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illustrations [2017/05/17 13:12] Sophie Christeillustrations [2017/12/09 09:41] – [4. Exemple de réception iconographique négative: la caricature] Sophie Christe
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 ====== Les illustrations ====== ====== Les illustrations ======
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 +<WRAP important>**En cours de rédaction.**</WRAP>
  
 Dès le milieu du 18e siècle, parallèlement à la réduction des coûts d’exploitation, le livre illustré connaît un tournant dans son destin. « Un nouveau marché émerge, celui de l'estampe, qui capte non plus seulement l'aristocratie mais la bourgeoisie : dans cette perspective, le livre illustré devient un objet de convoitise, le signe d'une élévation dans l'échelle sociale »[(Wikipédia: "Histoire du livre", chapitre "Illustrations et bibliophilie", consulté le 15 mai 2017, [[https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_livre#Transformation_de_l.27.C3.A9dition_du_livre_au_XIIe.C2.A0si.C3.A8cle|lien]].)]. Les images dans le livre, encouragées par l’idéal romantique de rencontre entre l’artiste et l’écrivain [(Le Men et Moréteau: "Illustration" dans Encyclopédie Universalis (en ligne), consulté le 15 mai 2017, [[http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/illustration/ Dès le milieu du 18e siècle, parallèlement à la réduction des coûts d’exploitation, le livre illustré connaît un tournant dans son destin. « Un nouveau marché émerge, celui de l'estampe, qui capte non plus seulement l'aristocratie mais la bourgeoisie : dans cette perspective, le livre illustré devient un objet de convoitise, le signe d'une élévation dans l'échelle sociale »[(Wikipédia: "Histoire du livre", chapitre "Illustrations et bibliophilie", consulté le 15 mai 2017, [[https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_livre#Transformation_de_l.27.C3.A9dition_du_livre_au_XIIe.C2.A0si.C3.A8cle|lien]].)]. Les images dans le livre, encouragées par l’idéal romantique de rencontre entre l’artiste et l’écrivain [(Le Men et Moréteau: "Illustration" dans Encyclopédie Universalis (en ligne), consulté le 15 mai 2017, [[http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/illustration/
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-===== Les éditions illustrées de l'Homme des champs =====+===== 1. Les éditions illustrées de l'Homme des champs =====
  
-Dans la première édition de 1800, le chant 3 est illustré par une gravure de Christophe Guérin représentant la découverte de la pervenche et sous-titrée d’un tronçon du vers 441.  +==== 1.1 Un premier thème: l'herborisation ==== 
-{{ :gue_rin_pervenche.png?200 |}} {{ ::gue_rin_herboristes.png?300|}}+ 
 +Dans la première édition de 1800, le chant 3 de l’Homme des champs est illustré par une gravure de Christophe Guérin représentant la découverte de la pervenche et sous-titrée d’une fraction du vers 441.  
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 +{{ :gue_rin_pervenche.png?200 |}} 
 <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> Christophe Guérin, Chant III, vers 415[(Reproduction de l'image à partir de Delille, Jacques: //L'Homme des champs ou les géorgiques françoises//, Mettra, Berlin, 1800, p. 106.)]  <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> Christophe Guérin, Chant III, vers 415[(Reproduction de l'image à partir de Delille, Jacques: //L'Homme des champs ou les géorgiques françoises//, Mettra, Berlin, 1800, p. 106.)] 
  
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-Deux ans plus tard, l’édition de Levrault à Strasbourg utilise comme frontispice une autre gravure de Guérin représentant la scène de l’excursion botanique. Les vers utilisés comme légende laissent penser que Jussieu pourrait même se trouver parmi les personnages. +Cette scène se réfère aux vers 439 à 444 du chant 3:
  
 +<WRAP round box 60%>
 +Voyez quand la pervenche, en nos champs ignorée,
 +\\ Offre à Rousseau sa fleur si long-temps désirée ;
 +\\ La pervenche, grand Dieu ! la pervenche ! Soudain
 +\\ Il la couve des yeux, il y porte la main,
 +\\ Saisit sa douce proie : avec moins de tendresse
 +\\ L’amant voit, reconnoît, adore sa maîtresse. 
 +</WRAP>
  
