guinguenecompterendudecade

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guinguenecompterendudecade [2017/02/19 15:37] – [Intérêt des notes] Hugues Marchalguinguenecompterendudecade [2023/03/10 14:25] – Espaces insécables : pour les pages Timothée Léchot
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-====== Guinguené, "L'Homme des champs…" (Décade philosophique) ======+====== Ginguené, "L'Homme des champs…" (Décade philosophique) ======
  
  
 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-La //Décade philosophique//, qui avait déjà publié certains extraits de //L'Homme des champs// en amont de la parution, est l'une des plus prestigieuses revues de l'après Révolution. Le long compte rendu qu'elle consacre au poème est signé par [[guinguene|Guinguené]]. Il se déploie sur deux articles successifs[(Pierre-Louis Guinguené, "//L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises//, par Jacques Delille", //La Décade philosophique//, an VIII-1800 – premier "extrait": 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.526-546\ ;  deuxième "extrait": an IX-1800, 1er trimestre, n°\ 1, 10 vendémiaire, p.29-49.)].+La [[decadephilosophique|Décade philosophique]], qui avait déjà publié certains extraits de //L'Homme des champs// en amont de la parution, est l'une des plus prestigieuses revues de l'après Révolution. Le long compte rendu qu'elle consacre au poème est signé par [[guinguene|Ginguené]]. Il se déploie sur deux articles successifs[(Pierre-Louis Ginguené, "//L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises//, par Jacques Delille", //La Décade philosophique//, an VIII-1800 – premier "extrait"(nbsp): 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.(nbsp)526-546\ ;  deuxième "extrait"(nbsp): an IX-1800, 1er trimestre, n°\ 1, 10 vendémiaire, p.(nbsp)29-49.)].
  
-Mêlant **louanges et critiques**, cette lecture attaque sévèrement nombre des choix de Delille, depuis l'ordonnance des chants (que Guinguené propose de réordonner) jusqu'au style, mais le critique n'en conclut pas moins que les "beautés" dominent.+Mêlant **louanges et critiques**, cette lecture attaque sévèrement nombre des choix de Delille, depuis l'ordonnance des chants (que Ginguené propose de réordonner) jusqu'au style, mais le critique n'en conclut pas moins que les "beautés" dominent.
  
-Au fil du texte, Guinguené offre aussi des **indications générales sur l'impact** du texte, à la fois **œuvre très attendue**, dont tout Paris parle, et **modèle probable** pour d'autres auteurs, dont il lui importe donc de bien souligner certains travers.+Au fil du texte, Ginguené offre aussi des **indications générales sur l'impact** du texte, à la fois **œuvre très attendue**, dont tout Paris parle, et **modèle probable** pour d'autres auteurs, dont il lui importe donc de bien souligner certains travers.
  
 Pour faciliter les renvois, nous segmentons l'article en fonction de ses principaux mouvements, et en privilégiant les éléments relatifs au chant 3. Pour faciliter les renvois, nous segmentons l'article en fonction de ses principaux mouvements, et en privilégiant les éléments relatifs au chant 3.
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 ===== Préambule ===== ===== Préambule =====
  
-Guinguené commence par souligner le bruit fait par la publication, puis il insiste sur son devoir d'**impartialité**. L'enjeu de cette explication est toutefois moins esthétique qu'idéologique. Guinguené fait allusion au **caractère politique d'une partie des réactions** suscitées par le poème. L'exil de Delille, perçu comme un camouflet contre la France du Consulat, a en effet conduit nombre de contemporains à le percevoir comme un partisan de la Contre-Révolution, et à louer ou éreinter le texte selon qu'eux-mêmes soutenaient ou dénonçaient le nouvel ordre politique.+Ginguené commence par souligner le bruit fait par la publication, puis il insiste sur son devoir d'**impartialité**. L'enjeu de cette explication est toutefois moins esthétique qu'idéologique. Ginguené fait allusion au **caractère politique d'une partie des réactions** suscitées par le poème. L'exil de Delille, perçu comme un camouflet contre la France du Consulat, a en effet conduit nombre de contemporains à le percevoir comme un partisan de la Contre-Révolution, et à louer ou éreinter le texte selon qu'eux-mêmes soutenaient ou dénonçaient le nouvel ordre politique.
  
-Même s'il se veut à l'écart de ce débat, Guinguené, écrivant dans une revue publiée en France et soumise à la censure, n'a guère d'autre choix que de condamner l'absence du poète. Le début de l'article sert à évacuer la question :+Même s'il se veut à l'écart de ce débat, Ginguené, écrivant dans une revue publiée en France et soumise à la censure, n'a guère d'autre choix que de condamner l'absence du poète. Le début de l'article sert à évacuer la question :
  
