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 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-L'"Examen impartial de L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises de Jacques Delille, & des principales critiques qui en ont été faites" paraît en deux livraisons, en avril et mai 1801, dans l'[[espritdesjournauxfr|Esprit des journaux français et étrangers]]. Ce compte rendu, signé par [[vidal|P. Vidal]], est un **article original**, bien que le périodique bruxellois qui l'accueille soit spécialisé dans la compilation des textes de presse. Il y tranche en outre par sa longueur, puisqu'il se déploie sur près de **soixante-dix pages**[(Vidal, "Examen impartial de L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises de Jacques Delille, & des principales critiques qui en ont été faites", //Esprit des journaux français et étrangers//, germinal an IX (avril 1801), p.(nbsp)73-122 et floréal an IX (mai 1801), p.(nbsp)73-110.)]. C'est que Vidal ne se contente pas d'émettre un avis sur le poème de Delille; il entend proposer une **synthèse d'envergure sur le texte et sa réception**.+L'"Examen impartial de L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises de Jacques Delille, & des principales critiques qui en ont été faites" paraît en deux livraisons, en avril et mai 1801, dans l'[[espritdesjournauxfr|Esprit des journaux français et étrangers]]. Ce compte rendu, signé par [[vidal|P. Vidal]], est un **article original**, bien que le périodique bruxellois qui l'accueille soit spécialisé dans la compilation des textes de presse. Il y tranche en outre par sa longueur, puisqu'il se déploie sur près de **soixante-dix pages**[(Vidal, "Examen impartial de L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises de Jacques Delille, & des principales critiques qui en ont été faites", //Esprit des journaux français et étrangers//, germinal an IX (avril 1801), p.(nbsp)73-122 et floréal an IX (mai 1801), p.(nbsp)73-110.)]. C'est que Vidal ne se contente pas d'émettre un avis sur le poème de Delille(nbsp); il entend proposer une **synthèse d'envergure sur le texte et sa réception**.
  
 ===== Une position surplombante ===== ===== Une position surplombante =====
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 ==== Les autres chants ==== ==== Les autres chants ====
  
-Dans sa revue du **chant 1**, Vidal s'agace de voir Delille revenir ici et là à sa propre activité, pour "se montrer la plume à la main[(//Id//., p. 86.)]; il signale des transitions forcées et il regrette que certains morceaux, comme la chasse au cerf, s'apparentent à de longs hors-d'œuvre. Mais il concède alors(nbsp): "je serais bien caché que l'auteur en retranchât un seul vers[(//Id//., p. 87.)]" et il note que certaines brusques oppositions déplorées par la critique lui ont paru apporter plutôt "un contraste fort heureux, & très-propre à répandre de la variété[(//Id//., p. 89.)]".+Dans sa revue du **chant 1**, Vidal s'agace de voir Delille revenir ici et là à sa propre activité, pour "se montrer la plume à la main[(//Id//., p. 86.)](nbsp); il signale des transitions forcées et il regrette que certains morceaux, comme la chasse au cerf, s'apparentent à de longs hors-d'œuvre. Mais il concède alors(nbsp): "je serais bien caché que l'auteur en retranchât un seul vers[(//Id//., p. 87.)]" et il note que certaines brusques oppositions déplorées par la critique lui ont paru apporter plutôt "un contraste fort heureux, & très-propre à répandre de la variété[(//Id//., p. 89.)]".
  
