hermitemarais

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hermitemarais [2017/11/13 15:35] – [Présentation de l’œuvre] Hugues Marchalhermitemarais [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 ====== L'Hermite du Marais, ou le rentier observateur ====== ====== L'Hermite du Marais, ou le rentier observateur ======
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 ===== Citation ===== ===== Citation =====
  
-Dans ce texte publié six ans après la mort de Delille, l'évocation du Collège de France offre l'occasion de revenir sur l'œuvre du poète qui y professa le latin. L'ermite montre qu'il a lu ses textes de près, puisqu'il évoque notamment le passage de //L'Homme des champs// consacré à la pervenche; mais peu de vers sont cités: c'est le **bilan général d'une carrière** qui est proposé ici, mêlant louanges, railleries et remarques beaucoup plus critiques. Delille y apparaît comme un lecteur hors pair de ses propres textes et un locuteur particulièrement sensible, mais aussi comme un écrivain content de rimer la prose des autres et bien inférieur à Racine ou Voltaire.+Dans ce texte publié six ans après la mort de Delille, l'évocation du Collège de France offre l'occasion de revenir sur l'œuvre de celui qui y enseigna la poésie latine. L'ermite montre qu'il a lu les textes de Delille de près, puisqu'il évoque notamment le passage de //L'Homme des champs// consacré à la pervenche(nbsp); mais peu de vers sont cités(nbsp): c'est le **bilan général d'une carrière** qui est proposé ici, mêlant louanges, railleries et remarques beaucoup plus critiques. Delille y apparaît comme un lecteur hors pair de ses propres textes et un locuteur particulièrement sensible, mais aussi comme un écrivain content de rimer la prose des autres et bien inférieur à Racine ou Voltaire.
  
 Fait notable toutefois, l'ermite imagine que ses réserves heurteront de nombreux delilliens "enthousiastes", signe que le poète est encore loin d'apparaître, à cette date, comme un auteur mineur et désuet. Fait notable toutefois, l'ermite imagine que ses réserves heurteront de nombreux delilliens "enthousiastes", signe que le poète est encore loin d'apparaître, à cette date, comme un auteur mineur et désuet.
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 <tab>Je reviens au collége [//sic//] de France.  <tab>Je reviens au collége [//sic//] de France. 
-\\ <tab>Delille y avait son logement; il y recevait ses disciples, ses enthousiastes, il y faisait ses lectures, ou plutôt il y déclamait ses vers. Mais peut-être le mot déclamer sera-t-il pris ici en mauvaise part, car Delille était un beau diseur. Les plus grands comédiens n'en approchaient pas; c'était une onction, une douceur, une harmonie; enfin, messieurs et dames s'y confondaient, s'y pâmaient. Venaient les descriptions si bien décrites, les tableaux si bien nuancés, si bien rendus, les sentences sur lesquelles le poëte appuyait à la //Voltaire//, très-beau diseur aussi, comme chacun sait. Mais ce qui surtout émouvait, touchait, arrachait des larmes, c'était la sensibilité du poète, sensibilité que le moindre émistiche [//sic//] excitait, mettait en train; la corde de la lyre était toujours mouillée, témoins ses vers. +\\ <tab>Delille y avait son logement(nbsp); il y recevait ses disciples, ses enthousiastes, il y faisait ses lectures, ou plutôt il y déclamait ses vers. Mais peut-être le mot déclamer sera-t-il pris ici en mauvaise part, car Delille était un beau diseur. Les plus grands comédiens n'en approchaient pas(nbsp); c'était une onction, une douceur, une harmonie(nbsp); enfin, messieurs et dames s'y confondaient, s'y pâmaient. Venaient les descriptions si bien décrites, les tableaux si bien nuancés, si bien rendus, les sentences sur lesquelles le poëte appuyait à la //Voltaire//, très-beau diseur aussi, comme chacun sait. Mais ce qui surtout émouvait, touchait, arrachait des larmes, c'était la sensibilité du poète, sensibilité que le moindre émistiche [//sic//] excitait, mettait en train(nbsp); la corde de la lyre était toujours mouillée, témoins ses vers. 
  