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-<tab>Cet ouvrage était attendu avec impatience. Sa publication est dans les Lettres la nouvelle la plus importante qu'il y ait eu depuis long-tems. S'il eût été reçu avec indifférence, c'eût été le signe le moins équivoque d'une véritable décadence littéraire, qu'assez d'autres signes font craindre. Mais celui-là du moins n'existe pas\ ; tout le monde s'occupe de l'//Homme des Champs//: il faut, pour être au courant de toutes les conversations, ou l'avoir lu, ou le lire, et pouvoir, bien ou mal, en dire son avis.+<tab>Cet ouvrage était attendu avec impatience. Sa publication est dans les Lettres la nouvelle la plus importante qu'il y ait eu depuis long-tems. S'il eût été reçu avec indifférence, c'eût été le signe le moins équivoque d'une véritable décadence littéraire, qu'assez d'autres signes font craindre. Mais celui-là du moins n'existe pas\ ; tout le monde s'occupe de l'//Homme des Champs//(nbsp): il faut, pour être au courant de toutes les conversations, ou l'avoir lu, ou le lire, et pouvoir, bien ou mal, en dire son avis.
 \\ <tab>Ce qui est sans difficulté comme sans inconvénient dans un cercle, n'est pas tout-à-fait ainsi dans un journal connu par son impartialité, par son attachement aux vrais principes qui ont fait la gloire du Parnasse français, et à ce qui nous reste encore de cette gloire. Un avis y est un jugement, d'autant plus délicat pour celui qui le porte, qu'il n'a pas la présomption de le croire sans appel, et qu'il ne peut ignorer que le Public prononce en dernier ressort, et sur le jugement et sur l'ouvrage. \\ <tab>Ce qui est sans difficulté comme sans inconvénient dans un cercle, n'est pas tout-à-fait ainsi dans un journal connu par son impartialité, par son attachement aux vrais principes qui ont fait la gloire du Parnasse français, et à ce qui nous reste encore de cette gloire. Un avis y est un jugement, d'autant plus délicat pour celui qui le porte, qu'il n'a pas la présomption de le croire sans appel, et qu'il ne peut ignorer que le Public prononce en dernier ressort, et sur le jugement et sur l'ouvrage.
-Mais cette considération, toujours imposante, ne doit effrayer réellement que la prévention, l'esprit de parti, l'envie de nuire\ ; pour le critique étranger à toute autre passion qu'à celle du vrai, aussi sincère admirateur des beautés qu'ennemi des défauts, et qui sait, même en n'admirant pas tout dans un Poëme, les égards qui sont dus à la grande réputation du Poëte, cette considération n'est point un obstacle, elle est même un encouragement. Je m'expliquerai donc librement sur le Poéme de l'Homme des Champs. Mon opinion sur l'Auteur n'est pas suspecte. Je l'ai professée assez hautement et dans de faibles vers[(NDA: Dans des stances à François (de Neufchâteau) sur la Poëme des Vosges.)] et dans le sein de l'1nstitut national. Je le regarde comme l'un des deux plus grands talens poétiques dont la France peut encore s'honorer. Malgré son obstination à ne pas rentrer dans une patrie où l'on s'obstine toujours à le rappeler, où depuis six ans il aurait vécu non-seulement tranquille, mais considéré comme il mérite de l'être\ ; où il eût réparé des malheurs causés par deux ans de barbarie, dont enfin il n'a pas seul été victime, et qu'il n'est pas plus juste et plus raisonnable de regarder, depuis ces six ans, comme l'état permanent de la France, qu'il ne le serait de regarder un incendie ou un écroulement comme l'état permanent d'une maison qui depuis ce tems serait rebâtie et logeable\ ; malgré cette injustice de Delille, et quelque part qu'il ait fixé sa retraite, au moment où il publie des vers, c'est toujours nous que leur succès intéresse\ ; leurs beautés seront toujours une de nos richesses, une de nos propriétés nationales\ ; et quoiqu'une partie de leurs défauts tienne peut-être cette fois à son éloignement même, et ne puisse par conséquent être reprochée à l'influence du goût français, c'est encore à nous cependant qu'il importe que ces taches légères d'un si beau talent disparaissent\ ; c'est donc pour tout homme de lettres, soigneux de la gloire de sa patrie, un devoir de les observer, de les dénoncer à l'Auteur lui-même, de l'inviter, au nom de sa gloire, à les reconnaître, à les effacer[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an VIII-1800, 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.526-527.)].+Mais cette considération, toujours imposante, ne doit effrayer réellement que la prévention, l'esprit de parti, l'envie de nuire\ ; pour le critique étranger à toute autre passion qu'à celle du vrai, aussi sincère admirateur des beautés qu'ennemi des défauts, et qui sait, même en n'admirant pas tout dans un Poëme, les égards qui sont dus à la grande réputation du Poëte, cette considération n'est point un obstacle, elle est même un encouragement. Je m'expliquerai donc librement sur le Poéme de l'Homme des Champs. Mon opinion sur l'Auteur n'est pas suspecte. Je l'ai professée assez hautement et dans de faibles vers[(NDA(nbsp): Dans des stances à François (de Neufchâteau) sur la Poëme des Vosges.)] et dans le sein de l'1nstitut national. Je le regarde comme l'un des deux plus grands talens poétiques dont la France peut encore s'honorer. Malgré son obstination à ne pas rentrer dans une patrie où l'on s'obstine toujours à le rappeler, où depuis six ans il aurait vécu non-seulement tranquille, mais considéré comme il mérite de l'être\ ; où il eût réparé des malheurs causés par deux ans de barbarie, dont enfin il n'a pas seul été victime, et qu'il n'est pas plus juste et plus raisonnable de regarder, depuis ces six ans, comme l'état permanent de la France, qu'il ne le serait de regarder un incendie ou un écroulement comme l'état permanent d'une maison qui depuis ce tems serait rebâtie et logeable\ ; malgré cette injustice de Delille, et quelque part qu'il ait fixé sa retraite, au moment où il publie des vers, c'est toujours nous que leur succès intéresse\ ; leurs beautés seront toujours une de nos richesses, une de nos propriétés nationales\ ; et quoiqu'une partie de leurs défauts tienne peut-être cette fois à son éloignement même, et ne puisse par conséquent être reprochée à l'influence du goût français, c'est encore à nous cependant qu'il importe que ces taches légères d'un si beau talent disparaissent\ ; c'est donc pour tout homme de lettres, soigneux de la gloire de sa patrie, un devoir de les observer, de les dénoncer à l'Auteur lui-même, de l'inviter, au nom de sa gloire, à les reconnaître, à les effacer[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an VIII-1800, 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.(nbsp)526-527.)].
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 ===== Remarques sur la préface ===== ===== Remarques sur la préface =====
  