 +En étudiant cette gravure, le lecteur de l’époque reconnaît immédiatement Rousseau sous les traits du personnage âgé situé en son centre. Le tricorne, le bouquet et la cane font en effet partie des attributs visuel de la figure de Rousseau herborisant. Par ailleurs, l’exclamation de joie « La pervanche!… », rehaussée par son ablation du vers, fait écho à un passage célèbre des Confessions (« ah voila de la pervenche ») au cours duquel la découverte de la fleur bleue fait ressurgir chez Rousseau le souvenir d’une promenade avec Mme de Warens. Cette relation intertextuelle entre les Confessions et L’Homme des champs permet d’identifier aussi les autres éléments insérés par Guérin dans l’image et que le chant 3 seul ne permet pas d’identifier: l’identité du second personnage ainsi que le paysage de montagne situé en arrière-plan. Par le fait, lors du fameux épisode des Confessions, Rousseau sillonne la région de Cressier à la recherche de plantes, accompagné de son ami Pierre-Alexandre DuPeyrou.
  
 +Deux ans plus tard, l’édition de Levrault à Strasbourg utilise comme frontispice une gravure reprenant le même thème, l’herborisation, mais sans mettre en scène Rousseau. Cette fois-ci, l’illustration représente une scène exclusive à l’Homme des champs, l’excursion botanique. 
  
  
-\\ +{{:gue_rin_herboristes.png?200|}} 
-\\ +Christophe Guérin, Chant III[(Reproduction de l'image à partir de Delille, Jacques: //L'Homme des champs ou les géorgiques françoises//, Levrault, Strasbourg, 1802, entre pp. 112 et 113.)] 
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-\\ +On y trouve de nombreux éléments évoqués dans les vers: la « troupe d’amis » (vers 408), le pique-nique, l’oiseau confiant, le cours d’eau rafraîchissant, jusqu’au chien égarant ses instincts chasseurs dans une gerbe de céréales. L’élément aquatique est central. À la place du Bacchus évoqué dans les [[chant3#v448|vers]], un homme aux pantalons retroussés cueille des nénuphars à pleines mains. Contrairement à l’illustration précédente qui plaçait l’humain au centre du tableau, dans cette scène, la nature occupe littéralement la moitié de l’espace. Un soin particulier est apporté aux détails de la végétation. Par ailleurs, les vers utilisés comme légende laissent penser que Jussieu serait à reconnaître sous les traits du personnage étudiant une plante. On retrouve en effet cette position d’étude dans un portrait du botaniste:  
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-\\ +{{::bernard_de_jussieu.jpg?200|}}[()]
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-Une autre scène d’herborisation orne le frontispice de la section  « Variantes (…) et morceaux ajoutés par l’auteuravec figures » de l’édition de Levrault publiée à Paris en 1804. De manière intéressantecette édition reprend le même extrait de vers que celle de 1802 évoquée précédemmentaccompagné cependant d’une gravure de Franz Ludwig Catel.+Pourtant, bien que les vers le désignent comme le sujet du tableau, Jussieu n’est pas mis en valeur par le dessin. Ses traits sont à peine visibles sous l’ombre du feuillage. Un éclairage local sur le centre droit fait apparaître de manière presque encyclopédique certains objetstels que les outils de récolte, la nappe de pique-nique, l’homme assis au pied de l’arbre ainsi que le feuillagetandis qu’une demi-ombre gomme le restant des personnagesles fondant dans la verdure qui les entoure. À tel point que le lecteur doit adopter une attitude d’herboriste dans la lecture de l’image.
  
-<tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab>Christophe Guérin, Chant III[(Reproduction de l'image à partir de Delille, Jacques: //L'Homme des champs ou les géorgiques françoises//, Levrault, Strasbourg, 1802, entre pp112 et 113.)]+Une autre scène d’herborisation orne le frontispice de la section « Variantes (…) et morceaux ajoutés par l’auteur, avec figures » de l’édition de Levrault publiée à Paris en 1804. De manière intéressantecette édition reprend le même extrait de vers que celle de 1802 évoquée précédemmentaccompagné cependant d’une gravure de Franz Ludwig CatelIci, la scène de la cueillette n’illustre plus uniquement le chant 3, mais devient représentative de l’intégralité du poème
  
 {{ ::catel_herboristes.jpg?200 |}} {{ ::catel_herboristes.jpg?200 |}}
 <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> Franz Ludwid Catel, (l'herborisation)[(Reproduction de l'image à partir de Delille, Jacques: //L'Homme des champs ou les géorgiques françaises//, Levrault, Schoell & Cie, Paris, 1804, entre pp. 112 et 113.)] <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> Franz Ludwid Catel, (l'herborisation)[(Reproduction de l'image à partir de Delille, Jacques: //L'Homme des champs ou les géorgiques françaises//, Levrault, Schoell & Cie, Paris, 1804, entre pp. 112 et 113.)]
  
