====== Recueil de poésies et de morceaux choisis de J. Delille ======
===== Présentation du texte =====
À l'automne 1800, peu après la sortie de la première édition de //L'Homme des champs//, le libraire parisien Giguet, assisté sans doute de Michaud, procure un //Recueil de poésies et de morceaux choisis de J. Delille// qui inclut plusieurs textes inédits du poète. L'ouvrage joue un rôle important dans l'histoire du texte pour trois raisons(nbsp):
* il imprime des vers qui avaient été **censurés** dans le quatrième chant de //L'Homme des champs//,
* il inclut, outre des vers en hommage à Delille, **plusieurs des critiques déjà parues dans la presse** au sujet du poème, ce qui conduit à la reproduction des vers et jugements contenus dans ces recensions[(Il s'agit des comptes rendus de [[fontanescompterendumercure|Fontanes]], [[millincompterendumagazinencyclopedique|Millin]], [[guinguenecompterendudecade|Ginguené]], [[colnetcompterendujournaldopposition|Colnet du Ravel]] et [[geoffroyhommedeschamps|Geoffroy]], qui occupent à eux seuls un peu moins de la moitié du volume. Voir //Recueil de poésies et de morceaux choisis de J. Delille//, Paris, Giguet, 1800, p.(nbsp)162-332.)],
* il les commente, produisant dans certains cas un **contre-discours** favorable à Delille.
Nous ne prendrons en compte ici qu'un **texte anonyme intitulé "Quelques observations sur la critique de Ginguené"**, qui fait suite à la reprise partielle de l'article que ce dernier avait consacré au poème dans la [[guinguenecompterendudecade|Décade philosophique]]. Cette réponse[(Anonyme, "Quelques observations sur la critique de Ginguené", //id//., p.(nbsp)273-284.)] attirera à son tour une [[clementrecueil|réponse ironique]], cette fois sous la plume de Clément.
===== Critique d'un critique =====
L'anonyme examine la plupart des réserves de Ginguené, en suivant le plan de son article, conforme à l'ordre de lecture du poème. Le chant 3 est donc abordé après les deux précédents. Le texte **s'adresse directement à Ginguené** et les passages qui lui sont empruntés sont composés en italiques(nbsp):
Sans faire grace au début du troisième chant (seulement parce qu'il est //moins heureux// que celui du second), vous soulignez avec soin le vers(nbsp):
Venez, le vrai génie est celui des Buffons.
Et plus bas, censurant le reproche que d'après tout les naturalistes, Delille fait à ce grand homme, d'avoir trop peu vu la nature par lui-même, vous vous demandez, //comment donc, pour expliquer cette même nature, le vrai génie peut être le sien ?// Comment donc (vous demanderons-nous à notre tour), n'avez-vous point apperçu que le génie //des Buffon// ne signifie point le génie de Buffon en particulier, mais celui des naturalistes en général(nbsp); et que l'auteur de l'histoire naturelle peut d'ailleurs avoir été moins bon observateur que grand écrivain et grand génie(nbsp)?
\\ Vous faites une querelle à Delille d'un vers plaisant(nbsp):
Sur ces rimeurs si fades,
\\ De qui les vers usés ont vieilli leurs Naïades.
Et vous observez qu'il a lui-même placé les naïades dans ses vers. Rangeriez-vous par hasard l'auteur des Jardins sur la même ligne que les rimeurs dont il parle(nbsp)?
\\ Dans le troisième chant comme dans le premier, vous avez pris le soin de refaire le plan de Delille, et vous lui conseillez une //prosopopée, où Buffon expliquerait lui-même son systême//. Eh(nbsp)! bon Dieu, qu'auriez-vous dit, si Delille eût fait cette prosopopée, vous, qui ne lui pardonnez même pas, à l'aspect des montagnes, de se rappeler les Alpes de la Suisse(nbsp)? et de s'écrier :
Salut(nbsp)! pompeux Jura(nbsp)! etc. etc.
Que dire de cette plaisanterie si juste et si piquante, à propos des trois règnes réunis dans un cabinet d'histoire naturelle, et, selon l'expression de Delille, //étonnez d'être ensemble//. Puisqu'ils doivent être, comme vous le dites, depuis long-tems revenus de leur surprise, nous allons être bien honteux d'avoir jusqu'ici si sottement admiré le vers où Voltaire nous peint les trois pouvoirs de l'Angleterre, //depuis six cents ans//
.... Etonnés du nœud qui les rassemble.
Votre humeur contre le poète s'est étendue jusques sur la fidelle compagne de sa solitude, sur //sa chatte Raton//. Oh(nbsp)! dans ces tems affreux, où l'homme ne voyoit plus dans l'homme qu'un étranger, souvent même qu'un ennemi, quel être sensible n'a pas quelquefois cherché dans les animaux, compagnons de notre vie, l'attachement et la fidélité qu'il ne trouvoit plus dans son semblable. Malheureux le cœur froid, qui peut lire ces vers de Delile, et n'être pas attendri[(//Id.//, p.(nbsp)279-282.)](nbsp)!
Vers concernés : [[chant3#v46|chant 3, vers 46]], [[chant3#v271|271-272]], [[chant3#v342|342]], [[chant3#v484|484]] et [[chant3#v635|635]]
\\ L'anonyme revient un peu plus loin sur les remarques que Ginguené avait placées à la fin de son compte rendu, et de nouveau, les choix du chant 3 sont défendus, à propos d'une proximité possible entre un des vers sur Buffon et un vers antérieur de Lebrun. Ginguené est en effet accusé de manière à peine voilée de céder à un **esprit de clique**(nbsp):
[…] ressassant un reproche que Delille lui-même craint d'avoir encouru, vous semblez l'accuser d'avoir, dans ce vers sur Buffon,
Eleva sept fanaux sur l'Océan des âges,
imité, avec connoissance de cause, cet autre vers de le Brun, peut-être moins admirable,
A posé sept flambeaux sur la route du Tems,
profitant ainsi, par un sentiment sans doute amical, de l'occasion de louer le poëte présent, aux dépens du poëte absent[(//Id.//, p.(nbsp)283-284.)].
Vers concernés : [[chant3#v176|chant 3, vers 176 et note 8]]
===== Lien externe =====
* Accès à la numérisation du texte(nbsp): [[https://books.google.ch/books?id=z0B-8tS_DqsC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|Google Books]].
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Auteur de la page --- //[[hugues.marchal@unibas.ch|Hugues Marchal]] 2019/04/29 10:52//
\\ Relecture --- //[[morgane.tironi@stud.unibas.ch|Morgane Tironi]] 2022/08/18 16:24//