-Guinguené aborde alors la préface du poème, où Delille répond aux critiques accusant la poésie didactique de ne pas être pleinement poétique. Guinguené approuve cette réponse, tout en introduisant un thème qui nourrira l'une de ses plus importantes réserves face à l'//Homme des champs// : les problèmes de **composition**, c'est-à-dire d'organisation, du texte.+Ginguené aborde alors la préface du poème, où Delille répond aux critiques accusant la poésie didactique de ne pas être pleinement poétique. Ginguené approuve cette réponse, tout en introduisant un thème qui nourrira l'une de ses plus importantes réserves face à l'//Homme des champs// : les problèmes de **composition**, c'est-à-dire d'organisation, du texte.
  
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-\\ <tab>Il nous annonce dans sa Préface une nouvelle édition de ses Jardins, où il a //corrigé plusieurs transitions froides// ou //parasites//, et ajouté //plusieurs morceaux et plusieurs épisodes intéressans//. Ceux qui avaient reproché à ce Poëme de mauvaises transitions, qui y avaient désiré plus d'intérêt et plus d'épisodes, n'avaient donc fait que prévenir le jugement de l'Auteur lui-même, et se montrer jaloux de sa gloire.+<tab>Il nous annonce dans sa Préface une nouvelle édition de ses Jardins, où il a //corrigé plusieurs transitions froides// ou //parasites//, et ajouté //plusieurs morceaux et plusieurs épisodes intéressans//. Ceux qui avaient reproché à ce Poëme de mauvaises transitions, qui y avaient désiré plus d'intérêt et plus d'épisodes, n'avaient donc fait que prévenir le jugement de l'Auteur lui-même, et se montrer jaloux de sa gloire.
 \\ <tab>Cette Préface est principalement destinée à répondre à un phrase de M. de M. (M. Senac de Meillan) auteur d'un ouvrage intitulé //Considérations sur l'état de la France//, où il a dit que "l'abbé Delille jouirait de la plus haute réputation, s'il eût composé de lui-même au lieu de traduire, et s'il eût traité des sujets plus intéressans." \\ <tab>Cette Préface est principalement destinée à répondre à un phrase de M. de M. (M. Senac de Meillan) auteur d'un ouvrage intitulé //Considérations sur l'état de la France//, où il a dit que "l'abbé Delille jouirait de la plus haute réputation, s'il eût composé de lui-même au lieu de traduire, et s'il eût traité des sujets plus intéressans."
 \\ <tab>Delille répond victorieusement à ces deux reproches. S'il eût consulté l'opinion des hommes de lettres français, qui doit être pour un Poëte français la véritable opinion publique, au lieu de s'inquiéter de l'observation, isolée d'un homme d'esprit, qui ne compte nullement parmi eux, il se serait épargné cette peine. \\ <tab>Delille répond victorieusement à ces deux reproches. S'il eût consulté l'opinion des hommes de lettres français, qui doit être pour un Poëte français la véritable opinion publique, au lieu de s'inquiéter de l'observation, isolée d'un homme d'esprit, qui ne compte nullement parmi eux, il se serait épargné cette peine.
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 ===== Un plan inefficace ===== ===== Un plan inefficace =====
  
-Après avoir examiné la suite de la préface et évoqué les poètes qui, avant Delille, ont traité de la campagne, Guinguené aborde le titre et la **structure générale** du texte, qu'il juge mal choisis. En termes rhétoriques, il juge ici surtout l'//inventio// (les motifs traités) et la //dispositio// ("l'ordre et la suite" du texte).+Après avoir examiné la suite de la préface et évoqué les poètes qui, avant Delille, ont traité de la campagne, Ginguené aborde le titre et la **structure générale** du texte, qu'il juge mal choisis. En termes rhétoriques, il juge ici surtout l'//inventio// (les motifs traités) et la //dispositio// ("l'ordre et la suite" du texte).
  
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-Guinguené passe alors à l'examen détaillé du contenu de chaque chant, louant ou critiquant certains passages au fil de sa lecture. Le **parcours du chant 3** intervient au seuil de la seconde livraison du compte rendu. Comme pour les autres chants, le critique intègre des citations de deux manières. Elles apparaissent explicitement comme telles, par le biais d'alinéas ou d'italiques, mais elles sont aussi **mêlées à la prose de Guinguené** sans qu'il signale reproduire le poème, par exemple quand il semble lui-même s'exclamer "Gloire, honneur à Buffon":+Ginguené passe alors à l'examen détaillé du contenu de chaque chant, louant ou critiquant certains passages au fil de sa lecture. Le **parcours du chant 3** intervient au seuil de la seconde livraison du compte rendu. Comme pour les autres chants, le critique intègre des citations de deux manières. Elles apparaissent explicitement comme telles, par le biais d'alinéas ou d'italiques, mais elles sont aussi **mêlées à la prose de Ginguené** sans qu'il signale reproduire le poème, par exemple quand il semble lui-même s'exclamer "Gloire, honneur à Buffon"(nbsp):
  
