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vidalexamenimpartial [2019/05/22 18:45] – [Quatrième question : Effet que produit l'ouvrage] Hugues Marchalvidalexamenimpartial [2019/05/22 18:46] – [Quatrième question : Effet que produit l'ouvrage] Hugues Marchal
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 ===== Quatrième question : Effet que produit l'ouvrage  ===== ===== Quatrième question : Effet que produit l'ouvrage  =====
  
-Dans une ultime section, à valeur de bilan, Vidal se penche sur "//l'effet que produit cet ouvrage [et sur] les corrections qu'on a proposées à l'auteur[(//Id//., p.\ 108.)]". Le critique insiste alors simultanément sur la profonde beauté du texte et son désordre, pour offrir **une image tentant de conjuguer ces deux jugements en tension**.+Dans une ultime section, à valeur de bilan, Vidal se penche sur "//l'effet que produit cet ouvrage [et sur] les corrections qu'on a proposées à l'auteur//[(//Id//., p.\ 108.)]". Le critique insiste alors simultanément sur la profonde beauté du texte et son désordre, pour offrir **une image tentant de conjuguer ces deux jugements en tension**.
  
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 Je pourrois résoudre la première de ces questions [//celle sur l'effet//] par un seul mot, l'admiration. Cependant on me permettra d'avancer ici quelques considérations qui naissent de l'ensemble de mon examen. Je pourrois résoudre la première de ces questions [//celle sur l'effet//] par un seul mot, l'admiration. Cependant on me permettra d'avancer ici quelques considérations qui naissent de l'ensemble de mon examen.
 \\ Le poëme de l'Homme des champs inspire sans doute de l'admiration au lecteur qui est assez éclairé pour en sentir tout le mérite. Mais ce sentiment est-il l'unique effet que doive produire un ouvrage\ ? Et un auteur ne doit-il pas offrir à notre ame quelque chose qui l'attache & qui l'intéresse davantage\ ? Un peintre peul facilement promener notre admiration sur une riche collection de diffèrent tableaux. Mais quelle impression nous en reste-t-il lorsque nous sommes sortis de son cabinet\ ? Nous nous disons que ce qu'il nous a montré est magnifique, &p eu après, le souvenir même s'en efface. Un poëme, dont toutes les parties sont achevées en elles- mêmes, pourroit donc produire de l'admiration, sans avoir le mérite d'un bel ensemble. Il y aucoît sans doute du rigorisme à vouloir faire une entière application de cet exemple aux Géorgiques françaises\ : cependant ce ne seroit pas tout à fait sans fondement. On me répondra, & avec raison, que Delille ne se borne pas à nous faire admirer l'art de chacun de ses tableaux, & que son objet principal est de nous enseigner à jouir de tout ce qui est relatif à la campagne. Or, ajoutera-t-on, que l'on mette ce poëme dans les mains d'un homme doué d'une grande fortune & d'un esprit cultivé, & il est certain qu'il en sera son livre favori. Je n'en doute point, mais dans cet examen il s'agit plus de la forme que du sujet de cet ouvrage. I1 suffira donc, pour répondre à la question que je me suis proposée, de combiner les observations que nous venons de faire, & on conviendra que ce poëme nous inspire une admiration qui est quelquefois mêlée d'étonnement. Il est semblable à un édifice dont la construction est fort irrégulière, mais qui, dans l'intérieur, offre des salons somptueux & richement décorés. On admire chacune de ses parties séparément, mais on s'étonne que d'un vestibule resserré, difficile, & qui semble conduire à une chambre rustique, on entre dans des appartemens magnifiques, & mal disposés entr'eux. On peut donc conclure que si Delille établissoit de l'ordre dans son poëme l'étonnement que nous éprouvons en le parcourant s'évanouiroit, & que notre admiration, toujours soutenue, se porteroit autant sur la perfection du plan que sur celle des détails. \\ Le poëme de l'Homme des champs inspire sans doute de l'admiration au lecteur qui est assez éclairé pour en sentir tout le mérite. Mais ce sentiment est-il l'unique effet que doive produire un ouvrage\ ? Et un auteur ne doit-il pas offrir à notre ame quelque chose qui l'attache & qui l'intéresse davantage\ ? Un peintre peul facilement promener notre admiration sur une riche collection de diffèrent tableaux. Mais quelle impression nous en reste-t-il lorsque nous sommes sortis de son cabinet\ ? Nous nous disons que ce qu'il nous a montré est magnifique, &p eu après, le souvenir même s'en efface. Un poëme, dont toutes les parties sont achevées en elles- mêmes, pourroit donc produire de l'admiration, sans avoir le mérite d'un bel ensemble. Il y aucoît sans doute du rigorisme à vouloir faire une entière application de cet exemple aux Géorgiques françaises\ : cependant ce ne seroit pas tout à fait sans fondement. On me répondra, & avec raison, que Delille ne se borne pas à nous faire admirer l'art de chacun de ses tableaux, & que son objet principal est de nous enseigner à jouir de tout ce qui est relatif à la campagne. Or, ajoutera-t-on, que l'on mette ce poëme dans les mains d'un homme doué d'une grande fortune & d'un esprit cultivé, & il est certain qu'il en sera son livre favori. Je n'en doute point, mais dans cet examen il s'agit plus de la forme que du sujet de cet ouvrage. I1 suffira donc, pour répondre à la question que je me suis proposée, de combiner les observations que nous venons de faire, & on conviendra que ce poëme nous inspire une admiration qui est quelquefois mêlée d'étonnement. Il est semblable à un édifice dont la construction est fort irrégulière, mais qui, dans l'intérieur, offre des salons somptueux & richement décorés. On admire chacune de ses parties séparément, mais on s'étonne que d'un vestibule resserré, difficile, & qui semble conduire à une chambre rustique, on entre dans des appartemens magnifiques, & mal disposés entr'eux. On peut donc conclure que si Delille établissoit de l'ordre dans son poëme l'étonnement que nous éprouvons en le parcourant s'évanouiroit, & que notre admiration, toujours soutenue, se porteroit autant sur la perfection du plan que sur celle des détails.
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 Mais Vidal se refuse à esquisser l'ordre qu'il appelle de ses vœux ou à convier Delille à adopter le plan proposé par la //Décade//. Il s'en explique ainsi\ : Mais Vidal se refuse à esquisser l'ordre qu'il appelle de ses vœux ou à convier Delille à adopter le plan proposé par la //Décade//. Il s'en explique ainsi\ :
  