-Le **chant 2**, sur l'agriculture, lui semble "le seul auquel le titre de //Géorgique// puisse en quelque sorte convenir". Il est également clairement didactique et autrement mieux lié que le premier(nbsp): "Quant à l'enchaînement de ses parties, il a infiniment plus d'ordre que [le précédent], ce qui fait croire que l'auteur l'a composé sans interruption; avantage que l'autre n'a pas eu apparemment[(//Id//., p. 91.)]". Vidal qualifie sa "brillante exposition" de "sublime" et reproche à la //Décade// d'en avoir fait "une critique politique", puisqu'il tient pour sa part que\ : "Lorsqu'on lit un orme, il faut en examiner le mérite littéraire sans y mêler des opinions politiques[(//Id//., p. 92-93.)]." Le reste du chant est commenté avec éloge, et fait notable, Vidal défend l'épisode final contre les condamnations de nombreux critiques, notamment le //Moniteur//, dont il juge les observations ici "spécieuses[(//Id//., p. 96.)]". Sans être enthousiaste, Vidal juge que l'épisode n'est pas en soi disproportionné, pour lui les "îles flottantes" font bien partie des "phénomènes [de l']agriculture merveilleuse" que Delille a choisi de chanter, et loin de regretter que Delille n'ai pas mis en scène des divinités nordiques, comme Ossian, plutôt qu'un personnel antique, il regrette que le poète ne soit pas passé de ces personnages surnaturels, dont la convocation n'était pas exigée, selon lui, par le caractère "naturel" de l'événement peint[(//Id//., p. 97-98.)].+Le **chant 2**, sur l'agriculture, lui semble "le seul auquel le titre de //Géorgique// puisse en quelque sorte convenir". Il est également clairement didactique et autrement mieux lié que le premier(nbsp): "Quant à l'enchaînement de ses parties, il a infiniment plus d'ordre que [le précédent], ce qui fait croire que l'auteur l'a composé sans interruption(nbsp); avantage que l'autre n'a pas eu apparemment[(//Id//., p. 91.)]". Vidal qualifie sa "brillante exposition" de "sublime" et reproche à la //Décade// d'en avoir fait "une critique politique", puisqu'il tient pour sa part que\ : "Lorsqu'on lit un orme, il faut en examiner le mérite littéraire sans y mêler des opinions politiques[(//Id//., p. 92-93.)]." Le reste du chant est commenté avec éloge, et fait notable, Vidal défend l'épisode final contre les condamnations de nombreux critiques, notamment le //Moniteur//, dont il juge les observations ici "spécieuses[(//Id//., p. 96.)]". Sans être enthousiaste, Vidal juge que l'épisode n'est pas en soi disproportionné, pour lui les "îles flottantes" font bien partie des "phénomènes [de l']agriculture merveilleuse" que Delille a choisi de chanter, et loin de regretter que Delille n'ai pas mis en scène des divinités nordiques, comme Ossian, plutôt qu'un personnel antique, il regrette que le poète ne soit pas passé de ces personnages surnaturels, dont la convocation n'était pas exigée, selon lui, par le caractère "naturel" de l'événement peint[(//Id//., p. 97-98.)].
  
 En abordant le **chant 3**, Vidal balaye l'argument selon lequel ces vers auraient mieux été à leur place dans un poème sur l'histoire naturelle, et il ajoute au contraire qu'à ses yeux, **un lien particulier l'unit à la section précédente**(nbsp): "ce chant & celui qui précède sont plus particulièrement liés entre eux, & dépendent plus l'un de l'autre que du premier & du quatrième[(//Id//., p. 99.)]". En abordant le **chant 3**, Vidal balaye l'argument selon lequel ces vers auraient mieux été à leur place dans un poème sur l'histoire naturelle, et il ajoute au contraire qu'à ses yeux, **un lien particulier l'unit à la section précédente**(nbsp): "ce chant & celui qui précède sont plus particulièrement liés entre eux, & dépendent plus l'un de l'autre que du premier & du quatrième[(//Id//., p. 99.)]".
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-"Tout à coup (poursuit la //Décade//) la scène change; on est sur les lieux mêmes, théâtres des grands bouleversemens qui tantôt ont produit des montagnes, & tantôt les ont fait disparoître."+"Tout à coup (poursuit la //Décade//) la scène change(nbsp); on est sur les lieux mêmes, théâtres des grands bouleversemens qui tantôt ont produit des montagnes, & tantôt les ont fait disparoître."
  