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 <tab>L'objet du troisième chant, est d'apprendre à l'homme des champs à connaître les ouvrages et les merveilles de la nature\ ; à se former un cabinet qui les rassemble sous ses yeux. « Le sujet de ce chant, comme le dit fort bien l'Auteur, est le plus fécond de tous, et jamais une carrière, et plus vaste et plus neuve, ne fut ouverte à la poésie. » <tab>L'objet du troisième chant, est d'apprendre à l'homme des champs à connaître les ouvrages et les merveilles de la nature\ ; à se former un cabinet qui les rassemble sous ses yeux. « Le sujet de ce chant, comme le dit fort bien l'Auteur, est le plus fécond de tous, et jamais une carrière, et plus vaste et plus neuve, ne fut ouverte à la poésie. »
-\\ <tab>Après un début moins heureux que celui du 2e chant, il invite le Sage à cette observation, à cette étude de la nature. La variété d'aspects qu'elle présente, ses beautés, ses horreurs, ont des causes, des effets que vous n'expliquerez point par le système des deux //génies//:+\\ <tab>Après un début moins heureux que celui du 2e chant, il invite le Sage à cette observation, à cette étude de la nature. La variété d'aspects qu'elle présente, ses beautés, ses horreurs, ont des causes, des effets que vous n'expliquerez point par le système des deux //génies//(nbsp):
  
 <tab>Venez, le vrai génie est celui des Buffons. <tab>Venez, le vrai génie est celui des Buffons.
  
-<tab>Le Poète explique alors, en beaux vers, la formation des montagnes, selon le système des Buffons qu'il vient d'invoquer:+<tab>Le Poète explique alors, en beaux vers, la formation des montagnes, selon le système des Buffons qu'il vient d'invoquer(nbsp):
  
 <tab>Autrefois, disent-ils, un terrible déluge, <tab>Autrefois, disent-ils, un terrible déluge,
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 \\ <tab>Et les eaux de la terre et les torrens de l'air, etc. \\ <tab>Et les eaux de la terre et les torrens de l'air, etc.
  
-<tab>C'est une exposition éloquente, mais une simple exposition de système. On l'écoute, on n'observe pas soi-même\ ; on n'a rien à voir\ ; on n'est pas sur les lieux. Tout à coup la scène change: on est sur les lieux mêmes, théâtres des grands bouleversemens qui, tantôt ont produit des montagnes, et tantôt les ont fait disparaître.+<tab>C'est une exposition éloquente, mais une simple exposition de système. On l'écoute, on n'observe pas soi-même\ ; on n'a rien à voir\ ; on n'est pas sur les lieux. Tout à coup la scène change(nbsp): on est sur les lieux mêmes, théâtres des grands bouleversemens qui, tantôt ont produit des montagnes, et tantôt les ont fait disparaître.
  
-<tab>Mais j'aperçois d'ici les débris d'un village:+<tab>Mais j'aperçois d'ici les débris d'un village(nbsp):
 \\ <tab>D'un désastre fameux tout annonce l'image. \\ <tab>D'un désastre fameux tout annonce l'image.
 \\ <tab>Quels malheurs l'ont produit\ ? Avançons, consultons \\ <tab>Quels malheurs l'ont produit\ ? Avançons, consultons
 \\ <tab>Les lieux et les vieillards de ces tristes cantons. \\ <tab>Les lieux et les vieillards de ces tristes cantons.
  
