La Littérature française au dix-neuvième siècle, dont la première édition débute en 1882, est un ouvrage d'histoire littéraire de Paul Albert, professeur au Collège de France. Dans les pages qu'il consacre à Delille, ce dernier entend évaluer la justesse du jugement négatif porté par les romantiques sur un écrivain dont il souligne le statut éminent de son temps : “chef de chœur”, “modèle”, Delille, rappelle-t-il, fut “pendant cinquante ans (1770-1825) […] le poète, la poésie même1”.
Mais Albert reconduit très largement la condamnation romantique.
Pour l'historien, Delille fut incapable de comprendre la nature autrement qu'à travers ses lectures ou la “campagne en toilette”, la “Suisse en miniature2” de Trianon. Ce qui le conduit à évoquer L'Homme des champs et à adjoindre à ce titre une note moqueuse :
Grâce à lui, on est l'homme des champs, c'est à dire le citadin en villégiature (1).
(1) Delille se croyait pourtant, ô illusion, le poète de la nature ; car il reprochait à Buffon de ne pas l'avoir assez observée :
Mais il quitta trop peu sa retraite profonde :
Des bosquets de Monbar Buffon jugeoit le monde ;
A des yeux étrangers se confiait [sic] en vain,
Il vit peu par lui-même et, tel qu’un souverain,
De loin et sur la foi d’une vaine peinture,
Par ses ambassadeurs courtisa la nature3.
Vers concernés : chant 3, vers 179-184
Auteur de la page — Hugues Marchal 2018/08/18 19:25
Relecture — Morgane Tironi 2022/08/18 16:26