 Mais j'apperçois d'ici les débris d'un village , &c. Mais j'apperçois d'ici les débris d'un village , &c.
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 Ce morceau est suivi d'une tirade sur Buffon, qui n'est point, à beaucoup près, ce qu'elle devoit être. Voici ce qu'en dit le //Mercure// : Ce morceau est suivi d'une tirade sur Buffon, qui n'est point, à beaucoup près, ce qu'elle devoit être. Voici ce qu'en dit le //Mercure// :
-\\ "L'auteur a reproduit dans ce troisième chant les idées de Buffon sur la formation des montagnes & sur le déplacement successifs [//sic//] des mers; il ne devait donc pas en parler comme d'un observateur inexact, puisqu'il adopte son systême. Après avoir dit qu'il+\\ "L'auteur a reproduit dans ce troisième chant les idées de Buffon sur la formation des montagnes & sur le déplacement successifs [//sic//] des mers(nbsp); il ne devait donc pas en parler comme d'un observateur inexact, puisqu'il adopte son systême. Après avoir dit qu'il
  
 Eleva sept fanaux sur l'océan des âges, Eleva sept fanaux sur l'océan des âges,
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 C'est une légère inadvertance." C'est une légère inadvertance."
-\\ Tout le monde s'accorde sur cette remarque; elle est incontestable.+\\ Tout le monde s'accorde sur cette remarque(nbsp); elle est incontestable.
 \\ Apostrophe faite par l'auteur à sa patrie, la Limagne. C'est là surtout, dit-il, que Buffon eût admiré les sublimes horreurs de la nature. \\ Apostrophe faite par l'auteur à sa patrie, la Limagne. C'est là surtout, dit-il, que Buffon eût admiré les sublimes horreurs de la nature.
 \\ Comparaison de l'histoire du monde avec l'histoire d'un marbre qui, //rongé par l'âge//, est devenu un grain[(//Id.//, p. 102-103.)]. \\ Comparaison de l'histoire du monde avec l'histoire d'un marbre qui, //rongé par l'âge//, est devenu un grain[(//Id.//, p. 102-103.)].
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 "Eh\ ! non (dit la //Décade//), il ne s'agit pas de vous, peintre, mais des tableaux que vous peignez. Vous m'ôtez mon illusion, vous m'avertissez mal à propos que vous êtes là derrière la toile." "Eh\ ! non (dit la //Décade//), il ne s'agit pas de vous, peintre, mais des tableaux que vous peignez. Vous m'ôtez mon illusion, vous m'avertissez mal à propos que vous êtes là derrière la toile."
-\\ Cette observation est un peu sévère; mais je n'aime pas le ton de mauvaise humeur avec lequel elle semble être exprimée. L'auteur de cette critique auroit-il donc eu l'intention de satyriser un poëte aussi estimable que Delille ?+\\ Cette observation est un peu sévère(nbsp); mais je n'aime pas le ton de mauvaise humeur avec lequel elle semble être exprimée. L'auteur de cette critique auroit-il donc eu l'intention de satyriser un poëte aussi estimable que Delille ?
 Après les mers on aimera à voir les fleuves, les ruisseaux, Après les mers on aimera à voir les fleuves, les ruisseaux,
  
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 Voulez-vous du public mériter les amours\ ? Voulez-vous du public mériter les amours\ ?
-\\ Sans cesse, en écrivant, variez vos discours;+\\ Sans cesse, en écrivant, variez vos discours(nbsp);
 \\ Un style trop égal et toujours uniforme, \\ Un style trop égal et toujours uniforme,
 \\ En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme. \\ En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme.
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 Le poëte remonte à la source de ces ruisseaux, & gravit les montagnes. Deseription des montagnes. Le poëte remonte à la source de ces ruisseaux, & gravit les montagnes. Deseription des montagnes.
-\\ La //Décade// appelle cette description une redite. Je ne me souviens pas pourtant que l'auteur nous ait déjà décrit les montagnes. Il nous a parlé de leur formation suivant le systême de Buffon; & il vrai qu'il eût mieux fait de les décrire alors. Je dirai donc que ce morceau, sans être une redite, n'est pas à sa place naturelle.+\\ La //Décade// appelle cette description une redite. Je ne me souviens pas pourtant que l'auteur nous ait déjà décrit les montagnes. Il nous a parlé de leur formation suivant le systême de Buffon(nbsp); & il vrai qu'il eût mieux fait de les décrire alors. Je dirai donc que ce morceau, sans être une redite, n'est pas à sa place naturelle.
  