-<tab>Ce sont des réservoirs d'eau pluviale, qui ont peu à peu filtré dans le sein des montagnes, ont miné leurs fondemens, et ont à la fin entraîné les rochers, les bois et les hameaux: on en voit encore les débris\ ; et l'hermite du lieu raconte aux voyageurs cette aventure.+<tab>Ce sont des réservoirs d'eau pluviale, qui ont peu à peu filtré dans le sein des montagnes, ont miné leurs fondemens, et ont à la fin entraîné les rochers, les bois et les hameaux(nbsp): on en voit encore les débris\ ; et l'hermite du lieu raconte aux voyageurs cette aventure.
 \\ <tab>Nous voilà loin, comme on voit, de la simple exposition d'un système. \\ <tab>Nous voilà loin, comme on voit, de la simple exposition d'un système.
 \\ <tab>Ailleurs ce sont des eaux qui ont fait éruption du sommet des montagnes, et qui ont formé de nouveaux lacs ou de nouveaux courans. Ailleurs encore, c'est le cours furieux d'un ouragan qui a lancé la mer au sommet des mont, changé leur place et le lit des fleuves. Ce sont quelquefois les feux souterreins et volcaniques qui ont causé ces grands changemens. \\ <tab>Ailleurs ce sont des eaux qui ont fait éruption du sommet des montagnes, et qui ont formé de nouveaux lacs ou de nouveaux courans. Ailleurs encore, c'est le cours furieux d'un ouragan qui a lancé la mer au sommet des mont, changé leur place et le lit des fleuves. Ce sont quelquefois les feux souterreins et volcaniques qui ont causé ces grands changemens.
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 <tab>Eh non! encore une fois, ne dites pas, peignez les objets, faites que je croye les voir\ ; voilà ce que je vous demande, puisque vous êtes avec moi dans le domaine que vous me créez, et dont, comme vous l'allez voir, nous parcourons ensemble les environs. <tab>Eh non! encore une fois, ne dites pas, peignez les objets, faites que je croye les voir\ ; voilà ce que je vous demande, puisque vous êtes avec moi dans le domaine que vous me créez, et dont, comme vous l'allez voir, nous parcourons ensemble les environs.
-\\ <tab>Tableau des eaux minérales, des malades qui s'y rendent, des plaisirs qui s'y rassemblent. Mais laissant la foule et les scènes bruyantes, reprenons, dit l'Auteur, //notre course autour de vos domaines//. Montons au berceau même des eaux. Description des montagnes, des aspects qu'elles présentent, //des révolutions du globe// dont elles conservent les traces. Le Poète est forcé de répéter ici une partie des traits qu'il a déjà employés. Puis, tout à coup s'interrompant, oubliant qu'il suppose un domaine près d'une montagne d'où découlent des eaux, il s'écrie: Salut, pompeux Jura, terrible Montanvert (l'un des glaciers de la Suisse)\ ! On ne sait plus où l'on est.+\\ <tab>Tableau des eaux minérales, des malades qui s'y rendent, des plaisirs qui s'y rassemblent. Mais laissant la foule et les scènes bruyantes, reprenons, dit l'Auteur, //notre course autour de vos domaines//. Montons au berceau même des eaux. Description des montagnes, des aspects qu'elles présentent, //des révolutions du globe// dont elles conservent les traces. Le Poète est forcé de répéter ici une partie des traits qu'il a déjà employés. Puis, tout à coup s'interrompant, oubliant qu'il suppose un domaine près d'une montagne d'où découlent des eaux, il s'écrie(nbsp): Salut, pompeux Jura, terrible Montanvert (l'un des glaciers de la Suisse)\ ! On ne sait plus où l'on est.
 \\ <tab>Comme ce qui vient après cette apostrophe n'a rien de particulier au Jura ni au Montanvert, et qui ne pût se dire de toute autre montagne couverte de glace ou de neige, l'Auteur pouvait en faire le sacrifice. Il pouvait aussi très-facilement, éviter les redites et le désordre qui gâtent les beautés dont ce chant est rempli, en plaçant ici, et non pas au commencement, tout ce qu'il dit des volcans, de la formation des montagnes et des révolutions du globe\ ; c'était la place naturelle de ce morceau. \\ <tab>Comme ce qui vient après cette apostrophe n'a rien de particulier au Jura ni au Montanvert, et qui ne pût se dire de toute autre montagne couverte de glace ou de neige, l'Auteur pouvait en faire le sacrifice. Il pouvait aussi très-facilement, éviter les redites et le désordre qui gâtent les beautés dont ce chant est rempli, en plaçant ici, et non pas au commencement, tout ce qu'il dit des volcans, de la formation des montagnes et des révolutions du globe\ ; c'était la place naturelle de ce morceau.
 \\ <tab>Le domaine de l'homme des champs peut être voisin des mers. L'idée et la description de la mer, conduisent à celles des fleuves et des ruisseaux\ ; ceux-ci amènent les eaux minérales, lesquelles engagent à remonter à leur source, à gravir les montagnes, où l'on voit les traces de tous les grands changemens arrivés sur la terre. Là, invoquant le génie de Buffon, l'Auteur aurait pu, dans une prosopopée lui faire expliquer à lui-même tout son système\ ; outre qu cela eût été plus animé, plus poétique, il y aurait eu de l'ordre, un plan\ ; et il n'y en a pas. \\ <tab>Le domaine de l'homme des champs peut être voisin des mers. L'idée et la description de la mer, conduisent à celles des fleuves et des ruisseaux\ ; ceux-ci amènent les eaux minérales, lesquelles engagent à remonter à leur source, à gravir les montagnes, où l'on voit les traces de tous les grands changemens arrivés sur la terre. Là, invoquant le génie de Buffon, l'Auteur aurait pu, dans une prosopopée lui faire expliquer à lui-même tout son système\ ; outre qu cela eût été plus animé, plus poétique, il y aurait eu de l'ordre, un plan\ ; et il n'y en a pas.
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 \\ <tab>Mes yeux à ces pensers, se sont mouillés de pleurs. \\ <tab>Mes yeux à ces pensers, se sont mouillés de pleurs.
  