-Là encoreon pourrait être tenté de reconnaître le « sage » dont parlent les vers dans le personnage qui se distingue des autres par le blanc de ses cheveux. Par ailleursla scène de la cueillette nillustre plus seulement le chant 3, mais devient représentative de l’intégralité du poème.+L’image partage de nombreuses similarités avec celle de Guérin. On y retrouve la figure de Jussieusage aux cheveux blancs inspectant une plante, qui constitue clairement chez Catel le centre de la scène en concentrant l’attention des personnages. Cependant, le trait rend l’ensemble plus naïf que chez Guérin. Les personnages semblent plus guindés et moins actifs. La symbiose entre les hommes et la nature est aussi moins évidente que dans l’image de Guérin: Jussieu paraît même être assis dans un fauteuil.  
 +En comparant les deux images, un détail supplémentaire attire l’attention: les deux personnages, l’un debout tenant une cane, l’autre courbé vers le sol, se retrouvent dans l’arrière plan des deux gravures. Peut-on y voir le spectre de Rousseau? Une chose est certainecest que l’on peut observer une filiation dans ces premières illustrations du chant 3 qui dépasse l’oeuvre de l’Homme des champs
  
-Les versions corrigées, augmentées et accompagnées de figures que promettent les nouvelles éditions de l’Homme des champs dès 1805 ne modifient en fait pas beaucoup les illustrations. Le quarto de 1805, par exemple, reprend la scène d’herborisation de Guérin. En raison du format, les vers accompagnant l’image ne sont pas inclus. L’édition de 1807, quant à elle, déplace simplement la cueillette de Catel en frontispice du chant 3. La plus grande innovation nous vient de notre édition de référence. Deux nouvelles vignettes sont introduites en début de chant: la première dépeint une station thermale, tandis que la deuxième met en scène l’auteur et sa chatte Raton. Le frontispice du chant 3 est lui aussi inédit et représente l’ermite devant le village détruit.+La scène de l’expédition botanique s’impose comme une représentation iconographique fondamentale de l’Homme des champs. En plus de se prêter à la réalisation esthétique d’un tableau bucolique, l’herborisation allie science et plaisir, un objectif central dans la démarche pédagogique de Delille. L’instauration de ce lien par la littérature s’immortalise particulièrement dans la découverte de la pervenche. Pour le lecteur, ce motif provoque alors l’effet d’une mise en abîme de ses propres souvenirs de lectures. Ainsi, à travers l’association avec les grands patrons que représentent Rousseau et Jussieu, les illustrateurs inscrivent le chant 3 dans une tradition scientifique, littéraire et iconographique.    
 +Des deux graveurs, Guérin rejoint le plus le projet de Delille en accordant une place grandissante à la nature jusqu’à mettre en scène un Rousseau rattrapé par les ans, ainsi qu’un Jussieu plongé dans l’ombre de son sujet. Il va même plus loin en compensant les allusions mythologiques de Delille par des personnage en chair et en os. Car aussi bien Guérin que Catel comprennent l’importance des présences humaines dans les tableaux pour instaurer une dimension plaisante et émotionnelle dans ce poème qui se veut dépourvu d’hommes.  
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 +==== 1.2 L’édition augmentée de 1805 ==== 
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 +Les versions corrigées, augmentées et accompagnées de figures que promettent les nouvelles éditions de l’Homme des champs dès 1805 ne modifient en fait pas beaucoup les illustrations. Le quarto de 1805, par exemple, reprend la scène d’herborisation de Guérin. En raison du format, les vers accompagnant l’image ne sont pas inclus. L’édition de 1807, quant à elle, déplace simplement la cueillette de Catel en frontispice du chant 3. La plus grande innovation nous vient de notre édition de référence. Deux nouvelles vignettes sont introduites en début de chant: la première dépeint une station thermale, tandis que la deuxième met en scène l’auteur et sa chatte Raton. Le frontispice du chant 3 est lui aussi inédit et représente l’ermite devant le village détruit. 
    