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 Ce plan [//alternatif//] est fort simple à la vérité, & c'est pour cela qu'il est bon. Mais le génie ne peut il pas inventer quelque chose de sort bon, qui pourtant s'élève au-dessus du simple\ ? Lorsque Thomas a composé son éloge de Marc-Aurèle, un plan simple auroit-il valu la marche neuve & dramatique qu'il a donnée à son discours\ ? Je ne le croirai jamais. Or, Delille peut prendre un essor semblable, & arriver à son but par des routes qu'il se sera frayées lui-même. Telle est ma conclusion[(//Id//., p.\ 110-111.)]. Ce plan [//alternatif//] est fort simple à la vérité, & c'est pour cela qu'il est bon. Mais le génie ne peut il pas inventer quelque chose de sort bon, qui pourtant s'élève au-dessus du simple\ ? Lorsque Thomas a composé son éloge de Marc-Aurèle, un plan simple auroit-il valu la marche neuve & dramatique qu'il a donnée à son discours\ ? Je ne le croirai jamais. Or, Delille peut prendre un essor semblable, & arriver à son but par des routes qu'il se sera frayées lui-même. Telle est ma conclusion[(//Id//., p.\ 110-111.)].
  
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 Comme nombre de ses pairs, Vidal clôt son texte en conviant Delille à enfin rentrer en France\ : Comme nombre de ses pairs, Vidal clôt son texte en conviant Delille à enfin rentrer en France\ :
  
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 Enfin je ne dirai plus qu'un mot\ ; il est l'expression de mes vœux & dé ceux de tous les amis de la littérature en France. Delille est encore éloigné de son pays natal, & cet éloignement est peut-être, comme on l'a souvent bien observé, la cause des défauts de ses Géorgiques. Il est donc important qu'il y rentre, avant même de retoucher son poëme. Ah\ ! puisse-t-il enfin céder à une invitation si souvent réitérée, & qui intéresse autant sa propre gloire que celle de sa patrie[(//Id//., p.\ 111.)]. Enfin je ne dirai plus qu'un mot\ ; il est l'expression de mes vœux & dé ceux de tous les amis de la littérature en France. Delille est encore éloigné de son pays natal, & cet éloignement est peut-être, comme on l'a souvent bien observé, la cause des défauts de ses Géorgiques. Il est donc important qu'il y rentre, avant même de retoucher son poëme. Ah\ ! puisse-t-il enfin céder à une invitation si souvent réitérée, & qui intéresse autant sa propre gloire que celle de sa patrie[(//Id//., p.\ 111.)].