 <tab>Ô toi, douce pitié , sers mon tendre délire,  <tab>Ô toi, douce pitié , sers mon tendre délire, 
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 <tab>Ce qui, pour le dire en passant, devait un peu atténuer la force vibrante desdites cordes.  <tab>Ce qui, pour le dire en passant, devait un peu atténuer la force vibrante desdites cordes. 
-\\ <tab>Vous en voulez bien à Delille, me dira-t-on, ou plutôt vous le traitez bien à la légère! Il se peut, je l'ai lu pourtant, et je déclare que jeune, il m'a causé de très-vives émotions. Ses //Géorgiques// et ses //Jardins// trouveront toujours en moi un sincère admirateur. L'//Homme des Champs// où se rencontrent Rousseau  +\\ <tab>Vous en voulez bien à Delille, me dira-t-on, ou plutôt vous le traitez bien à la légère(nbsp)! Il se peut, je l'ai lu pourtant, et je déclare que jeune, il m'a causé de très-vives émotions. Ses //Géorgiques// et ses //Jardins// trouveront toujours en moi un sincère admirateur. L'//Homme des Champs// où se rencontrent Rousseau  
-et sa pervenche, me plaît aussi beaucoup; l'//Imagination//, le plus beau fleuron de la couronne de Delille, et celui de ses ouvrages où l'on trouve le plus de vers à retenir, sera encore relu par moi,  +et sa pervenche, me plaît aussi beaucoup(nbsp); l'//Imagination//, le plus beau fleuron de la couronne de Delille, et celui de ses ouvrages où l'on trouve le plus de vers à retenir, sera encore relu par moi,  
-et au moins deux fois chaque année; mais je repousserai les //Trois Règnes// qui n'offrent que des morceaux de prose et cousus et rimés; j'écarterai également la traduction de l'Enéide, également celle de l'ennuyeux poème dans lequel l'épisode le plus gracieux se trouve perdu au milieu des extravagances les plus folles et les plus rebutantes[(Il s'agit, comme le montre la suite, de la traduction du //Paradis perdu//.)]. En vérité, il fallait être bien tourmenté du démon de l'anglomanie , pour avoir la patience de faire parler en vers français les Astaroth, les Belzébut, et autres héros du //divin poème// du //divin Milton//. Hommes vraiment hommes, c'est à vous que je m'adresse. Dites-moi, si après avoir lu les beaux poèmes de //Rodogune//, et des //Horaces//[(//Rodogune// et //Horace// sont deux tragédies de Corneille.)], de //Britannicus//, et de //Phèdre//[(Pièces de Jean Racine.)], de //Mérope// et de la //Henriade//[(Tragédie et poème épique de Voltaire.)], il est possible de se plaire à la lecture du //Paradis Perdu//, même traduit par Delille, c'est-à-dire embelli autant que possible. +et au moins deux fois chaque année(nbsp); mais je repousserai les //Trois Règnes// qui n'offrent que des morceaux de prose et cousus et rimés(nbsp); j'écarterai également la traduction de l'Enéide, également celle de l'ennuyeux poème dans lequel l'épisode le plus gracieux se trouve perdu au milieu des extravagances les plus folles et les plus rebutantes[(Il s'agit, comme le montre la suite, de la traduction du //Paradis perdu//.)]. En vérité, il fallait être bien tourmenté du démon de l'anglomanie , pour avoir la patience de faire parler en vers français les Astaroth, les Belzébut, et autres héros du //divin poème// du //divin Milton//. Hommes vraiment hommes, c'est à vous que je m'adresse. Dites-moi, si après avoir lu les beaux poèmes de //Rodogune//, et des //Horaces//[(//Rodogune// et //Horace// sont deux tragédies de Corneille.)], de //Britannicus//, et de //Phèdre//[(Pièces de Jean Racine.)], de //Mérope// et de la //Henriade//[(Tragédie et poème épique de Voltaire.)], il est possible de se plaire à la lecture du //Paradis Perdu//, même traduit par Delille, c'est-à-dire embelli autant que possible. 
 \\ <tab>J'ajoute, pour dernier correctif, que Delille était né poète, qu'il avait l'âme très-élevée, qu'il possédait le goût du beau, et aussi une sorte de tact qui ne cessa point de le servir dans le choix qu'il fit, pour les versifier, des plus beaux passages des ouvrages de nos grands prosateurs, qu'il a mis à contribution avec un bonheur égal, peut-être, à celui qui a mérité à Boileau le titre de législateur du Parnasse français.  \\ <tab>J'ajoute, pour dernier correctif, que Delille était né poète, qu'il avait l'âme très-élevée, qu'il possédait le goût du beau, et aussi une sorte de tact qui ne cessa point de le servir dans le choix qu'il fit, pour les versifier, des plus beaux passages des ouvrages de nos grands prosateurs, qu'il a mis à contribution avec un bonheur égal, peut-être, à celui qui a mérité à Boileau le titre de législateur du Parnasse français. 
-\\ <tab>Après cela, messieurs les enthousiastes, si vous n'êtes pas satisfaits, si votre indignation vous agite par trop, soulagez-vous, confondez-moi, terrassez-moi; mais sachez qu'entendu par vous sur l'arène, vous m'entendrez encore vous dire, qu'il est permis de ne pas tout admirer dans Delille , et de lui préférer quelquefois la prose des Fénélon , des Pascal, des Buffon , des Jean-Jacques, des Bernardin de Saint-Pierre, qu'il a très-bien, mais très-inutilement versifiée[(//L'Hermite du Marais, ou le rentier observateur//, Paris, Laurens, t.II, 1819, p.147-151.)]. +\\ <tab>Après cela, messieurs les enthousiastes, si vous n'êtes pas satisfaits, si votre indignation vous agite par trop, soulagez-vous, confondez-moi, terrassez-moi(nbsp); mais sachez qu'entendu par vous sur l'arène, vous m'entendrez encore vous dire, qu'il est permis de ne pas tout admirer dans Delille , et de lui préférer quelquefois la prose des Fénélon , des Pascal, des Buffon , des Jean-Jacques, des Bernardin de Saint-Pierre, qu'il a très-bien, mais très-inutilement versifiée[(//L'Hermite du Marais, ou le rentier observateur//, Paris, Laurens, t.(nbsp)II, 1819, p.(nbsp)147-151.)]. 
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