 <tab>{{:chant3vignette1.png?300|}}<tab> {{:chant3vignette2.png?300|}} <tab>{{:chant3gravure.png?200|}} <tab>{{:chant3vignette1.png?300|}}<tab> {{:chant3vignette2.png?300|}} <tab>{{:chant3gravure.png?200|}}
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 <tab>(difficilement lisible), (station thermale)[(Delille, Jacques: "L'homme des champs, ou Les Géorgiques françoises. Nouvelle édition augmentée, avec figures", Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1805, p. 94.)] <tab> <tab> <tab> <tab>Anonyme, (Raton)[(Delille, Jacques: "L'homme des champs, ou Les Géorgiques françoises. Nouvelle édition augmentée, avec figures", Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1805, p. 95.)] <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab><tab>Franz Ludwig Catel, (l'ermite)[(Delille, Jacques: "L'homme des champs, ou Les Géorgiques françoises. Nouvelle édition augmentée, avec figures", Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1805, entre pp. 92 et 93.)] <tab>(difficilement lisible), (station thermale)[(Delille, Jacques: "L'homme des champs, ou Les Géorgiques françoises. Nouvelle édition augmentée, avec figures", Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1805, p. 94.)] <tab> <tab> <tab> <tab>Anonyme, (Raton)[(Delille, Jacques: "L'homme des champs, ou Les Géorgiques françoises. Nouvelle édition augmentée, avec figures", Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1805, p. 95.)] <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab> <tab><tab>Franz Ludwig Catel, (l'ermite)[(Delille, Jacques: "L'homme des champs, ou Les Géorgiques françoises. Nouvelle édition augmentée, avec figures", Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1805, entre pp. 92 et 93.)]
  
 +Là encore, et cela peut surprendre dans un poème scientifique, l’humain est omniprésent. La scène de la station thermale en particulier, est bondée. Par ailleurs, sa présence même en frontispice est surprenante, ce motif étant marginal et plutôt railleur dans le poème. Cet « Elysée au milieu des Enfers » (v. 298) où débarque chaque printemps un « essaim de fous » qui « Tous, lassant de leurs maux valets, amis, voisins,/ Veulent être guéris, mais sur-tout être plaints ». Tous les personnages évoqués sont là: les vieillards, les soldats éclopés, les belles vaporeuses et même le dieu médecin antique. 
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 +La lumière met en valeur la face humanisée du félin, ainsi qu’un cerf qui semble se pâmer dans l’intérieur du poète. Chat apporte sa patte au poète, mais, tout comme dans le poème, tout semble se dérouler depuis sa perspective
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 +L’ermite, narrateur de la catastrophe, montre le chemin vers le village détruit. Certains éléments architecturaux (colonnes, remparts) rappellent plutôt l’Antiquité, et par là la catastrophe de Pompéi et d’Herculanum évoquée précédemment dans le poème. La chapelle surplombe le village est est elle-même dominée par la montagne, introduisant une hiérarchie entre l’homme, dieu et la nature. 
 +Cette dernière image inspirera particulièrement les éditeurs, puisque elle se trouve aussi dans les éditions de 1808 et 1820, subissant des transformations mineures (l’image est encadrée dans l’édition de 1820 et le nom de l’artiste n’apparaît plus). 
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 +Ce cheminement à travers les éditions illustrées rôle équilibrant: les scènes choisies incluent toutes des présences humaines, qui apportent une touche émotionnelle au poème et le rend plus plaisant, tout en le normalisant.
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 +met en exergue la récurrence de deux motifs, apparemment jugés les plus aptes à représenter le chant 3: l’excursion botanique ainsi que l’ermite. Nous verrons qu’ils trouvent écho dans les représentations visuelles indépendantes des éditions de l’Homme des champs.
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 +===== 2. Les traductions illustrées =====
  
-Cette dernière image inspirera particulièrement les éditeurspuisque elle se trouve aussi dans les éditions de 1808 et 1820subissant des transformations mineures (limage est encadrée dans l’édition de 1820 et le nom de l’artiste n’apparaît plus).+En ce qui concerne d’éventuelles illustrations dans les traductions de l’Homme des champsnous n’avons pour l’heure que trouvé l’exemple de sa traduction néerlandaise, parue en 1803. Le chant 3 y est illustré par une vignette dépeignant elle aussi une cueillette botanique, mais dans un style qui se démarque des éditions françaises par sa mignardisation: la composition est idéalisée, les personnages sont de jeunes chérubins et le cadre rectangulaire qui borne usuellement la vignette est remplacé par une bordure délimitée par la végétation. En considérant le poème dans son ensembleon se rend compte quà chaque chant est allégoriquement attribué une saison. Ainsi, le chant 1 correspond au printemps, le chant 2 à l’été, et le chant 3 à l’automne. Dans ce contexte, il est donc moins étonnant de trouver en cul-de-lampe de notre chant une nature morte sur le thème de la chasse.
  