 Salut\ ! pompeux Jura, terrible Montanverts\ ! Salut\ ! pompeux Jura, terrible Montanverts\ !
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 Ainsi, quand des excès, suivis d'excès nouveaux, Ainsi, quand des excès, suivis d'excès nouveaux,
 \\ D'un état par degrés ont préparé les maux, \\ D'un état par degrés ont préparé les maux,
-\\ De malheur en malheur sa chute se consomme;+\\ De malheur en malheur sa chute se consomme(nbsp);
 \\ Tyr n'est plus, Thèbes meurt, & les yeux cherchent Rome\ ! \\ Tyr n'est plus, Thèbes meurt, & les yeux cherchent Rome\ !
 \\ O France, ô ma patrie\ ! ô séjour de douleurs\ ! \\ O France, ô ma patrie\ ! ô séjour de douleurs\ !
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 Vous donc qui prétendiez, profanant ma retraite, &c… Vous donc qui prétendiez, profanant ma retraite, &c…
  
-afin qu'il y ait une espèce d'unité de temps; dans un poëme qui doit passer à la postérité, & qui, par conséquent, ne sauroit être trop clair[(//Id.//, p. 106-107.)].+afin qu'il y ait une espèce d'unité de temps(nbsp); dans un poëme qui doit passer à la postérité, & qui, par conséquent, ne sauroit être trop clair[(//Id.//, p. 106-107.)].
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-Enfin, le poète nous invite à conserver au milieu de cette galerie d'animaux, un oiseau ou un chien que nous avons aimé. C'est ce qui lui donne occasion de nous dire la simple apothéose qu'il y eût fait [//sic//] de sa chère Raton[(NDA: "Dans les onze premiers vers de ce morceau (dit la //Décade//), l'auteur parle de sa chatte au passé, & dans le douzième il en parle au présent; de manière qu'on ne sait pas si elle est morte ou vivante. Cette remarque eft juste.")].+Enfin, le poète nous invite à conserver au milieu de cette galerie d'animaux, un oiseau ou un chien que nous avons aimé. C'est ce qui lui donne occasion de nous dire la simple apothéose qu'il y eût fait [//sic//] de sa chère Raton[(NDA: "Dans les onze premiers vers de ce morceau (dit la //Décade//), l'auteur parle de sa chatte au passé, & dans le douzième il en parle au présent(nbsp); de manière qu'on ne sait pas si elle est morte ou vivante. Cette remarque eft juste.")].
 \\ Ce petit épisode est écrit en vers charmans(nbsp): mais il n'est pas à l'abri d'une juste cenfure. En effet, "dit le //Moniteur//, devoit-il terminer un chant dont le sujet est si magnifique, & ne conviendroit-il pas mieux dans une épître badine qu'à la fin d'un riche tableau des révolutions du globe & des trois règnes de la nature\ ?" J'aime beaucoup les contrastes, mais //est modus in rebus//. Oh\ ! que j'aimerois bien mieux que cet épisode fût remplacé par l'hymne sublime que l'auteur adresse à la nature dans son dernier chant\ ! \\ Ce petit épisode est écrit en vers charmans(nbsp): mais il n'est pas à l'abri d'une juste cenfure. En effet, "dit le //Moniteur//, devoit-il terminer un chant dont le sujet est si magnifique, & ne conviendroit-il pas mieux dans une épître badine qu'à la fin d'un riche tableau des révolutions du globe & des trois règnes de la nature\ ?" J'aime beaucoup les contrastes, mais //est modus in rebus//. Oh\ ! que j'aimerois bien mieux que cet épisode fût remplacé par l'hymne sublime que l'auteur adresse à la nature dans son dernier chant\ !
  
