carpentiergradus

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carpentiergradus [2022/08/07 14:23] – [Liens externes] Morgane Tironicarpentiergradus [2023/03/13 19:18] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 Les poèmes de Delille occupent une place considérable dans l'ouvrage de Carpentier, à côté des œuvres de Racine, Boileau, Voltaire et bien d'autres. Écrit par un ancien professeur de rhétorique, le //Gradus// atteste que Delille a acquis, neuf ans après sa mort, le statut d'un "classique", au sens d'un auteur qu'on lit dans les classes des écoles. Cependant, l'ouvrage n'est pas prioritairement destiné aux étudiants, mais "aux littérateurs, et principalement aux poètes"[("Avis du libraire", in Louis Carpentier, //Le Gradus français, ou Dictionnaire de la langue poétique, précédé d'un nouveau traité de la versification française et suivi d'un nouveau dictionnaire des rimes//, Paris, Alexandre Johanneau, 1822, //s. p.//)] pour les aider dans leurs compositions. Ayant **une forte visée prescriptive**, il constitue un manuel de poésie classique insensible à l'émergence d'une nouvelle poésie romantique. Delille y apparaît comme un modèle consacré quoique, à l'instar des autres poètes mentionnés, les défauts de sa versification soient parfois relevés[(Voir ci-dessous, les citations [[#citation_2|2]] et [[#citation_36|36]].)]. Les poèmes de Delille occupent une place considérable dans l'ouvrage de Carpentier, à côté des œuvres de Racine, Boileau, Voltaire et bien d'autres. Écrit par un ancien professeur de rhétorique, le //Gradus// atteste que Delille a acquis, neuf ans après sa mort, le statut d'un "classique", au sens d'un auteur qu'on lit dans les classes des écoles. Cependant, l'ouvrage n'est pas prioritairement destiné aux étudiants, mais "aux littérateurs, et principalement aux poètes"[("Avis du libraire", in Louis Carpentier, //Le Gradus français, ou Dictionnaire de la langue poétique, précédé d'un nouveau traité de la versification française et suivi d'un nouveau dictionnaire des rimes//, Paris, Alexandre Johanneau, 1822, //s. p.//)] pour les aider dans leurs compositions. Ayant **une forte visée prescriptive**, il constitue un manuel de poésie classique insensible à l'émergence d'une nouvelle poésie romantique. Delille y apparaît comme un modèle consacré quoique, à l'instar des autres poètes mentionnés, les défauts de sa versification soient parfois relevés[(Voir ci-dessous, les citations [[#citation_2|2]] et [[#citation_36|36]].)].
  