-En ce qui concerne d’éventuelles illustrations dans les traductions de l’Homme des champs, nous n’avons pour l’heure que trouvé l’exemple de sa traduction néerlandaise, parue en 1803. Le chant 3 y est illustré par une vignette dépeignant elle aussi une cueillette, mais dans un style qui se démarque des éditions françaises: le trait est simplifié, les personnages sont de jeunes enfants et le cadre rectangulaire qui borne usuellement la vignette est remplacé par une bordure délimitée par la végétation. En considérant le poème dans son ensemble, on se rend compte qu’à chaque chant est attribué une saison. Ainsi, le chant 1 correspond au printemps, le chant 2 à l’été, et le chant 3 à l’automne. Dans ce contexte, il est donc moins étonnant de trouver en cul-de-lampe de notre chant une nature morte sur le thème de la chasse. 
  
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-===== Les images satellites =====+===== 3. Les images satellites =====
  
 Nous avons vu que les deux motifs qui paraissent cristalliser le chant 3 pour les éditeurs ainsi que pour les artistes sont ceux de la confection de l’herbier lors d’une expédition à la campagne et l’ermite qui rapporte aux voyageurs le récit de la destruction d’un village. Leur notoriété semble s’être étendue aux autres représentations visuelles cultivant un lien de parenté avec les vers de Delille. Les tableaux et estampes qui composent notre corpus datent des années 1820 à 1860 et témoignent ainsi de la réception visuelle de l’Homme des champs plusieurs dizaines d’années après sa parution.  Nous avons vu que les deux motifs qui paraissent cristalliser le chant 3 pour les éditeurs ainsi que pour les artistes sont ceux de la confection de l’herbier lors d’une expédition à la campagne et l’ermite qui rapporte aux voyageurs le récit de la destruction d’un village. Leur notoriété semble s’être étendue aux autres représentations visuelles cultivant un lien de parenté avec les vers de Delille. Les tableaux et estampes qui composent notre corpus datent des années 1820 à 1860 et témoignent ainsi de la réception visuelle de l’Homme des champs plusieurs dizaines d’années après sa parution. 
  
-Le motif de l’herborisation étant intrinsèquement lié à la botanique, on peut s’attendre à trouver des allusions aux vers de Delille dans des livres collectant des planches botaniques. C’est en effet le cas des //Fleurs poétiques// de Pierre-Jacques-René Denne-Baron: en citant le passage sur l’herborisation dans sa préface, celui-ci lie son amour pour la nature à son admiration pour la poésie:  « […] je m'aperçois que l'amour de la nature me jette hors de mon sujet, et m'entraîne des fleurs aux arbres :revenons à nos fleurs, qui inspirèrent à notre Delille ces vers divins ». Mais la scène de l’herborisation évoque aussi une joyeuse expédition en groupe, atmosphère que René retrouve dans les parties de campagne en famille de son //Déjeuner sur l’herbe//, qui décalque en prose deux vers du passage dans l’Homme des champs. Le texte de René est accompagné d’une illustration intitulée «  Une halte de famille », signée Joliet, se démarquant des gravures que nous avons rencontrées jusqu’ici par la présence de personnages féminins et le focus sur le cercle qu’ils forment autour des enfants, sous la couverture d’une nature enveloppante et familière. Cette iconographie s’explique notamment par l’orientation catholique du journal, qui met la famille et Dieu au centre de son message.+Le motif de l’herborisation étant intrinsèquement lié à la botanique, on peut s’attendre à trouver des allusions aux vers de Delille dans des livres collectant des planches botaniques. C’est en effet le cas des //Fleurs poétiques// de Pierre-Jacques-René Denne-Baron: en citant le passage sur l’herborisation dans sa préface, celui-ci lie son amour pour la nature à son admiration pour la poésie:  « […] je m'aperçois que l'amour de la nature me jette hors de mon sujet, et m'entraîne des fleurs aux arbres :revenons à nos fleurs, qui inspirèrent à notre Delille ces vers divins ». Mais la scène de l’herborisation évoque aussi une joyeuse expédition en groupe, atmosphère que René retrouve dans les parties de campagne en famille de son //Déjeuner sur l’herbe//, qui décalque en prose deux vers du passage dans l’Homme des champs. Le texte de René est accompagné d’une illustration intitulée «  Une halte de famille », signée Joliet, se démarquant des gravures que nous avons rencontrées jusqu’ici par la présence de personnages féminins et le focus sur le cercle qu’ils forment autour des enfants, sous la couverture d’une nature enveloppante et familière. Cette iconographie proche de la traduction hollandaise étudiée précédemment s’explique notamment par l’orientation catholique du journal, qui met la famille et Dieu au centre de son message.
  