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   * **Synthèse**   * **Synthèse**
  
-Vidal conclut ce long parcours par un **résumé des principaux défauts de plan** qu'il a pensé relever au fil de son examen. Dans ce cadre, il note que "l'objet du troisième chant est beaucoup plus lié à l'objet du second qu'à celui du premier ou du quatrième; que la première partie de ce chant n'a point l'ordre qu'on y auroit désiré, & que l'épisode de Raton n'est point digne des tableaux majestueux dont il est précédé[(//Id.//, p. 121.)]".+Vidal conclut ce long parcours par un **résumé des principaux défauts de plan** qu'il a pensé relever au fil de son examen. Dans ce cadre, il note que "l'objet du troisième chant est beaucoup plus lié à l'objet du second qu'à celui du premier ou du quatrième(nbsp); que la première partie de ce chant n'a point l'ordre qu'on y auroit désiré, & que l'épisode de Raton n'est point digne des tableaux majestueux dont il est précédé[(//Id.//, p. 121.)]".
  
 ===== Troisième question : l'exécution ===== ===== Troisième question : l'exécution =====
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 \\ Que de temps dans leur sein les vagues l'ont roulé\ ! \\ Que de temps dans leur sein les vagues l'ont roulé\ !
 \\ … \\ …
-\\ L'orage dans les mers de nouveau le porta;+\\ L'orage dans les mers de nouveau le porta(nbsp);
 \\ De nouveau sur ses bords, la mer le rejeta[(//Id//., p. 89.)]. \\ De nouveau sur ses bords, la mer le rejeta[(//Id//., p. 89.)].
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-Le troisième chant est sans contredit celui où brille le plus grand nombre de beautés neuves & de difficultés heureusement vaincues; car aucun poëte avant lui n'avoit traité en vers l'histoire naturelle.+Le troisième chant est sans contredit celui où brille le plus grand nombre de beautés neuves & de difficultés heureusement vaincues(nbsp); car aucun poëte avant lui n'avoit traité en vers l'histoire naturelle.
 \\ La superbe peinture des ravages des volcans amène ce morceau, dans lequel l'auteur a imité si ingénieusement Virgile(nbsp): \\ La superbe peinture des ravages des volcans amène ce morceau, dans lequel l'auteur a imité si ingénieusement Virgile(nbsp):
  