-<tab>Il est vrai que Delille nous avertit que ceci fut écrit en 1790. Mais, alors même, la France ne ressemblait point encore à Tyr, ni à Thèbes après leur destruction. Notez qu'en 1793, l'Auteur était encore en France. Tous ces vers, faits à différentes époques, mettront un jour l'esprit des lecteurs à la torture. Ils achèvent d'ôter à son poëme toute apparence d'ensemble et d'unité[(Guinguené souligne de nouveau le problème politique, posé non plus par l'exil volontaire de Delille, mais par un vers qui semble faire du gouvernement consulaire une source de ruine pour le pays. La discussion sur la date renvoie à la note 16 de l'édition.)].+<tab>Il est vrai que Delille nous avertit que ceci fut écrit en 1790. Mais, alors même, la France ne ressemblait point encore à Tyr, ni à Thèbes après leur destruction. Notez qu'en 1793, l'Auteur était encore en France. Tous ces vers, faits à différentes époques, mettront un jour l'esprit des lecteurs à la torture. Ils achèvent d'ôter à son poëme toute apparence d'ensemble et d'unité[(Ginguené souligne de nouveau le problème politique, posé non plus par l'exil volontaire de Delille, mais par un vers qui semble faire du gouvernement consulaire une source de ruine pour le pays. La discussion sur la date renvoie à la note 16 de l'édition.)].
 \\ <tab> Etes-vous las de ces sites sauvages\ ? redescendez dans la plaine. Que les arbres et les fleurs vous étalent leurs richesses. Etudiez leurs différentes espèces, leurs formes, leurs penchans. Ceci amène fort bien l'étude de la botanique et le tableau d'une course de botanistes. L'Herbier conduit au cabinet d'Histoire naturelle. Mais l'Auteur vous conseille de vous borner d'abord aux productions des trois règnes qui se trouvent dans votre domaine. On peut demander quelle jouissance ils donnent alors à la curiosité, et si elle n'est pas plus excitée et plus satisfaite par des productions étrangères. On ne sait pas non plus pourquoi appliquant ici un hémistiche devenu parasite, il dit que les trois règnes sont étonnés d'être ensemble. Il semble que depuis le tems qu'ils se trouvent réunis dans les cabinets d'Histoire naturelle, ils doivent être revenus de leur surprise. \\ <tab> Etes-vous las de ces sites sauvages\ ? redescendez dans la plaine. Que les arbres et les fleurs vous étalent leurs richesses. Etudiez leurs différentes espèces, leurs formes, leurs penchans. Ceci amène fort bien l'étude de la botanique et le tableau d'une course de botanistes. L'Herbier conduit au cabinet d'Histoire naturelle. Mais l'Auteur vous conseille de vous borner d'abord aux productions des trois règnes qui se trouvent dans votre domaine. On peut demander quelle jouissance ils donnent alors à la curiosité, et si elle n'est pas plus excitée et plus satisfaite par des productions étrangères. On ne sait pas non plus pourquoi appliquant ici un hémistiche devenu parasite, il dit que les trois règnes sont étonnés d'être ensemble. Il semble que depuis le tems qu'ils se trouvent réunis dans les cabinets d'Histoire naturelle, ils doivent être revenus de leur surprise.
 \\ <tab>Ce morceau, l'un des plus longs du Poème, est aussi l'un des plus travaillés, l'un de ceux qui présentait le plus de difficultés, et où ces difficultés sont vaincues de la manière la plus heureuse et la plus brillante. C'est bien dommage qu'en parlant d'animaux empaillés, le Poète se soit souvenu de sa chate Raton, et qu'il se soit donné la peine de terminer un chant rempli de si grands objets et de si beaux vers, par la description de //la queue de son chat// et des bonds qu'il fesait sur sa table. Au reste, on ne sait pas bien si Raton est morte ou vivante. Les douze premiers vers de ce petit épisode (petit assurément dans tous les sens) en parlent comme si elle était morte\ ; mais au treizième, je voudrais te voir, lui dit-il, \\ <tab>Ce morceau, l'un des plus longs du Poème, est aussi l'un des plus travaillés, l'un de ceux qui présentait le plus de difficultés, et où ces difficultés sont vaincues de la manière la plus heureuse et la plus brillante. C'est bien dommage qu'en parlant d'animaux empaillés, le Poète se soit souvenu de sa chate Raton, et qu'il se soit donné la peine de terminer un chant rempli de si grands objets et de si beaux vers, par la description de //la queue de son chat// et des bonds qu'il fesait sur sa table. Au reste, on ne sait pas bien si Raton est morte ou vivante. Les douze premiers vers de ce petit épisode (petit assurément dans tous les sens) en parlent comme si elle était morte\ ; mais au treizième, je voudrais te voir, lui dit-il,
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 \\ <tab>De mon sobre diner solliciter ta part\ ;  \\ <tab>De mon sobre diner solliciter ta part\ ; 
  
-Ce tems présent déroute l'esprit, et voilà que l'on croit Raton vivante: tant le défaut d'ordre et de suite se fait sentir jusque dans les plus petites parties de ce Poème[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an IX-1800, 1er trimestre, n°\ 1, 10 vendémiaire, p.29-34.)].+Ce tems présent déroute l'esprit, et voilà que l'on croit Raton vivante(nbsp): tant le défaut d'ordre et de suite se fait sentir jusque dans les plus petites parties de ce Poème[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an IX-1800, 1er trimestre, n°\ 1, 10 vendémiaire, p.(nbsp)29-34.)].
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-Guinguené aborde le chant 4, puis il expose ainsi ses **conclusions**, qui sont sévères:+Ginguené aborde le chant 4, puis il expose ainsi ses **conclusions**, qui sont sévères(nbsp):
  
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-<tab>En résumant ce qui regarde le plan de cet Ouvrage, nous trouverons , 1° Qu'il n'y a point de plan général, que les Chants sont indépendans les uns des autres, et que le 4me sur-tout ne tient en aucune façon aux trois précédens: 2° Que dans chacun des Chtants, et principalement dans le 1er et le 3eme , les différens tableaux qui y sont tracés manquent entre eux d'ordre et suite, ce qui rend les transitions vicieuses, expose l'Auteur à des répétitions, à des redites, déroute à chaque instant l'esprit du Lecteur, refroidit son attention, et réduisant plusieurs de ces tableaux à leur effet intrinsèque, les prive de celui qui résulte d'un heureux enchaînement et d'un bel ensemble[(Id., p. 36.)].+<tab>En résumant ce qui regarde le plan de cet Ouvrage, nous trouverons , 1° Qu'il n'y a point de plan général, que les Chants sont indépendans les uns des autres, et que le 4me sur-tout ne tient en aucune façon aux trois précédens(nbsp): 2° Que dans chacun des Chants, et principalement dans le 1er et le 3eme , les différens tableaux qui y sont tracés manquent entre eux d'ordre et suite, ce qui rend les transitions vicieuses, expose l'Auteur à des répétitions, à des redites, déroute à chaque instant l'esprit du Lecteur, refroidit son attention, et réduisant plusieurs de ces tableaux à leur effet intrinsèque, les prive de celui qui résulte d'un heureux enchaînement et d'un bel ensemble[(Id., p. 36.)].
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 ===== Remarques sur le style ===== ===== Remarques sur le style =====
  
-Le critique aborde alors ce qu'il nomme l'"exécution", c'est-à-dire l'//elocutio//, l'expression. Guinguette commence par insister sur l'importance de ce qu'il nommera plus tard des "chicanes" – Delille n'est pas n'importe quel poète, mais un auteur brillant, un "exemple" aux nombreux imitateurs:+Le critique aborde alors ce qu'il nomme l'"exécution", c'est-à-dire l'//elocutio//, l'expression. Ginguené commence par insister sur l'importance de ce qu'il nommera plus tard des "chicanes" – Delille n'est pas n'importe quel poète, mais un auteur brillant, un "exemple" aux nombreux imitateurs(nbsp):
  
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-Guinguené distingue divers "vices" dans l'exécution.+Ginguené distingue divers "vices" dans l'exécution.
  