-Comme les citations rassemblées ci-après le suggèrent, **Carpentier "classicise" Delille** en omettant ses audaces poétiques. Dès les années 1770, Delille est félicité d'avoir su approprier à la poésie française des expressions et des notions réputées jusqu'alors trop basses pour pénétrer sur le terrain du vers. Dans le "Discours préliminaire" de sa traduction des //Géorgiques//, Delille s'appuie sur Virgile pour détruire le préjugé contre les "expressions populaires"[(Jacques Delille, //Les Géorgiques de Virgile, traduction nouvelle en vers françois, enrichie de Notes & de Figures ; Par M. Delille, Professeur de l'Université de Paris, au College de la Marche//, Paris, C. Bleuet, 1770, p. 24.)] et pour annuler la distinction entre les "termes nobles" et les "termes roturiers"[(//Id.//, p. 26.)] qui a eu l'effet d'appauvrir et d'affadir la langue de la poésie: "De-là la nécessité d'employer des circonlocutions timides, d'avoir recours à la lenteur des périphrases, enfin d'être long de peur d'être bas; [...]"[(//Id.//, p. 27-28.)]. Ce faisant, le poète ouvre une brèche dans l'esthétique classique régie par l'impératif de la bienséance. Loin de rappeler ces conquêtes, Carpentier présente Delille comme un champion de la périphrase, de la métonymie et, plus généralement, des expressions figurées qui évitent aux poètes de recourir à certains termes : dans les vers de Delille, //agaric// remplace opportunément //amadou//, //l'hôte léger des fleurs// ennoblit //papillon// et //les disciples de Flore// permet d'écarter le mot //botanistes//.+Comme les citations rassemblées ci-après le suggèrent, **Carpentier "classicise" Delille** en omettant ses audaces poétiques. Dès les années 1770, Delille est félicité d'avoir su approprier à la poésie française des expressions et des notions réputées jusqu'alors trop basses pour pénétrer sur le terrain du vers. Dans le "Discours préliminaire" de sa traduction des //Géorgiques//, Delille s'appuie sur Virgile pour détruire le préjugé contre les "expressions populaires"[(Jacques Delille, //Les Géorgiques de Virgile, traduction nouvelle en vers françois, enrichie de Notes & de Figures ; Par M. Delille, Professeur de l'Université de Paris, au College de la Marche//, Paris, C. Bleuet, 1770, p. 24.)] et pour annuler la distinction entre les "termes nobles" et les "termes roturiers"[(//Id.//, p. 26.)] qui a eu l'effet d'appauvrir et d'affadir la langue de la poésie(nbsp): "De-là la nécessité d'employer des circonlocutions timides, d'avoir recours à la lenteur des périphrases, enfin d'être long de peur d'être bas(nbsp); [...]"[(//Id.//, p. 27-28.)]. Ce faisant, le poète ouvre une brèche dans l'esthétique classique régie par l'impératif de la bienséance. Loin de rappeler ces conquêtes, Carpentier présente Delille comme un champion de la périphrase, de la métonymie et, plus généralement, des expressions figurées qui évitent aux poètes de recourir à certains termes : dans les vers de Delille, //agaric// remplace opportunément //amadou//, //l'hôte léger des fleurs// ennoblit //papillon// et //les disciples de Flore// permet d'écarter le mot //botanistes//.
  
 À l'égard des citations trouvées chez Delille, le //Gradus// sera **copié par des lexicographes ultérieurs** comme [[bescherelle|Louis-Nicolas Bescherelle]], l'auteur du [[bescherelledictionnaire|Dictionnaire national]] (1845-1847). Souvent, on retrouvera encore les mêmes citations dans le [[laroussegranddictionnaire|Grand Dictionnaire]] de [[larousse|Pierre Larousse]]. À l'égard des citations trouvées chez Delille, le //Gradus// sera **copié par des lexicographes ultérieurs** comme [[bescherelle|Louis-Nicolas Bescherelle]], l'auteur du [[bescherelledictionnaire|Dictionnaire national]] (1845-1847). Souvent, on retrouvera encore les mêmes citations dans le [[laroussegranddictionnaire|Grand Dictionnaire]] de [[larousse|Pierre Larousse]].
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-<tab>On ne peut nier que l'usage autorise la rencontre des voyelles devant les aspirations comme après les nasales, mais il est aussi incontestable que cette rencontre est une des plus grandes difformités de notre langue poétique; et l'aspiration, loin d'adoucir le heurt des voyelles, le rend au contraire plus sensible; ce n'est donc pas la réflexion seule qui fait trouver un //hiatus// dans le choc des voyelles nasales avec les voyelles simples, c'est au contraire l'habitude qui, en nous familiarisant en quelque sorte avec ces bâillements, fait que notre oreille les supporte avec moins de répugnance. Malgré l'autorité de l'usage, les vers suivants blesseront toujours une oreille délicate:+<tab>On ne peut nier que l'usage autorise la rencontre des voyelles devant les aspirations comme après les nasales, mais il est aussi incontestable que cette rencontre est une des plus grandes difformités de notre langue poétique(nbsp); et l'aspiration, loin d'adoucir le heurt des voyelles, le rend au contraire plus sensible(nbsp); ce n'est donc pas la réflexion seule qui fait trouver un //hiatus// dans le choc des voyelles nasales avec les voyelles simples, c'est au contraire l'habitude qui, en nous familiarisant en quelque sorte avec ces bâillements, fait que notre oreille les supporte avec moins de répugnance. Malgré l'autorité de l'usage, les vers suivants blesseront toujours une oreille délicate(nbsp):
  
 La grue //au haut// des airs naviguant sans boussole. \\ La grue //au haut// des airs naviguant sans boussole. \\