 Dans ce désastre affreux, quels fleuves ont tari\ ! Dans ce désastre affreux, quels fleuves ont tari\ !
 \\ Quels sommets ont croulé, quels peuples ont péri\ ! \\ Quels sommets ont croulé, quels peuples ont péri\ !
-\\ Les vieux âges l'ont su, l'âge présent l'ignore;+\\ Les vieux âges l'ont su, l'âge présent l'ignore(nbsp);
 \\ Mais de ce grand fléau la terreur dure encore. \\ Mais de ce grand fléau la terreur dure encore.
 \\ Un jour, peut-être, un jour les peuples de ces lieux \\ Un jour, peut-être, un jour les peuples de ces lieux
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 \\ Découvriront ce gouffre, &, creusant ses entrailles. \\ Découvriront ce gouffre, &, creusant ses entrailles.
 \\ Contempleront au loin, avec étonnement, \\ Contempleront au loin, avec étonnement,
-\\ Des hommes & des arts ce profond monument+\\ Des hommes & des arts ce profond monument(nbsp)
-\\ Cet aspect si nouveau des demeures antiques+\\ Cet aspect si nouveau des demeures antiques(nbsp)
-\\ Ces cirques, ces palais, ces temples, ces portiques;+\\ Ces cirques, ces palais, ces temples, ces portiques(nbsp);
 \\ Ces gymnases, du sage autrefois fréquentés, \\ Ces gymnases, du sage autrefois fréquentés,
 \\ D'hommes qui semblent vivre encore tout habités(nbsp): \\ D'hommes qui semblent vivre encore tout habités(nbsp):
 \\ Simulacres légers, prêts à tomber en poudre, \\ Simulacres légers, prêts à tomber en poudre,
-\\ Tous gardant l'attitude où les surprit la foudre+\\ Tous gardant l'attitude où les surprit la foudre(nbsp)
 \\ L'un enlevant son fils,l'autre emportant son or \\ L'un enlevant son fils,l'autre emportant son or
-\\ Cet autre ses écrits, son plus riche trésor+\\ Cet autre ses écrits, son plus riche trésor(nbsp)
-\\ Celui-ci dans ses mains tient son dieu tutélaire+\\ Celui-ci dans ses mains tient son dieu tutélaire(nbsp)
-\\ L'autre, non moins pieux, s'estchargé de son père;+\\ L'autre, non moins pieux, s'estchargé de son père(nbsp);
 \\ L'autre, paré de fleurs & la coupe à la main, \\ L'autre, paré de fleurs & la coupe à la main,
 \\ A vu sa dernière heure & son dernier festin. \\ A vu sa dernière heure & son dernier festin.
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 Maintenant je vais rapprocher deux des plus beaux exemples de gradation que nous ayons dans la poésie française. Tous deux sont dans un sens opposé, & tous deux nous offrent les plus sublimes leçons de philosophie. Maintenant je vais rapprocher deux des plus beaux exemples de gradation que nous ayons dans la poésie française. Tous deux sont dans un sens opposé, & tous deux nous offrent les plus sublimes leçons de philosophie.
-\\ Dans le premier nous voyons un rocher que le temps, a réduit à un grain de sable; & dans le second, c'est un grain de neige qu'un oiseau détache du haut des monts, & qui roulant sur d'énormes amas de cette matière, accroît sa masse de moment en moment, & dont la chute est cause des plus grands désastres.+\\ Dans le premier nous voyons un rocher que le temps, a réduit à un grain de sable(nbsp); & dans le second, c'est un grain de neige qu'un oiseau détache du haut des monts, & qui roulant sur d'énormes amas de cette matière, accroît sa masse de moment en moment, & dont la chute est cause des plus grands désastres.
 \\ Voici le premier : \\ Voici le premier :
  
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 \\ Que de temps dans leur sein les vagues l'ont roulé\ ! \\ Que de temps dans leur sein les vagues l'ont roulé\ !
 \\ En descendant des monts dans ses profonds abymes, \\ En descendant des monts dans ses profonds abymes,
-\\ L'Océan autrefois le laissa sur leurs cimes+\\ L'Océan autrefois le laissa sur leurs cimes(nbsp)
-\\ L'orage dans les mers de nouveau le porta;+\\ L'orage dans les mers de nouveau le porta(nbsp);
 \\ De nouveau sur ses bords la mer le rejeta, \\ De nouveau sur ses bords la mer le rejeta,
 \\ Le reprit, le rendit : ainsi, rongé par l'âge, \\ Le reprit, le rendit : ainsi, rongé par l'âge,
 \\ Il endura les vents et les flots et l'orage. \\ Il endura les vents et les flots et l'orage.
 \\ Enfin, de ces grands monts humble contemporain, \\ Enfin, de ces grands monts humble contemporain,
-\\ Ce marbre fut un roc, ce roc n'est plus qu'un grain;+\\ Ce marbre fut un roc, ce roc n'est plus qu'un grain(nbsp);
 \\ Mais, fils du temps, de l'air, de la terre et de l'onde,  \\ Mais, fils du temps, de l'air, de la terre et de l'onde, 
 \\ L'histoire de ce grain est l'histoire du monde. \\ L'histoire de ce grain est l'histoire du monde.
Ligne 452: Ligne 452:
 \\ Souvent sur ces hauteurs l'oiseau qui se repose, \\ Souvent sur ces hauteurs l'oiseau qui se repose,
 \\ Détache un grain de neige. A ce léger fardeau, \\ Détache un grain de neige. A ce léger fardeau,
-\\ Des grains dont il s'accroît se joint le poids nouveau;+\\ Des grains dont il s'accroît se joint le poids nouveau(nbsp);
 \\ La neige autour de lui rapidement s'amasse ; \\ La neige autour de lui rapidement s'amasse ;
 \\ De moment en moment il augmente sa masse(nbsp):  \\ De moment en moment il augmente sa masse(nbsp): 
Ligne 459: Ligne 459:
 \\ Bondit de roc en roc, roule de cime en cime, \\ Bondit de roc en roc, roule de cime en cime,
 \\ Et de sa chute immense ébranle au loin l'abyme.  \\ Et de sa chute immense ébranle au loin l'abyme. 
-\\ Les hameaux sont détruits, et les bois emportés;+\\ Les hameaux sont détruits, et les bois emportés(nbsp);
 \\ On cherche en vain la place où surent les cités, \\ On cherche en vain la place où surent les cités,
 \\ Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent, \\ Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent,
Ligne 465: Ligne 465:
 \\ Ainsi, quand des excès, suivis d'excès nouveaux, \\ Ainsi, quand des excès, suivis d'excès nouveaux,
 \\ D'un état par degrés ont préparé les maux, \\ D'un état par degrés ont préparé les maux,
-\\ De malheur en malheur sa chute se consomme;+\\ De malheur en malheur sa chute se consomme(nbsp);
 \\ Tyr n'est plus,Thèbes meurt, et les yeux cherchent Rome\ ! \\ Tyr n'est plus,Thèbes meurt, et les yeux cherchent Rome\ !
  
