurs confrères.
Vous connaissez l'usage établi chez ces bons Helvétiens, chez ce peuple vertueux et paisible dont on a dit que l'aigle et l'homme libre chérissaient la demeure. Lorsqu'ils viennent de perdre un parent, ou un ami tendrement aimé, ils s'empressent de semer des fleurs sur sa tombe ; et là chaque printemps, ils viennent respirer dans le parfum d'une rose, l'âme de celui qui leur fut si cher. Ce culte ingénieux et tendre, ce culte auquel sourit la nature, il me semble que l'Académie le renouvelle dans ses éloges funèbres. C'est un parterre où tout respire la plus touchante mélancolie, et où chacun peut lire la fragilité des choses humaines et le bonheur de laisser après soi de justes regrets.
Tels sont ceux que nous fait éprouver le confrère l'objet de cet éloge4.
Vers concerné : chant 3, vers 312.
Il semble évident qu'ici, Carré jugeait son auditoire en mesure de saisir sans peine le jeu intertextuel.