   * **Des répétitions**   * **Des répétitions**
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-<tab>//Tantôt// est [trop souvent] isolé et sans correspondant\ ; il l'est encore; dans ces vers du troisième chant:+<tab>//Tantôt// est [trop souvent] isolé et sans correspondant\ ; il l'est encore; dans ces vers du troisième chant(nbsp):
  
 <tab>//Tantôt// de l'ouragan c'est le cours furieux,  <tab>//Tantôt// de l'ouragan c'est le cours furieux, 
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   * **Des problèmes de registre**   * **Des problèmes de registre**
  
-"Quelquefois", note Guinguené, Delille "passe de l'affectation à la trivialité". Le critique en donne différents exemples, dont deux sont puisés dans le chant 3:+"Quelquefois", note Ginguené, Delille "passe de l'affectation à la trivialité". Le critique en donne différents exemples, dont deux sont puisés dans le chant 3(nbsp):
  
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   * **Des faiblesses métriques**   * **Des faiblesses métriques**
  
-Guinguené s'élève contre les critiques reprochant à Delille de chercher à varier sa **prosodie** ; mais il juge qu'il n'évite pas toujours la monotonie.+Ginguené s'élève contre les critiques reprochant à Delille de chercher à varier sa **prosodie** ; mais il juge qu'il n'évite pas toujours la monotonie.
  
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 \\ <tab>Voici le lit profond où le fleuve roula.  \\ <tab>Voici le lit profond où le fleuve roula. 
  
-<tab>Et plus bas, en parlant d'un morceau de marbre:+<tab>Et plus bas, en parlant d'un morceau de marbre(nbsp):
  
 <tab>Combien de tems sur lui l'Océan a coulé ! <tab>Combien de tems sur lui l'Océan a coulé !
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-<tab>Enfin, on trouve dans ce Poëme un grand nombre de réminiscences, d'autant moins excusables, que l'Auteur, riche de son propre fonds, a moins besoin de richesses d'emprunt. […] Boileau a dit, en commençant son Art Poëtique:+<tab>Enfin, on trouve dans ce Poëme un grand nombre de réminiscences, d'autant moins excusables, que l'Auteur, riche de son propre fonds, a moins besoin de richesses d'emprunt. […] Boileau a dit, en commençant son Art Poëtique(nbsp):
  
 <tab>C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur <tab>C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur
 \\ <tab>Pense de l'art des vers atteindre la hauteur. \\ <tab>Pense de l'art des vers atteindre la hauteur.
  
-<tab>Cela devait empêcher Delille de dire en parlant de l'Art des canaux:+<tab>Cela devait empêcher Delille de dire en parlant de l'Art des canaux(nbsp):
  
 <tab>Riquet de son grand art //atteignit la hauteur\ ;// <tab>Riquet de son grand art //atteignit la hauteur\ ;//
  
-<tab>en rime avec //auteur// au vers précédent\ ; et de répéter encore ailleurs:+<tab>en rime avec //auteur// au vers précédent\ ; et de répéter encore ailleurs(nbsp):
  
 <tab>Des desseins du grand Etre //atteignant la hauteur.// <tab>Des desseins du grand Etre //atteignant la hauteur.//
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 <tab>Toujours avec //auteur// à la rime.  <tab>Toujours avec //auteur// à la rime. 
  
-<tab>La Fontaine a dit d'un moucheron+<tab>La Fontaine a dit d'un moucheron(nbsp)
  
 <tab>Comme il sonna la charge, il sonne la victoire. <tab>Comme il sonna la charge, il sonne la victoire.
  
-<tab>Delille ne devait donc pas dire de quelques insectes:+<tab>Delille ne devait donc pas dire de quelques insectes(nbsp):
  
 <tab>Et //sonnaient// le danger, //la charge// et //la victoire//[(Id., p. 44-45.)]. <tab>Et //sonnaient// le danger, //la charge// et //la victoire//[(Id., p. 44-45.)].
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-Que Delille ait reconnu certains de ses emprunts n'excuse pas ses choix:+Que Delille ait reconnu certains de ses emprunts n'excuse pas ses choix(nbsp):
  
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-<tab>Dans une autre note, il craint que le vers, en parlant de Buffon:+<tab>Dans une autre note, il craint que le vers, en parlant de Buffon(nbsp):
  
 <tab>Eleva sept fanaux sur l'océan des âges, <tab>Eleva sept fanaux sur l'océan des âges,
  
-ne soit encore une réminiscence. Sa crainte est fort juste. Cette heureuse expression, pour désigner //les époques de la nature//, est du Poète le Brun, qui, dans une Ode imprimée, il y a près de trente ans, disait à Buffon:+ne soit encore une réminiscence. Sa crainte est fort juste. Cette heureuse expression, pour désigner //les époques de la nature//, est du Poète le Brun, qui, dans une Ode imprimée, il y a près de trente ans, disait à Buffon(nbsp):
  