 {{ :rene_.jpg?200 |}} {{ :rene_.jpg?200 |}}
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 \\ Qui ne viennent à nous qu'apportés par l'orage\ ;  \\ Qui ne viennent à nous qu'apportés par l'orage\ ; 
 \\ Eponges, polypiers, madrépores, coraux,  \\ Eponges, polypiers, madrépores, coraux, 
-\\ Des insectes des mers miraculeux travaux +\\ (...
-\\ Que de fleuves obscurs y dérobent leur source\ !  +
-\\ Que de fleuves fameux y terminent leur course\ !  +
-\\ Tantôt, avec effroi, vous y suivez de l'œil  +
-\\ Ces monstres qui de loin semblent un vaste écueil\ :  +
-\\ Souvent avec Buffon vos yeux viennent y lire  +
-\\ Les révolutions de ce bruyant empire,  +
-\\ Ses courants, ses reflux, ces grands événements  +
-\\ Qui de l'axe incliné suivent les mouvements\ ;  +
-\\ Tous ces volcans éteints qui, du sein de la terre +
-\\ Jadis allaient aux cieux défier le tonnerre\ ;  +
-\\ Ceux dont le foyer brûle, au sein des flots amers;  +
-\\ Ceux dont la voûte ardente est la base des mers,  +
-\\ Et qui, peut-être un jour, sur les eaux écumantes,  +
-\\ Vomiront des rochers et des îles fumantes+
 \\ Peindrai-je ces vieux caps, sur les ondes pendants,  \\ Peindrai-je ces vieux caps, sur les ondes pendants, 
 \\ Ces golfes qu'à leur tour rongent les flots grondants\ ;  \\ Ces golfes qu'à leur tour rongent les flots grondants\ ; 
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 Si la longue citation débute par la terreur éprouvée devant la mer et se termine par une description des profondeurs sous-marines comme une sorte de négatif des Alpes, elle s’étend aussi sur l’exploitation naturaliste de l’océan, une dimension scientifique qui ne transparaît pas dans l’image.  Si la longue citation débute par la terreur éprouvée devant la mer et se termine par une description des profondeurs sous-marines comme une sorte de négatif des Alpes, elle s’étend aussi sur l’exploitation naturaliste de l’océan, une dimension scientifique qui ne transparaît pas dans l’image. 
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 +===== 4. Exemple de réception iconographique négative: la caricature =====
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 +L’Examen de l’Homme des champs par le littérateur révolutionnaire Pierre-Jean-Baptiste Chaussard, un ouvrage qui critique vertement le poème, recèle en frontispice une caricature anonyme de Delille. 
 +Delille y apparaît en équilibre sur une mince passerelle entre deux rivages. Le premier, vers lequel se tourne le poète, représente un monde chimérique, peuplé de créatures imaginaire (goules, sirènes, lampe magique), construit dans la symétrie et le marbre. Le second offre par contraste l’image du monde réel, un monde agricole caractérisé par la chaumière, un boeuf, des outils ainsi que le fruit des récoltes. 
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 +{{::chaussard.png?200 |}}
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 +Delille y est dépeint comme un aristocrate tournant le dos à la réalité, se protégeant du soleil au moyen d'une ridicule ombrelle et observant le monde à travers la perspective déformée et réduite d’une lunette. Cette caricature résume le portrait que brosse Chaussard de Delille: celui d’un partisan de l’imaginaire et du mauvais goût qui se tient à distance de son sujet. Les vers qui accompagnent l’image, tirés du premier chant de l’Homme des champs, se retournent contre leur auteur en apportant une preuve coupable de cette observation retenue: « Majestueux Eté pardonne a mon silence! / J’admire ton éclat mais crains ta violence ». Le chant 3 est incarné par la chatte Raton. La présence du félin rappelle la dédicace incongrue que Delille adresse à sa fidèle compagne en fin de chant.
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 ===== Œuvres visuelles concernées ===== ===== Œuvres visuelles concernées =====