Ligne 479: Ligne 479:
  
 Ceux qui d'un fil doré composent leur tombeau, Ceux qui d'un fil doré composent leur tombeau,
-\\ Ceux dont l'amour dans l'ombre allume le flambeau+\\ Ceux dont l'amour dans l'ombre allume le flambeau(nbsp)
-\\ L'insecte dont un an borne la destinée;+\\ L'insecte dont un an borne la destinée(nbsp);
 \\ Celui qui naît, jouit et meurt dans la journée, \\ Celui qui naît, jouit et meurt dans la journée,
 \\ Et dont la vie au moins n'a pas d'instans perdus. \\ Et dont la vie au moins n'a pas d'instans perdus.
Ligne 494: Ligne 494:
 \\ Signal de vos fureurs, signal de vos amours, \\ Signal de vos fureurs, signal de vos amours,
 \\ Qui guidoient vos héros dans les champs de la gloire, \\ Qui guidoient vos héros dans les champs de la gloire,
-\\ Et sonnoient le danger, la charge et la victoire;+\\ Et sonnoient le danger, la charge et la victoire(nbsp);
 \\ Enfin tous ces ressorts, organes merveilleux, \\ Enfin tous ces ressorts, organes merveilleux,
 \\ Qui confondent des arts le savoir orgueilleux, \\ Qui confondent des arts le savoir orgueilleux,
Ligne 533: Ligne 533:
  
 <WRAP round box 60%> <WRAP round box 60%>
-Enfin je ne dirai plus qu'un mot; il est l'expression de mes vœux & dé ceux de tous les amis de la littérature en France. Delille est encore éloigné de son pays natal, & cet éloignement est peut-être, comme on l'a souvent bien observé, la cause des défauts de ses Géorgiques. Il est donc important qu'il y rentre, avant même de retoucher son poëme. Ah\ ! puisse-t-il enfin céder à une invitation si souvent réitérée, & qui intéresse autant sa propre gloire que celle de sa patrie[(//Id//., p.(nbsp)111.)].+Enfin je ne dirai plus qu'un mot(nbsp); il est l'expression de mes vœux & dé ceux de tous les amis de la littérature en France. Delille est encore éloigné de son pays natal, & cet éloignement est peut-être, comme on l'a souvent bien observé, la cause des défauts de ses Géorgiques. Il est donc important qu'il y rentre, avant même de retoucher son poëme. Ah\ ! puisse-t-il enfin céder à une invitation si souvent réitérée, & qui intéresse autant sa propre gloire que celle de sa patrie[(//Id//., p.(nbsp)111.)].
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