-<tab>Au sein de l'infini ton ame s'est lancée:  +<tab>Au sein de l'infini ton ame s'est lancée(nbsp):  
-\\ <tab>Tu peuplas l'Univers de ta vaste pensée+\\ <tab>Tu peuplas l'Univers de ta vaste pensée(nbsp)
 \\ <tab>La Nature avec toi fit sept pas éclatans\ ;  \\ <tab>La Nature avec toi fit sept pas éclatans\ ; 
 \\ <tab>Et de son règne immense embrassant tout l'espace,  \\ <tab>Et de son règne immense embrassant tout l'espace, 
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 ===== Beautés du texte ===== ===== Beautés du texte =====
  
-Parvenu au terme de son examen de l'expression, Guinguené se défend d'avoir été trop dur. Il aurait, assure-t-il, pu multiplier les exemples de pareils "défauts dans un poème qui a tant de célébrité", et il espère que Delille les corrigera. Mais si ces défauts frappent, "la vérité est aussi, qu'ils y sont compensés par un **grand nombre de beautés** dont ils peuvent affaiblir l'effet, mais qu'ils ne sauraient effacer".+Parvenu au terme de son examen de l'expression, Ginguené se défend d'avoir été trop dur. Il aurait, assure-t-il, pu multiplier les exemples de pareils "défauts dans un poème qui a tant de célébrité", et il espère que Delille les corrigera. Mais si ces défauts frappent, "la vérité est aussi, qu'ils y sont compensés par un **grand nombre de beautés** dont ils peuvent affaiblir l'effet, mais qu'ils ne sauraient effacer".
  
-Or Guinguené loue particulièrement le troisième chant :+Or Ginguené loue particulièrement le troisième chant :
  
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-<tab>Dans le troisième, il ne semble y avoir que l'embarras du choix. La grande et éloquente exposition de divers systèmes sur la formation des montagnes et des volcans\ ; le morceau sur la mer\ ; plusieurs passages sur les sources d'eaux minérales et sur les crises de la Nature, mais qui demandent à être refondus avec le premier morceau sur les montagnes\ ; la charmante description d'une expédition de Botanistes\ ; et les difficultés, presque toujours heureusement vaincues, de celle des trois genres dans un cabinet d'Histoire Naturelle, eu font un répertoire abondant de beautés neuves et de fleurs écloses pour la première fois dans le champ de notre poésie descriptive: elles ne demandent que le dernier coup de lime, qu'un meilleur ordre et un ensemble plus régulier[(Id., p. 47-48.)].+<tab>Dans le troisième, il ne semble y avoir que l'embarras du choix. La grande et éloquente exposition de divers systèmes sur la formation des montagnes et des volcans\ ; le morceau sur la mer\ ; plusieurs passages sur les sources d'eaux minérales et sur les crises de la Nature, mais qui demandent à être refondus avec le premier morceau sur les montagnes\ ; la charmante description d'une expédition de Botanistes\ ; et les difficultés, presque toujours heureusement vaincues, de celle des trois genres dans un cabinet d'Histoire Naturelle, eu font un répertoire abondant de beautés neuves et de fleurs écloses pour la première fois dans le champ de notre poésie descriptive(nbsp): elles ne demandent que le dernier coup de lime, qu'un meilleur ordre et un ensemble plus régulier[(Id., p. 47-48.)].
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 ===== Intérêt des notes ===== ===== Intérêt des notes =====
  
-Guinguené conclut par un paragraphe relatif aux notes, et souligne le **caractère particulièrement scientifique** des remarques qui complètent le chant 3. Bien qu'elles soient restées anonymes, le critique est bien informé, il sait qu'elles doivent être partiellement attribuées au naturaliste Hermann. Mais il ne goûte pas pour autant leur précision…+Ginguené conclut par un paragraphe relatif aux notes, et souligne le **caractère particulièrement scientifique** des remarques qui complètent le chant 3. Bien qu'elles soient restées anonymes, le critique est bien informé, il sait qu'elles doivent être partiellement attribuées au naturaliste Hermann. Mais il ne goûte pas pour autant leur précision…
  
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-<tab>Ce Poëme est suivi de notes fort étendues. Elles ne sont pas toutes de l'Auteur. Presque toutes celles du troisième Chant sont sur-tout d'une main étrangère. Elle contiennent l'explication des nombreux objets d'Histoire Naturelle décrits ou seulement nommés dans ce Chant. Elles sont très savantes. On assure qu'elles ont été rédigées par le célèbre naturaliste Hermann, de Strasbourg, dont les sciences ont eu depuis à pleurer la perte. Peut-être dans une autre édition pourrait-on retrancher un peu de ce luxe scientifique[(Id., p. 49.)].+<tab>Ce Poëme est suivi de notes fort étendues. Elles ne sont pas toutes de l'Auteur. Presque toutes celles du troisième Chant sont sur-tout d'une main étrangère. Elles contiennent l'explication des nombreux objets d'Histoire Naturelle décrits ou seulement nommés dans ce Chant. Elles sont très savantes. On assure qu'elles ont été rédigées par le célèbre naturaliste Hermann, de Strasbourg, dont les sciences ont eu depuis à pleurer la perte. Peut-être dans une autre édition pourrait-on retrancher un peu de ce luxe scientifique[(Id., p. 49.)].
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   * Notes concernées : [[chant3#v176|chant 3, notes 8]], [[chant3#v377|16]] et [[chant3#v454|22]].   * Notes concernées : [[chant3#v176|chant 3, notes 8]], [[chant3#v377|16]] et [[chant3#v454|22]].
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